Depuis octobre 2022, la Guadeloupéenne Sylvie Gustave dit Duflo est la présidente du conseil d'administration de l'Office français de la biodiversité(OFB). Lors de son passage à Paris, Outremers 360 l'a interrogé sur ses ambitions à la tête de cet organisme et les projets à venir, tels que les problématiques de l’eau à Mayotte, de l’assainissement en Guadeloupe, la mise en place des diagnostics territoriaux de la biodiversité, la coopération caribéenne sur les sargasses.
Outremers 360 : Ce vendredi s'est tenu le conseil d'administration de l'Office français de la Biodiversité dont vous êtes la présidente depuis deux ans. Quels sont les dossiers que vous avez abordé ?
Sylvie Gustave dit Duflo : Lors de ce conseil d'administration, nous avons accueilli notre nouveau directeur général, Olivier Thibault, nommé le 5 juin dernier. Au cours de ce conseil d'administration, il a défini sa feuille de route pour l'établissement.
En tant que présidente du conseil d'administration de l'OMP, je me félicite qu'Olivier Thibault nous rejoigne. C'est un agent de l'État, un haut fonctionnaire qui a travaillé dans le domaine de l’eau et de la biodiversité. Il a eu également beaucoup d'autres casquettes. Les territoires hexagonaux, il connaît bien et les territoires ultramarins, il connaît encore mieux, puisque pour le ministère de la Transition écologique, il a également piloté le plan Eau DOM. Il s'agit des investissements portés par l'État pour l'eau et l'assainissement dans les territoires ultramarins. C'est vraiment pour nous une très grande satisfaction qu'Olivier Thibault, un connaisseur des territoires à la fois hexagonaux et ultramarins, soit nommé à ce poste.
Nous avons eu des dossiers ultramarins. Nous avons approuvé l'entrée en préfiguration de l'Agence territoriale de la biodiversité de la Martinique. C'est une agence que nous attendons depuis fort longtemps puisque Serge Letchimy, l'actuel président de la collectivité territoriale de Martinique, lorsqu'il était député en 2016, a participé à la loi pour la reconquête de la biodiversité en 2016. Il faisait partie de ces députés ultramarins qui pensaient que le siège de l'Office français de la biodiversité devait être en Guyane. Il était de ses ardents défenseurs, au même titre que le président de région Guadeloupe Ary Chalus, ou encore Maïna Sage, la députée de Polynésie qui avaient fait en sorte que les agences régionales de la biodiversité puissent émerger. Là aussi, j’éprouve une énorme satisfaction en tant que présidente de l’Office français de la Biodiversité et Ultramarine, qu'une agence de la biodiversité sur le territoire de la Martinique puisse entrer en préfiguration et puisse, dans quelques mois, être créée.
Autre dossier ultramarin abordé est celui de Mayotte. Il faut savoir que sur le territoire mahorais, la saison des pluies se termine malheureusement, les nappes phréatiques ne sont pas pourvues suffisamment d'eau. Habituellement, elles sont remplies au sortir de la saison des pluies, elles sont pourvues à 98 %. Aujourd’hui, le constat a été fait qu'elles étaient remplies entre 30 et 40 %. Le territoire mahorais subit des tours d'eau où l'eau est distribuée seulement entre 22h00 et 5h du matin. Cela impacte la vie au quotidien de l’île. Le 17 avril dernier, le ministre délégué aux Outre-mer Jean François Carenco, et le ministre délégué au territoire ont mis en place un plan d'action à court et à moyen terme pour approvisionner l'île de Mayotte en eau. Dans ce plan, on retrouve par exemple la construction d'une usine d'eau de dessalement à forte capacité de production. Mais pour faire face à la situation actuelle en 2023, un plan d'urgence de plus de 20 millions d'euros a été mis sur la table et sur les 20 millions, l'Office français de la biodiversité fournira plus de 9 millions d'euros pour pouvoir aider à des actions d'urgence pour faire face à la pénurie d'eau sur le territoire mahorais. En tant que présidente du Conseil d'administration de l'Office français de la biodiversité, on brasse large, mais c'est vrai, je suis particulièrement attentive aux dossiers ultramarins, du fait de mes origines.
