En Guadeloupe, la lutte contre les nombreuses violences intrafamiliales se renforce

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En Guadeloupe, la lutte contre les nombreuses violences intrafamiliales se renforce

"Agir, prévenir, informer" sont désormais les maîtres mots de la mobilisation contre les violences intrafamiliales en Guadeloupe, plus fréquentes que dans l'Hexagone, selon le département qui vient d'installer un réseau d'acteurs dans la lutte contre ce "fléau".


Entre 2019 et 2020, "une augmentation de 17,4%" des violences intrafamiliales (VIF) a eu lieu, note Guy Losbar, le président du conseil départemental.
Cette année, la direction territoriale de la police nationale a relevé plus de 600 faits du genre dans l'archipel des Petites Antilles aux 390.000 habitants.
"500 (de ces victimes) sont des femmes. 152 violences sont sexuelles contre 142 femmes et 10 enfants", a indiqué Natacha Nestor, correspondante départementale Aide aux victimes de la police nationale, qui participait fin novembre à Pointe-à-Pitre à un séminaire des acteurs de la lutte contre ces violences.
Une brigade spécialisée dans les violences intrafamiliales est installée depuis déjà un an au sein des services de la police nationale de Guadeloupe.
"J'ai aménagé une salle d'attente dédiée", décorée avec des jouets et des canapés pour tenter d'accueillir les victimes et leurs enfants au mieux, explique Natacha Nestor.
"Dans cette brigade, six enquêtrices ont été formées et spécialisées à l'accueil de ces personnes: elles sont en lien avec le parquet pour avoir la réponse judiciaire la plus rapide possible", a détaillé Camille Blanc-Tichy, cheffe du service territorial de police judiciaire.

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Côté parquet, on attend avec impatience début 2024 un "système informatisé de suivi de politiques pénales prioritaires, qui va permettre d'être plus réactifs dans les procédures" par la mutualisation de données interservices, mais également de "produire de la donnée pour sortir des analyses", explique à l'AFP Eric Maurel, procureur général de Guadeloupe, conscient du "fléau que sont les VIF" dans l'archipel.
A l'hôpital, il y a environ dix ans, "nous avons eu deux années sombres pour les violences intrafamiliales", rappelle Tania Foucan, cheffe du service de la médecine légale et de l'unité médicojudiciaire du CHU de Pointe-à-Pitre, évoquant six homicides conjugaux en quatre mois en 2012 et un en 2013 ayant conduit à la mort de six membres d'une même famille.

"Score gravité " 

"Nous avons mis en place, dès 2014, ce qu'on a appelé un score gravité pour permettre, lors des visites médicales, d'évaluer le risque face aux violences que court une victime afin de le signaler. Nous étions le premier CHU de France à le faire", assure-t-elle.
D'après l'enquête "Violences et rapports de genre" (Virage) publiée en 2021 par l'Ined (Institut national d'études démographiques), "32% des femmes et 23% des hommes" de Guadeloupe déclarent des faits de violences avant 18 ans "principalement au sein de la famille et de l'entourage proche".
Quand l'Hexagone enregistre 2,7 violences intrafamiliales pour 1.000 habitants, la Guadeloupe en compte 4,5 en 2022, selon un rapport parlementaire de mars 2023.
La précarité chronique que connaissent de nombreuses familles (avec un taux de pauvreté de 34,5% en 2017 selon l'Insee), et la promiscuité dans des "logements insalubres et exigus" peuvent les favoriser, selon ce rapport.

Pour Stéphanie Mulot, anthropologue et sociologue, "les données d'enquêtes montrent aussi des particularités en matière de violences faites aux femmes dans le couple guadeloupéen". Selon elle, la structure des familles est "un facteur aggravant", avec une très forte monoparentalité (63% des enfants naissant sans père déclaré) et des hommes en situation de "multipartenariat" (plusieurs relations simultanées).
"La société matrifocale guadeloupéenne donne l'illusion d'un pouvoir des femmes", estime l'anthropologue. Elle explique aussi que la société insulaire, rompue au "makrelaj" (commérage en créole) et la proximité entre individus favorise un contrôle social peu propice à la dénonciation et au signalement de violences. Même si, en Guadeloupe aussi, la parole se libère.

"La réponse a posteriori ne suffit pas", souligne Prisca Melyon-Reinette d'Amalgame Humanis, une association de lutte contre les violences sexistes et sexuelles. "Nous devons parler de santé mentale, d'identité de genres très tôt, mais nous devons apprendre à le faire avec de l'éducation populaire", dit-elle, l'égalité des genres et la santé sexuelle restant encore taboues en Guadeloupe.

Avec AFP