Une ville tropicale durable, humaine et à la pointe de la technologie

Une ville tropicale durable, humaine et à la pointe de la technologie

La construction d’une nouvelle gouvernance, une meilleure intégration des énergies renouvelables, une résilience à redéfinir, tels sont les principaux thèmes abordés lors du colloque sur la ville tropicale en métamorphose organisé par Dominique Martin-Ferrari, directrice d’Outremers Métamorphoses au Sénat.

Entre les 2 COP et en perspective de l’événement Habitat 3 qui se déroulera en octobre prochain, plusieurs acteurs de la société civile (élus, experts, chefs d’entreprises, ONG) se sont penchés sur les nouveaux défis de la ville tropicale et équatoriale. À noter également une forte délégation de députés et de sénateurs de plusieurs pays africains, invité par l’association des  éco-maires. Un colloque organisé par l’association Outremers Métamorphoses dirigée par Dominique Martin-Ferrari. Pour ces acteurs de haut niveau réunis dans la salle Gaston Monnerville du Sénat – un symbole, a souligné le sénateur Guyanais Antoine Karam – , la « ville tropicale », notamment française, cumule des handicaps : risques climatiques et sismiques,augmentation du niveau des eaux insularité.Cette ville tropicale répond à une double contrainte : respecter de la loi sur la transition énergique tout en se fixant comme autre objectifs, atteindre les buts fixés lors de la COP 21. Pour le sénateur Jacques Cornano qui a ouvert ce colloque,  » les Outre-mer qui sont des territoires en avant-garde doivent continuer leur lutte sur le défi des changements climatiques ». Des défis qui, confrontés à la réalité du terrain, semblent difficiles à mettre en oeuvre. C’est ce qu’a souligné aussi Ferdy Louisy, le maire de Goyave en Guadeloupe, qui parle d’une véritable « schizophrénie ». « Malgré des ressources naturelles en abondance sur nos territoires nous avons un problème de gouvernance en raison d’un manque d’adaptation des lois à nos réalités ultramarines. Nous disposons d’un mille-feuille de contraintes qui fait, même si nous avons le pouvoir de décider , qu’on ne peut décider seul ».

Dominique Martin-Ferrari, directrice d'Outremers Métamorphoses , a dirigé l'ensemble des débats lors de ce colloque

Dominique Martin-Ferrari, directrice d’Outremers Métamorphoses , a dirigé l’ensemble des débats lors de ce colloque

En cause, un multiplicité d’acteurs dotés chacun de prérogatives particulières qui rend impossible les objectifs à réaliser. Il est nécessaire, pour Ferdy Louisy, de se doter d’une gouvernance locale capable de concentrer tous ces acteurs. Pour Véronique Bertile, ambassadrice déléguée à la coopération régionale dans la zone Antilles-Guyane,  «cette gouvernance locale existe en matière de développement durable, cependant il convient de mieux l’utiliser. La question n’est pas:  » plus ou moins d’Etat, mais mieux d’Etat ».  Sylvie Gustave-dit-Duflot, vice-présidente du conseil régional de Guadeloupe, a notamment mis en avant les nombreuses initiatives entreprises par la collectivité régionale. « Depuis 2012, la Région Guadeloupe a édité le premier schéma régional Climat-Air-Energie. Nous travaillons également avec les experts du BRGM sur l’aménagement du trait de côte. Beaucoup de communes en Guadeloupe sont en bordures littorales avec une forte densité démographique. L’ important pour nous est également de sensibiliser la population sur ces travaux ». Elle cite également la zone de Jarry, poumon économique de la Guadeloupe placé en zone inondable et marécageuse.