Nous avons présenté un bilan des parcs naturels marins. On compte actuellement neuf parcs naturels marins créés dont deux sont ultramarins. Il y a le parc naturel marin de Martinique et le parc naturel marin de Mayotte. Je suis très heureuse que l'Office français de la biodiversité, dans ses missions, vienne aider ces territoires ultramarins à grandir, à faire face à des crises ou encore répondre à des enjeux de préservation de la biodiversité.
Outremers 360 : Quel est votre ressenti après deux ans comme présidente du conseil d'administration de l'OFB?
Sylvie Gustave dit Duflo : Je crois que c'était une volonté extrêmement forte des administrateurs de mettre une ultramarine, une femme. Je cumule les premières fois : une première fois pour une ultramarine, une première fois pour une femme d'être à la tête de l'Office français de la biodiversité. C'était aussi la volonté du gouvernement que l'Office français de la biodiversité puisse percoler à travers tous les territoires.
En tant que présidente du Conseil d'administration, mon rôle est d'aider à la gestion de cet établissement, mais surtout aussi de rappeler que la France n'est pas un territoire uniquement continental européen. La France est un archipel avec un archipel qui tend ses bras dans le bassin de l'océan Indien, dans le bassin du Pacifique, dans le bassin antillais.
Et je vous assure, penser comme un Français avec ce contexte archipélagique, c'est changer de dimension et changer de paradigme. Mon rôle en tant que présidente du Conseil d'administration d'origine ultramarine est d'apporter cette dimension au Conseil d'administration. Il faut pouvoir se dire que le territoire français,ce n’est pas juste les frontières hexagonales européennes, mais des frontières qui vont jusqu'au Pacifique, jusqu'en Guyane, en ayant une frontière avec le Brésil, etc. Penser comme un insulaire, agir comme un administrateur qui gère un territoire archipélagique,cela change des choses. Et mon objectif, c’est cela !
Outremers 360 : Quelles sont les orientations fixées par le directeur de l'Office français de la biodiversité pour les territoires ultramarins ?
Sylvie Gustave dit Duflo : En ce qui concerne les Outre-mer, Olivier Thibault, a donné ses préconisations, mais ça s'inscrit dans la feuille de route de l'établissement, qui est le contrat d'objectifs et de performances qui précise ce que nous voulons développer pour l'ensemble des territoires et singulièrement pour les territoires ultramarins.
La première des choses, c'est de faire émerger les agences régionales de la biodiversité. Nous l'avons fait pour la Guadeloupe, celle de La Réunion, et de la Martinique, mais il faut également savoir que nous travaillons pour faire émerger l’agence territoriale de la biodiversité de la Guyane. Cela est en bonne voie !
Nous avons travaillé avec Saint-Martin sur une convention qui a été signée au mois d'avril pour que la collectivité de Saint Martin puisse rentrer sous les dispositifs OFB, à savoir Territoire engagé pour la nature, à mettre en place des Atlas de la biodiversité communale. La collectivité de Saint Martin va être accompagnée par l'OFB pour pouvoir mettre tous ces dispositifs en œuvre. Nous souhaitons le travail fait par le président Louis Mussington avec son équipe, pour que Saint-Martin, de manière résolue, s'engage également sur cette voie de la préservation de la biodiversité.
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Nous souhaitons au niveau des territoires ultramarins, mais au niveau des territoires hexagonaux, déployer les diagnostics territoriaux. Il faut savoir que le premier diagnostic territorial expérimental est en train d'être expérimenté en Guadeloupe. C'est un diagnostic qui réunit l'ensemble des acteurs (universitaires, gestionnaires d'espace, collectivités, associations) pour pouvoir faire un diagnostic, prioriser les actions à mener. Par exemple, ce qui semble d'ores et déjà se dégager des premières conclusions sur le diagnostic territorial de la Guadeloupe, c'est l'assainissement. Aujourd'hui, 72 % de nos stations d'épuration dysfonctionnent. Cela a un impact majeur sur la biodiversité, sur les récifs coralliens, sur l'état des masses d'eau, sur la qualité de nos milieux aquatiques naturels. Il devient une urgence absolue que les stations d'épuration puissent être mises en conformité. Ces diagnostics orientent d’une certaine façon les politiques que nous devons mettre en place et les financements qui doivent sous-tendre cette politique. Ce qui est fait en Guadeloupe se fera en Martinique, en Guyane, à La Réunion, à Mayotte et puis à la demande des territoires qui sont autonomes, comme la Polynésie française ou comme Saint Barthélemy, s’ils le souhaitent.
