Le 23 mai 2021, Journée nationale en hommage aux victimes de l'esclavage colonial, se déroulera, crise sanitaire oblige, en mode recueillement de façon décentralisée. Cette journée, dont on célèbre cette année la 23ème édition, portée depuis le début par le CM98, aura pour mot d'ordre "le 23 mai, ça compte pour nous". Manière d'affirmer haut et fort l'importance que doit revêtir cette date qui a été le prélude à la loi Taubira reconnaissant l'esclavage comme un crime contre l'humanité.
Le 23 mai 1998, afin de commémorer le cent-cinquantenaire anniversaire de l'abolition de l'esclavage et de la traite négrière dans les colonies françaises, 40 000 personnes, descendants d'esclaves pour la plupart, avaient battu le pavé parisien lors d'une marche silencieuse organisée à l'appel de la quasi-totalité des associations ultramarines et relayée par de nombreuses personnalités issues de la communauté ultramarine.
Emmanuel Gordien, président du CM 98 revient sur la génèse de la marche du 23 mai 1998
Décidés à transformer cet essai et à capitaliser ce succès, quelques hommes et femmes de bonne volonté, dont le généticien guadeloupéen Serge Romana ainsi que l'actuel président, Emmanuel Gordien, virologue guadeloupéen, créèrent alors le Comité Marche 98, faisant ainsi du 23 mai une date symbolisant l'hommage rendu aux victimes de l'esclavage colonial.
Quelques années plus tard, par la force de conviction et de ténacité de ses tenants, cette date parvenait à s'imposer auprès des autorités qui la reconnaissait officiellement comme une Journée nationale en hommage aux victimes de l'esclavge colonial au même titre que le 10 mai devenu journée nationale des mémoires de la traite, de l'esclavage et de leurs abolitions. Une date instituée à la suite de la loi Taubira en 2001 reconnaissant l'esclavage comme crime contre l'humanité. Date plus institutionnelle et institutionnalisée au contraire du 23 mai qui se veut une date plus populaire légitime car choisie par les descendants d'esclaves et donc des victimes.
"Hiérarchisation" des dates
Pour autant, en dépit de l'estampe officielle des pouvoirs publics et de son caractère populaire, le 23 mai semble être considéré comme le parent pauvre des dates de mémoire notamment au niveau des dates de commémoration s'inscrivant dans le cadre du Mois des Mémoires 2021 décrété par la Fondation pour la Mémoire de l'Esclavage (FME) présidé par l'ancien premier ministre Jean-Marc Ayrault. Une "hiérarchisation" que n'a pas manqué de dénoncer le président du CM98, Emmanuel Gordien qui a démissionné avec fracas du Conseil d'administration du FME, dont il était membre.
Y a t-il relation de cause à effet ou sont-ce les conséquences de la crise sanitaire ? Toujours est-il que le CM98 a opté cette année pour des célébrations sobres et dépouillées de tout artifice lors de cette 23ème Journée nationale en hommage aux victimes de l'esclavage colonial. Au contraire des éditions précédentes plus festives et plus grand public, cette année, ces commémorations sont principalement axées sur les hommages et les recueillements avec pour mot d'ordre et slogan "le 23 mai, ça compte pour nous". Un peu comme pour réaffirmer l'importance donnée à cette date.
Simplicité et sobriété
En effet, sous une forme décentralisée, dans les villes où le CM98 a contribué à faire ériger des monuments en mémoire des victimes de l'esclavage (Saint-Denis, Sarcelles, Grigny, Creil...), fleurissements et dépôts de gerbes au pied des statues se succéderont en ce dimanche du 23 mai. La traditionnelle messe en la mémoire des ancêtres à la basilique de Saint-Denis reste cependant d'actualité.
Temps de commémorations et d'hommages, mais aussi temps consacré à la connaissance et à l'histoire puisque tout au long de ce mois de mai plusieurs débats et réflexions autour de la mémoire de l'esclavage ont eu lieu au cours du "Lanmè Kann Fè Neg". Temps de convivialité enfin puisque tous ceux qui le désirent sont invités à participer à un rassemblement baptisé "Kousinad" autour d'histoires familiales à partager, de devinettes, proverbes créoles, chants et repas.
Bref, "se retrouver, comprendre et honorer" pour faire perdurer ce temps de souvenir et de mémoire. Un devoir au moment où certains parlent de tyrannie de la repentance plutôt que de mémoire de l'esclavage.
E.B.
