Le 8 juin dernier se tenait au Sénat le premier colloque sur la Ville tropicale en métamorphose. Une manifestation sous l’égide et à l’initiative de notre partenaire Métamorphoses Outremers, dirigée par Dominique Martin-Ferrari. L’occasion pour les experts, élus, juristes, scientifiques de donner un sens à la ville tropicale de demain et de préparer la Conférence Habitat III qui aura lieu à Quito en octobre prochain. Lors de ce colloque, sept jeunes ultramarins, originaires de différents Territoires d’Outre-mer, ont livré leur vision de la ville tropicale qui sera le foyer des populations urbaines de demain. Outremers360 a décidé dans cette édition de livrer les témoignages de ces jeunes des Outre-mer qui portent leur enthousiasme sur les innovations technologiques et sociales de façon originale.
Hier, Nancy Ngoupayou, originaire de la Guadeloupe, nous exposait sa vision de la Ville Tropicale de demain. Aujourd’hui, place à Maureen DIjenaihi, également Guadeloupéenne, pour qui la Ville tropicale soit se construire et se reconstruire autour des énergies renouvelables.
« La ville tropicale de demain est donc idéalement un territoire dont le développement intègre toutes les activités, toutes les forces et lieux de produtions, toute la palette socio-économique mais aussi toutes les contraintes et les forces environnementales de son territoire. Ainsi une stratégie de développement durable de la ville tropicale de demain comprend selon moi une unité territoriale élargie qui reste à être définie au regard des spécificités de chaque territoire et ne saurait répondre à des critères standardisés tant la ville tropicale revêt de formes.
Cependant, le besoin en énergie demeure une constante quel que soit le chemin pris par la ville tropicale. C’est pourquoi la ville tropicale de demain se fera en intégrant les énergies renouvelables et ce d’autant plus que le contexte tropical et insulaire peuvent faire de la ville tropicale un véritable laboratoire d’innovation qui peut attirer les entreprises les plus innovantes créant ainsi une valeur ajoutée en tout de point de vue et contribuant davantage à l’inscription de la ville tropicale dans la durabilité. Quelles sont donc les énergies renouvelables qui pourraient constituer le socle énergétique des villes tropicales de demain et pourquoi pas leur assurer une indépendance énergétique à bas coûts en termes économiques mais surtout environnemental et donc social ?
La ville tropicale dispose bien souvent de soleil dont l’énergie primaire est encore gratuite et qui peut être valorisée à la fois pour créer de l’électricité mais aussi pour équiper les foyers d’eau chaude. Mettre en place des mécanismes incitatifs permettant d’équiper les surfaces planes de nos villes tropicales de demain de panneaux photovoltaïques et de système de chauffage de l’eau par énergie thermique, augmentera considérablement la capacité énergétique des territoires contribuant ainsi la baisse des coûts de l’énergie mais aussi à rendre moins dépendantes nos villes insulaires. Aussi, nos villes tropicales disposent dans leurs environs de ressources en eaux douces et salées dont l’énergie mécanique mais aussi le différentiel thermique présente un potentiel considérable qui reste à explorer. Mais ce type de projet nécessite la prise en compte du territoire urbain au sens large afin que les considérations énergétiques ne prennent pas le pas sur les problématiques écologiques, agricoles, rurales et donc environnementales et paysagères plus généralement.
La ville tropicale de demain peut donc être durable si elle intègre toutes les variables de son territoire et de sa périphérie dès la conception des projets, en portant la durabilité comme objectif avant les particularismes économique, sociaux politiques, que sais-je encore. Ce dernier point est aussi vrai pour la ressource éolienne dont les villes tropicales, leurs environs et leurs mers, disposent et que l’inscription dans la durabilité nécessitera de développer. C’est également le cas pour l’énergie géothermique et la récupération de la biomasse issue des activités agricoles.
Nous voyons donc là que toutes les formes d’énergies renouvelables sont exploitables dans le cadre de l’équipement énergétique de la ville tropicale de demain. Reste encore à innover pour adapter pleinement ces technologies aux contraintes environnementales, écologiques, agricoles et urbaines propres aux villes tropicales. Pour cela la possession même des moyens de production énergétique et distribution de l’électricité sont à repenser car le modèle économique français soutenu encore aujourd’hui ne semble plus adapté à la nécessité d’engager nos territoires insulaires dans la transition énergétique. L’individualisation des moyens de production est à considérer ainsi qu’une localisation à des compétences en matière d’énergie à une échelle territoriale adaptée. Certes la gestion de l’équilibre du réseau électrique est complexe mais la ville tropicale et insulaire de demain sera un territoire qui s’empare du challenge de l’autonomie énergétique en repensant les échelles de production, de gestion mais aussi de financement. Et de manière plus globale ma jeunesse non utopique mais riche d’idéaux aimerait voir repenser les logiques économiques qui porteront nos territoires demains et donc nos ville insulaires et tropicales. Pour cela ma ville tropicale de demain je la vois financer et consommer selon d’autres logiques, d’autres modèles ».
Maureen DIjenaihi, Cinquième année à Science Politique (Paris) en Politique environnementale et développement durable des territoires, La Guadeloupe.