Enfin, l'Office français de la biodiversité concourt à un certain nombre de dispositifs sur nos territoires, des dispositifs «Engagés pour la nature», les Atlas de la biodiversité communale,mais également des appels à projets sur les récifs coralliens, les appels à projets «TEMEUM», qui permet aux associations de pouvoir se déplacer d'un territoire à un autre pour pouvoir faire de l'échange, du partage d'expérience. L'Office français de la biodiversité intervient dans tout cela.
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Il y a un fort volet de l'Office français de la biodiversité consacré à la police de l'environnement. La police de l'environnement est une police qui intervient dès lors que l'environnement est impacté, que ça soit pour des pollutions en milieu terrestre ou en milieu aquatique, mais également dès lors qu'il y a des contrevenants au programme CITES, le programme de préservation des espèces. Ainsi en 2021, il y avait eu un énorme coup de filet où on avait récupéré plus de 300 espèces qui avaient été capturées essentiellement en Guyane : il y avait un trafic de serpents, un trafic de fauves. La police de l'environnement intervient sur tout ce qui est pêche illégale, chasse illégale. Elle est sur le terrain pour pouvoir contrôler tout cela.
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Outremers 360 : Vous êtes également présidente de l'Agence régionale des îles de Guadeloupe. Quelles sont les actions menées au sein de cette structure ?
Sylvie Gustave dit Duflo : L’agence régionale de la biodiversité des îles de la Guadeloupe a été créée en 2021, mais à cause de la pandémie et de la crise sanitaire que nous avons eue sur le territoire de la Guadeloupe, elle n'a pu être opérationnelle qu'à partir de février 2022. Elle a un peu plus d'un an d'existence, et cette Agence régionale de la biodiversité est très fortement sollicitée.
Nous avons mis en place quatre pôles, un pôle d'ingénierie et d'appui aux collectivités. L'idée pour nous est d’apporter de l'ingénierie aux petites collectivités, aux petites communes, pour faire émerger leurs projets de préservation et de valorisation de la biodiversité. D'ailleurs, nous sommes en train de lancer le dispositif Territoire engagé pour la nature. C'est un dispositif porté par l'OFB, mais sur le territoire de la Guadeloupe, mais ce dispositif est mis en œuvre de manière opérationnelle par l'Agence régionale de la biodiversité des îles de Guadeloupe. Sur 32 communes, il y en a 12 qui ont répondu, ce qui est énorme. Les équipes sont en train de travailler sur les projets que les communes ont présentés afin de les labelliser.
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Nous avons mis en place un deuxième pôle qui consiste à construire l'Observatoire régional de la biodiversité. Nous avons besoin d'indicateurs. Ces indicateurs vont résumer l'état des lieux de nos écosystèmes, de notre biodiversité.Et ces indicateurs doivent servir à orienter les politiques publiques sur notre territoire. Si effectivement un indicateur est négatif, ça veut donc dire que les collectivités doivent davantage aller vers de la restauration écologique, davantage de préservation. Avoir ces indicateurs sur l'archipel de la Guadeloupe, ça va être un formidable levier pour mieux orienter les politiques publiques et les décisions auprès des décideurs politiques.
