Canne à sucre et poisson de La Réunion, rhum des Antilles, perles de Polynésie, matériels de transports de Guyane… Les exportations des territoires ultramarins vers l’extérieur existent mais restent largement inférieures aux importations. Pourtant, remplir les containers et éviter des « retours à vide » est un enjeu de taille pour les territoires. Troisième volet de notre dossier consacré aux ports d’Outre-mer.
Par Marion Durand
Partout, la balance commerciale est déficitaire. Les importations de biens et de marchandises restent bien supérieures aux exportations dans les Outre-mer. La Guadeloupe importe par exemple douze fois plus qu’elle n’exporte en 2022. « Les îles françaises ne sont pas, à quelques exceptions près (Nouvelle-Calédonie), tournées vers l’exportation, analyse l’historienne Marie-Annick Lamy-Giner, maître de conférences en géographie à l’Université de La Réunion. « Quelques produits phares caractérisent néanmoins leurs exportations, en l’occurrence le sucre et le rhum. De même quelques productions agricoles (banane, ananas, letchis…) sont orientées vers les marchés extérieurs. La production agroalimentaire quant à elle est surtout tournée vers le marché local. »
Rhum des Antilles, sucre de canne de La Réunion, perles de Tahiti
Si les importations par voie maritime représentent la majorité des échanges effectués entre la France hexagonale et les Outre-mer, ces derniers exportent tout de même certaines denrées alimentaires ou des biens.
En Guadeloupe, les exportations ont augmenté en 2022 (+19%) : denrées alimentaires, boissons et produits à base de tabac progressent de 11% par rapport à l’année précédente. Les expéditions de rhum restent majoritaires et les produits agricoles (comme la banane) se poursuivent, malgré une baisse en 2022 selon l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee).
En Martinique, comme pour son voisin antillais, le montrant des exportations est en hausse, en partie grâce aux réexpéditions de produits pétroliers raffinés. Le territoire exporte aussi des denrées alimentaires, des boissons ou des produits à base de tabac.
La Réunion exporte principalement du sucre de canne, du rhum et du poisson (de la légine pêchée au sud de l’île dans les mers australes). En Guyane, la baisse des exportations entamée depuis 2019 se stabilise selon l’Insee. Le pays exporte surtout des produits industriels et du matériel de transport (en particulier à destination du marché automobile).
La Polynésie française exporte divers produits, principalement par voie maritime. Les perles sont les produits les plus exportés par le territoire, ce qui représente un gain « de 7,3 milliards de francs CFP en moyenne entre 2008 et 2020 », selon les chiffres du Port autonome de Papeete. Les poissons, le noni et enfin le coprah sont les trois autres produits les plus exportés par la collectivité. Les exportations de produits de la mer, hors coquilles, ont augmenté de 36% en valeur, ce qui représente 16% du total des exportations de produits locaux polynésiens.
En Nouvelle-Calédonie, les exportations sont portées par les produits issus de l’activité du nickel (minerai, ferro-nickel, etc). Le territoire du Pacifique exporte ensuite des produits de la mer et de l’aquaculture (thons, crevettes, trocs, holothuries) ou des produits de la terre et de l’élevage.
Selon un rapport parlementaire sur l’autonomie alimentaire des Outre-mer, « les contraintes de transport rendent les produits ultramarins peu compétitifs par rapport à leurs concurrents. Les producteurs antillais considèrent par exemple que leurs produits sont difficiles à exporter, même dans le bassin caraïbe, en raison du manque de fiabilité des transporteurs, des barrières normatives et douanières, de l’existence d’une industrie locale plus compétitive, car pouvant s’appuyer sur une main-d’œuvre moins chère, et de l’écart de niveau de vie. »
Des navires qui rentrent « à vide »
Si les navires accostent dans les ports d’Outre-mer chargé à bloc, il n’en est rien au retour. Les conteneurs repartent souvent à vide faute d’un chargement suffisant lié aux faibles taux d’exportation. Même si les armateurs financent l’aller-retour pour un navire, comme le rappelle le Syndicat de l’importation et du commerce à La Réunion. « Le problème c’est que pour exporter, il faut avoir des débouchés. Or, nous n’avons pas réellement de produits de niche qui pourraient intéresser avec des gros volumes. L’Australie produit et exporte son sucre, Maurice est le principal concurrent de La Réunion sur ce produit aussi », remarque l’un de ces membres.
Alors, faute d’être rempli, les containers sont parfois entreposés sur la terre ferme comme le rappelle l’historienne Marie-Annick Lamy-Giner : « Beaucoup de conteneurs vides viennent donc encombrer les terre-pleins ou sont stockés chez les transporteurs ou les clients, en attendant de pouvoir être chargés à bord des navires. Au port de La Réunion, le nombre de conteneurs repartant à vide se monte, chaque année, à environ 100 000 conteneurs de 6 mètres. »
De son côté, le Port autonome de Papeete regrette lui aussi ces « retours à vide » et estime que « malgré la diversité des produits exportés par la Polynésie française, il semble qu'il y ait encore des possibilités de développer davantage les exportations et d'éviter les retours à vide des navires. » Pour cela, ils avancent plusieurs pistes pour accroître les exportations : innover dans la transformation des ressources maritimes (comme la nacre…) ; faire la promotion des produits polynésiens à l’étranger, créer des accords commerciaux avec d’autres pays (avec la Chine par exemple) ou améliorer les infrastructures portuaires pour faciliter l’accueil de plus gros porteurs.
Outre l’intérêt financier de développer et de diversifier leurs exportations, cela permettrait aussi de mettre en avant la richesse de nos Outre-mer.
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