Polynésie : Le niveau réel de la radioactivité lors des essais nucléaires sous-évaluée selon une enquête

Polynésie : Le niveau réel de la radioactivité lors des essais nucléaires sous-évaluée selon une enquête

Capture d’écran / Disclose

Le niveau réel de la radioactivité à laquelle la population polynésienne a été exposée lors des essais nucléaires entre 1966 et 1996 a été sous-évalué, selon une enquête du média d’investigation en ligne Disclose, publiée mardi.

Pendant deux ans, Disclose a analysé 2 000 pages de documents militaires déclassifiés en 2013 par le ministère de la Défense en partenariat avec le collectif anglais de modélisation 3D Interprt et le programme de recherche Science and security global de l’Université de Princeton aux États-Unis, explique-t-il.

L’enquête « a pu réévaluer la dose reçue à la thyroïde par les habitants des îles Gambier, de Tureia et de Tahiti au cours des six essais nucléaires considérés comme les plus contaminants de l’histoire du Centre d’expérimentation du Pacifique. Résultat : nos estimations sont entre 2 et 10 supérieures à celles réalisées par le Commissariat à l’énergie atomique en 2006 », selon Disclose.

Pour expliquer la différence entre ses calculs et ceux du CEA, Disclose met en avant des interprétations différentes des données. Par exemple, pour le premier essai nucléaire aérien effectué le 2 juillet 1966 à Moruroa, baptisé Aldébaran, les scientifiques du CEA « considèrent que la population locale ne buvait que de l’eau de rivière mais pas d’eau de pluie ». Or, de nombreux habitants de cet archipel buvaient de l’eau de pluie, selon l’enquête du média d’investigation. En effet, les îles entourant Moruroa sont essentiellement des atolls dépourvus de rivières. Les habitants stockent l’eau de pluie pour les besoins quotidiens.

Pour le seul essai Centaure, tiré en juillet 1974, « d’après nos calculs, fondés sur une réévaluation scientifique de la contamination en Polynésie française, environ 110 000 personnes ont été exposées à la radioactivité, soit la quasi-totalité de la population des archipels à l’époque », souligne l’enquête. Selon Disclose, l’île de Tahiti aurait notamment été directement touchée par le nuage et les poussières de l’essai Centaure, devant initialement s’évacuer par le nord.

Le champignon atomique « n’atteint pas l’altitude espérée par les scientifiques. Au lieu des 8 000 mètres initialement prévus, il culmine à 5 200 mètres. A cette hauteur, les vents ne poussent pas la tête du nuage vers le nord, mais vers l’ouest. Autrement dit, en direction de Tahiti, située quasiment en ligne droite », explique Disclose. « Nous avons exploité les données recueillies par le Service mixte de sécurité radiologique (SMSR) à l’époque du tir (en 1974, NDLR). Les mêmes qui ont servi au CEA pour ses réévaluations de doses publiées dans une étude de 2006, la référence en la matière. Mais d’après notre expertise, les estimations du CEA concernant les dépôts au sol ont été sous-estimées de plus de 40% ».

Cette étude du CEA est la référence du Comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires (Civen) pour étudier les dossiers des victimes des essais nucléaires. Jusqu’à aujourd’hui, le nombre de civils polynésiens – c’est-à-dire hors militaires et prestataires d’entreprises – ayant touché des indemnités s’élève à 63 personnes, selon le média d’investigation.

Voir l’enquête complète ici

Avec AFP.