Ensuite, un troisième pôle que nous sommes en train de mettre en œuvre. Nous sommes en train de reconstruire le Conservatoire botanique des îles de Guadeloupe. Nous avons déjà recruté deux botanistes. Nous sommes en train de recruter un troisième botaniste. D'ailleurs, cela me permet de voir que dans ce secteur qu’il y avait une vraie pénurie, pas seulement à l'échelon de la Guadeloupe mais à l'échelon national et sur les territoires. Cela montre aussi qu'il faut orienter nos formations vers des secteurs qui demandent et recrutent. Ce Conservatoire botanique, nous sommes en train de le mettre en œuvre et nous avons bon espoir de déposer un agrément national d'ici le premier trimestre 2024 pour qu'il soit agréé.
Enfin, le quatrième pôle est celui de la sensibilisation de tous les acteurs du territoire. C’est le pôle qui s’adresse aux scolaires, aux grands publics, aux entreprises, aux associations, pour fédérer toutes ces forces vives autour de la biodiversité
Avec cette agence qui n’a qu’un an, nous nous sommes lancés avec le Muséum national d'histoire naturelle, dans la réalisation d'une expédition océanographique et terrestre « La planète revisitée des îles de Guadeloupe». Cette expédition océanographique et terrestre va se dérouler pendant deux mois, de septembre à novembre 2024, et mobiliser plus de 70 chercheurs internationaux, nationaux et évidemment locaux. Nous allons travailler sur ce qu'on appelle la biodiversité négligée, c'est-à-dire faire de l'inventaire pour la partie marine jusqu'à 200 mètres de profondeur, pour étudier les petites choses qui sont dans la mer et qui sont importantes parce qu'elles participent à la capture du carbone bleu dans les océans. Nous irons également sur le volet terrestre. Dans ce volet, on aura une partie botanique avec les fonges (les champignons, les mousses, les lichens). On ira également sur une faune négligée, à savoir les batraciens, les reptiles, les insectes.
En tant que de l'Agence régionale de la biodiversité des îles de Guadeloupe, je souhaite que cette expédition océanographique et terrestre soit une fête de la biodiversité pour la population. Pour cela, nous avons déjà pris contact avec les maires des îles du Sud (Marie-Galante, les Saintes et la Désirade) dans lesquels cette expédition va se dérouler. Sur les sites d’inventaire, nous ferons en sorte que les scolaires et les étudiants à la fac se déplacent et viennent à la rencontre des chercheurs. Évidemment, des conférences grand public sont prévues. Il s’agit de permettre à la population de se rendre compte du travail des chercheurs, comment on découvre des espèces, comment on les catégorise, les trie et comment on leur donne un nom.
Lors des deux précédentes éditions, Karubenthos en 2012 et Karubenthos en 2015, ce sont deux expéditions qui sont restées entre sachants, entre scientifiques. Or, lors de ces deux précédentes expéditions, 284 nouvelles espèces ont été décrites, dont 84 qui sont endémiques uniquement à la Guadeloupe. C'est dire l'héritage que nous portons sur le dos.
Outremers 360 : Qu'en-est-il de la mise en place de l'Agence régionale de la biodiversité de La Réunion
Sylvie Gustave dit Duflo : Au mois de mai dernier, on a vu la création de l'Agence régionale de la biodiversité de La Réunion. Là aussi, en tant que présidente de l'Office français de la biodiversité, je serais extrêmement attentive. Peu ou prou, on retrouve le même diagnostic, les mêmes pôles également à La Réunion, à savoir la création de réseaux d'acteurs, l'appui aux collectivités, la sensibilisation du grand public, des scolaires, la mobilisation du monde de l'entreprise, ainsi que toutes les stratégies à mettre en place. Ils vont développer de grandes stratégies en direction des espèces exotiques envahissantes. Je salue la création de cet ARB. Je sais que c’est Ericka Bareigts, l'ancienne ministre des Outre-mer, également maire de la ville de Saint Denis et vice-présidente à la Région Réunion, qui est la présidente de cette agence. Je salue la volonté politique de la Région Réunion à avoir porté et à permettre l'aboutissement de cette agence.
Outremers 360 : Les Outre-mer constituent 80% des hotspots de la biodiversité française. Des hotspots qui connaissent de nombreuses menaces comme les espèces exotiques envahissants ou encore les sargasses aux Antilles. Quels sont les leviers d'action de l'OFB sur ce phénomène ?
