La commune de Miquelon-Langlade s’est engagée cette année dans une démarche « Atelier des Territoires » pour imaginer son avenir et son évolution spatiale face aux conséquences du changement climatique. Le village de Miquelon pourrait être le premier village des Outre-mer et de France à être déplacé.
Sur cette île de cet archipel, le village de Miquelon peuplé de 600 habitants est aujourd'hui menacé par les tempêtes récurrentes et les fréquentes inondations qui accélèrent l'érosion des côtes. « Le village de Miquelon est situé à 2 mètres au-dessus de la mer, ce qui est peu face à une montée des océans. Le village de Miquelon pourrait être en danger. La finalité est de mener une rÉflexion de Miquelon à long-terme (...) Aujourd'hui, on veut définir un nouveau village mais dans l'espace de quelques mois ou années.» souligne Denis Detcheverry, ancien sénateur de Saint-Pierre et Miquelon dans un film réalisé par Christophe Raylat sur l'île de Miquelon confrontée aux conséquences du réchauffement climatique et tourné dans le cadre des Ateliers des territoires à Miquelon.
L’isthme de Miquelon-Langlade est une longue bande de dunes sauvages, bordée de part et d’autre par l’océan Atlantique. Elle est de plus en plus rongée par les grandes marées. En février 2021, l'unique route reliant les deux îles s'était effondrée, isolant les 600 habitants du village de Miquelon. « A une certaine époque, les hivers plus rigoureux qu'aujourd'hui formaient un cordon de glace qui protégeait les buttes de sable. Avec le réchauffement climatique, ce cordon dunaire est attaqué par la mer. Il est de plus en plus difficile de maintenir ce cordon dunaire en place », poursuit Franck Dechetverry, maire de Miquelon.
La disparition de cet isthme est exarcerbée au cours des années 2000 avec les effets du changements climatiques. En 2014, le président François Hollande, de passage sur l’archipel, déclare que Miquelon pourrait disparaître avec la montée du niveau de la mer et annonce la mise en place d’un plan de prévention des risques littoraux (PPRL).
En 2019, la collectivité territoriale propose un déplacement vers la presqu’île du Cap, mais celle-ci, très petite et isolée, n’a pas la faveur des habitants qui préfèrent l’île de Miquelon, plus grande et connectée à l’île voisine de Langlade. En janvier 2020, lors de la visite de la ministre des Outre-mer de l’époque, Annick Girardin, les habitants manifestent et délimitent visuellement les parcelles de terrain qu’ils souhaitent investir pour le nouveau village. Le nouveau maire du village, Franck Detcheverry s’inscrit au cœur du processus. Il multiplie les demandes d’aide à l’État et à la collectivité territoriale
Dans le cadre des Ateliers des territoires menés par le Ministère de la transition écologique, le cabinet d’urbanisme Alphaville élabore avec les habitants des propositions concrètes d’évolution du village et de l’habitat et imaginer collectivement leur futur village. « Ce projet, on le fait pour nos enfants, et nos petits-enfants. Si on veut que Miquelon continue à vivre et à perdurer, il faut aller de l'autre côté, il faut avoir l'ambition et le courage de le faire. La plus grande déception est le manque de terrain», souligne Nancy Hayes, première adjointe à la mairie de Miquelon.
La relocalisation de Miquelon est donc initiée, mais doit encore faire face à de nombreux défis – financiers, législatifs, politiques, techniques et environnementaux. « Pour la production alimentaire, on dépend du Canada et de la France, mais on dépend aussi de l'île de Saint-Pierre car la réception des produits se fait à Saint-Pierre. Par contre, les terres arables sont à Miquelon, la production alimentaire ne peut se faire qu'à Miquelon. Le déplacement du climat est justifié. Simplement lorsqu'on veut faire de la production agricole, l'ensoleillement est à Mirande mais on ne développe rien à Mirande. Si on déplace le village, il faut aussi déplacer certaines activités agricoles» confie Patrick Dechenest, responsable de la boucherie de Miquelon.
« La situation actuelle suscite des inquiétudes. La zone agricole actuelle est en zone inondable. Si on est amené à tout déplacer, qui paie quoi? C'est la grande question?», souligne Leila Miliani, eleveuse à Miquelon.
« Une des particularités de cette démarche d'atelier pour le village de Miquelon est qu'on a fait un pas de plus par rapport à la traditionnelle feuille de route. On a souhaité amorcé ces actions.», précise Laurent Pinon, directeur associé de l'agence Alphaville
«La priorité de la DTAM est de transformer le sprint en une course de fond, de se dire qu'une fois les partenariats construits, la vision collective, que la population est d'accord et moteur de cette évolution, il s'agit de voir comment les décideurs continuent à travailler ensemble pour que le projet se précise» indique Patricia Bourgeois, directrice de la DTAM de Saint-Pierre-et-Miquelon.
En raison des changements climatiques, le regard est porté vers les iles du Pacifique et de la montée des eaux, et c'est peut être Miquelon qui pourrait être le premier territoire à déménager.