Sans surprise, les députés des Outre-mer, majoritairement dans l’opposition, n’ont pas été convaincus par le discours de politique générale du Premier ministre Michel Barnier. Certaines annonces, notamment sur la Nouvelle-Calédonie, n’ont pas plu jusqu’à son propre camp.
« Je suis évidemment déçu (…) c’est toujours cette forme de tyrannie par l’indifférence » a estimé le député GDR de Martinique, Marcelin Nadeau, quand sa collègue de La Réunion, Karine Lebon, dénonce une « politique du vide ». « On a eu un discours interminable avec trois phrases sur les Outre-mer, mais est-ce si étonnant que cela ? », s’interroge la députée.
« C’est un discours convenu, convenable, mais qui, sur le fond, ne nous convient pas, car ce gouvernement est trop à droite, avec des propos trop marqués à droite, non démentis par le Premier ministre », a embrayé Olivier Serva, député LIOT de Guadeloupe -par ailleurs candidat à la Vice-présidence de l’Assemblée nationale-, qui fait référence aux récents propos du nouveau ministre de l’Intérieur sur l’immigration, l’État de droit ou encore « la société multiculturelle » qui représenterait « un risque ».
« Je suis déçu, je suis inquiet parce qu’aujourd’hui la situation se dégrade. Les indicateurs socio-économiques étaient déjà mauvais chez nous (…) Rien dans le discours du Premier ministre ne laisse penser que l’on va prendre à bras-le-corps les différents sujets. La question de la vie chère ne peut pas se contenter de mesurettes », a déclaré de son côté le député PS Philippe Naillet.
« J’ai l’impression d’être sur un rond-point où on a cédé la priorité à droite ! (…) Il [le Premier ministre] nous annonce qu’il va faire plein de choses, mais dès qu’il prend la parole, il nous dit qu’il n’y a plus d’argent dans les caisses. Donc, est-ce possible de faire des omelettes sans casser des œufs ? La réponse est non ! », ajoute Frédéric Maillot, député GDR de La Réunion.
Estelle Youssouffa, députée LIOT de Mayotte s’est, elle, dite « très déçue de ne pas avoir entendu un mot sur » son île. « La plus grave crise migratoire est à Mayotte, la plus grave crise de l’eau est à Mayotte. Ne pas entendre le Premier ministre parler de notre département (…) c’est quand même assez décourageant » a déploré la députée qui appelle l’exécutif à avancer sur les dossiers prioritaires de l’île : la loi Mayotte et la suppression du droit du sol.
Même du côté de la coalition EPR-LR, le ton est acerbe, notamment sur les annonces concernant la Nouvelle-Calédonie. « Je trouve que le discours du Premier ministre sur la Nouvelle-Calédonie est complètement déconnecté, puisqu’il n’y a aucune annonce de soutien financier pour la Nouvelle-Calédonie, alors que nous traversons la plus grave crise économique, sociale et humanitaire de notre histoire », a déclaré le député EPR (Renaissance) Nicolas Metzdorf.
Le député non-indépendantiste déplore « une énième mission de dialogue » et « l’annonce totalement inutile de la non convocation du Congrès de Versailles » pour le dégel du corps électoral provincial, « qui n’est pas de sa compétence mais de la compétence du Président de la République ». « On donne raison à ceux qui cassent et ceux qui brûlent », dénonce encore le député qui se dit « obligé d’avoir un discours plus incisif, moins en défense du gouvernement » et du Premier ministre « qui ne mesure pas la gravité de la situation ».
Assez paradoxalement, c’est le député indépendantiste (GDR) de Nouvelle-Calédonie, Emmanuel Tjibaou, qui s’est montré plus indulgent à l’égard du chef du gouvernement : « c’est le signe qui nous permet d’aller au-devant de nos compatriotes avec la reconnaissance que l’État prenne sa responsabilité sur la sortie de crise et la reprise des discussions institutionnelles ».
« On a entendu le message de solidarité. On a également pris note de la prise en compte des dossiers Outre-mer et calédoniens en particulier, au niveau de Matignon, ainsi que de la reprise des discussions institutionnelles », a-t-il salué, prévenant toutefois « ne pas être suspendu aux lèvres » du Premier ministre. « Pour l’instant, j’ai entendu la parole, j’attends des actes ».