Sylvie Gustave dit Duflo : ll y a un peu moins de dix jours, la Secrétaire d'État à l'écologie, Bérangère Couillard, a fait une visite à la fois en Martinique et en Guadeloupe. En effet, elle a pu voir l'impact des sargasses sur la biodiversité. L’échouement cause trois impacts. D’abord, on pense à l'impact économique, à la fois sur les activités de pêche, sur les activités touristiques et nautiques. D'ailleurs, la Caricom a évalué,à une perte de 94 millions d'euros sur l'économie touristique, l'impact de l'invasion des algues sargasses pour 2022, considérée comme une année moyenne. Imaginez 2023 qui est classée comme une année exceptionnelle. On va vers des chiffres qui sont absolument astronomiques pour les petits États de la Caraïbe qui vivent essentiellement du tourisme.
Ensuite, il y a l'impact sur la biodiversité. Sur ce point, il nous manque des études sur le territoire français. Il y a eu des études qui ont montré de manière ponctuelle l'action des sargasses sur cette biodiversité. Maintenant, après 12 années d'échouement, il nous faut des études longitudinales, sur une durée entre 3 à 10 ans qui évalue ce que nous avons perdu avec ces algues sargasses. Parce qu'il faut bien se rendre compte que lorsque vous avez des échouements massifs d'algues sargasses, cela impacte les écosystèmes marins, les herbiers phanérogames, les récifs coralliens, mais aussi la mangrove. On a vu apparaître aussi bien en Guadeloupe qu'en Martinique des phénomènes de mangroves roses. Ce phénomène viendrait du fait que les sargasses, empêchant la circulation marine dans la mangrove, permettaient une accumulation brutale du niveau de sel dans cet écosystème douceâtre et avec une prolifération de type bactérien qui adore le sel. Or, nous ne savons pas aujourd’hui, l'impact de ces niveaux élevés de sel sur cette mangrove. Je rappelle que la mangrove est un écosystème extrêmement puissant pour lutter contre l'érosion des côtes et pour faire face aux houles cycloniques. Si l’on perd cet écosystème, nos côtes vont être davantage exposées et on aura une érosion côtière qui va s'accélérer. Mais de toute façon, avec les échouements des algues sargasses sur les plages, on constate une accélération de l'érosion côtière. On peut citer l’exemple, sur la plage de Grande-Anse à Terre de Bas, il n'y a plus de plage, après 12 années d'échouement.
D'une manière générale, l’impact des algues se constate sur les hotspots de biodiversité de la Caraïbe, de l'Amérique centrale et du début de l'Amérique du Sud. Aujourd'hui, avec le Gouvernement, avec le ministère de l'Outre-mer, avec le ministère de la Transition écologique, avec le ministère des Affaires étrangères, nous menons une initiative française pour que les Nations Unies puissent saisir de cette thématique des algues sargasses. Cette initiative sera discuté fin septembre à l’ONU.
Aujourd'hui, les États de la Caraïbe demandent à ce que ce phénomène d'invasion des algues sargasses puisse être traité à des niveaux comme les Nations unies. En ce sens, au cours de la semaine prochaine, je serai à Washington du 5 au 7 juillet avec les représentants de l’Organisation des Etats de la Caraïbe Orientale pour approfondir les discussions dans le cadre de la coopération caribéenne SARGCOOP, programme pilotée par la Guadeloupe. Cette réunion poursuit la discussion engagée sur les problématique des sargasses lors du Sommet des Etats de la Caraïbe au Guatemala en mai dernier.
Sur cette zone géographique, on estime, entre 30 et 35%, la part de la biodiversité mondiale est impactée. Les travaux scientifiques portés par le Mexique indiquent que là où il y a des invasions d'algues sargasses, la biodiversité marine disparaît. Ces bancs de sargasses ramènent aussi des espèces exotiques envahissantes sur les côtes.
C'est un enjeu mondial de survie parce que là où il n'y a pas de biodiversité, il n'y a pas d'économie touristique.
Évidemment, on traite la problématique des sargasses à l'échelon local, avec l'État avec les collectivités. Avec le Plan national Sargasse 1, puis 2, un plan national qui comporte 37 millions pour les Antilles, qui inclut Saint Martin, la Guadeloupe et la Martinique, nous apportons de l'aide aux collectivités pour faire face, pour mettre des barrages, pour collecter et mettre en place un service public pour pouvoir gérer tout cela. Mais on se rend bien compte aujourd'hui que les sargasses nécessitent à la fois ce traitement local et un traitement international.
Pourquoi ? Parce que le troisième impact des algues de sargasses après la biodiversité, c'est la santé humaine. Les algues, arrivant sur le littoral, se décomposent. Elles libèrent de l'hydrogène sulfuré, de l'ammoniaque et surtout aussi, elles ramènent des métaux lourds et notamment de l’arsenic. Aujourd'hui, là où on fait de l'épandage, lorsqu'on récolte les algues, nous sommes en train de contaminer nos sols à l'arsenic. Donc, ce sont des enjeux de santé. Et puis, une dernière étude a montré que dans un rayon de deux kilomètres de la zone d'échouement des algues sargasses kilomètres, il y aurait un impact sur la santé des femmes enceintes et de leurs foetus. Cela nous préoccupe particulièrement.
Outremers 360 : Quand et comment se concrétiseront ces études au long cours sur l'impact des sargasses sur la biodiversité ?
Nous en avons déjà discuté au niveau de l'Office français de la biodiversité. Nous allons voir comment s'organiser sur le territoire antillais avec l'Université des Antilles. Suite à une réunion avec le sous-préfet sur ce sujet, les services de l'État sont prêts à nous accompagner sur ces études longitudinales. Nous sommes en train de voir le financement de ces études.
Outremers 360: Quels sont les prochains projets pour les années à venir pour l'OFB ?
Sylvie Gustave dit Duflo : L'office français de la biodiversité est un office jeune créé en 2020. Elle est l'émanation de l'AFB, l'Agence française pour la biodiversité et de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS). Un établissement très jeune néanmoins doté d’un budget moyen autour de 600 millions d'euros par an et employant plus de 3 000 agents.
Pour nous aujourd'hui, l'Office français de la biodiversité, c'est véritablement assurer nos missions : des missions d'acquisition de connaissances. Ce sont également des missions d'actions sur les espèces exotiques envahissantes, par exemple. Ce sont également des actions d'appui aux collectivités. Ce sont également des appuis de connaissance ou de formation au monde associatif, à l'entreprise. Et puis, on a des missions de police de l'environnement.
Il s’agit véritablement de porter de manière efficace et performante l'ensemble de ces missions, faire en sorte que la biodiversité devienne un enjeu de citoyenneté. C'est un travail de longue haleine qui commence à porter ses fruits. Il y a sept ans, la biodiversité, on ne savait pas trop ce que c'était! Aujourd'hui, je crois qu'il n'y a pas un seul citoyen qui ne sache pas ce à quoi correspond la biodiversité ! Aujourd'hui, nous le constatons, nous avons une population qui est sensible aux économies d'énergie, qui recherche de la nature en ville, une population à la recherche de jardins partagés ou à proximité de forêts, d'espaces verts. L'Office français de la Biodiversité aussi travaille en partenariat avec les agriculteurs, avec les chasseurs, avec les organisations non gouvernementales en leur apportant soit de l'expertise dans leurs projets et également du financement. Le chantier de l'Office français de la biodiversité est extrêmement vaste;
Sur le territoire hexagonal, l'Office français de la biodiversité sera à pied d'œuvre pour préserver un maximum les écosystèmes qui sont impactés par la sécheresse. La police de l'environnement se déploiera de manière aussi optimale pour apporter de l'information aux acteurs socioprofessionnels, mais également pour verbaliser lorsqu'on verra des contrevenants. Mais avant tout, l'objectif de l'Office français de la biodiversité est de dialoguer avant d'arriver à la contravention. C'est ça notre force.