Sylvie Gustave-dit-Duflot, vice-président du Conseil régional a détaillé l'ensemble des actions entreprises par la Région Guadeloupe en matière de développement durable

Sylvie Gustave-dit-Duflot (au centre), vice-président du Conseil régional a détaillé l’ensemble des actions entreprises par la Région Guadeloupe en matière de développement durable

L’autre challenge des territoires ultramarins est l’autonomie énergétique. Bien que précurseurs sur ces terrains, les Outre-mer continuent d’accuser un retard dans la prise en compte des énergies renouvelables dans leur mix énergétique. A titre d’exemple, la Martinique et la Guadeloupe disposent actuellement respectivement de 6% et 15% d’énergies renouvelables dans leur production électrique. Pourtant la loi sur la transition énergétique a entériné la capacité d’atteindre 50% d’énergies renouvelables d’ici 2020 et l’autonomie énergétique d’ici 2030 pour les collectivités ultramarines. « L’autonomie énergétique d’ici 2030 est un challenge énorme mais reste un objectif crédible »,  a expliqué Jérôme Billerey, président du Syndicat des énergies renouvelables. Selon Guy Fabre, responsable outre-mer de l’ADEME,  « il faut se détourner du seul regard de la production des énergies renouvelables mais également se concentrer sur d’autres aspects de l’autonomie énergétique comme la maîtrise de la demande et la régularisation des couts de production ». D’après ce dernier, il faut également mettre l’usager au coeur du dispositif et lui donner tous les outils nécessaires pour appréhender sa consommation. Un constat que partage Frédéric Busin, directeur de EDF Systemes Energétiques Insulaires (SEI) qui a annoncé la mise en place de compteurs numériques chez l’habitant en Outre-mer l’année prochaine.

Le numérique et entreprises,  atouts dans la construction dans la ville tropicale

Intégrer le numérique pour mieux contrôler les consommations énergétiques, Alain Assouline, fondateur de Webforce 3 et adjoint au maire dans la ville de Saint-Mandé y croit. Il prend pour exemple l’audit sur l’éclairage public qu’il a commandé dans sa commune. Un audit qui a révélé l’importance de la dépense énergétique perdue. Une dépense qui aurait pu être évitée si sa municipalité avait disposé d’outils numériques pour gérer son éclairage public. De plus, en terme de créations d’emplois, le numérique peut constituer un véritable levier de développement économique dans ces territoires où le chômage touche un pourcentage important de la population. Sur le plan économique, les entreprises ultramarines peuvent être aussi des acteurs importants selon Jean-Pierre Philibert, président de la Fédération des Entreprises d’Outre-mer (FEDOM). « Le concept de résilience nous oblige à s’interroger sur notre capacité à surmonter les désordres », ajoute-t-il. « Il existe trois axes de résilience: jouer sur la pluralité des ressources exploitables, offrir un tourisme de sens avec le développement d’un tourisme vert et se battre pour une meilleurs prise en compte des handicaps des territoires ultramarins », poursuit-il.

"Nous pouvons offrir un tourisme de sens" Jean-Pierre Philibert, Président de la Fedom, a l'opportunité pour les entreprises ultramarines dans la résilience

« Nous pouvons offrir un tourisme de sens » a déclaré Jean-Pierre Philibert, Président de la Fedom, sur l’opportunité pour les entreprises ultramarines dans la résilience

Renforcer la dimension humaine 

« La ville tropicale est une notion surréaliste », pour le sénateur Antoine Karam s’appuyant sur l’exemple guyanais. « Les Outre-mer ne constituent pas un ensemble homogène. Il faut appréhender ces territoires de façon différenciée. La ville tropicale de Cayenne n’est pas la ville tropicale de la Réunion ou de Mayotte», ajoute-t-il.  Une différenciation qu’il faut adapter à la typologie du territoire selon Nicolas Imbert. Selon le directeur exécutif de GreenCross, dans les villes îliennes, on n’oublie souvent la dimension « mérienne » de ces territoires . Pour les intervenants de la table ronde de la ville tropicale durable, il est nécessaire de ne pas reproduire les erreurs du passé où les règles de l’urbanisme hexagonal ont été superposées dans les villes ultramarines.  D’où l’enjeu de la « ville inclusive » qui prend en compte la vulnérabilité aux risques naturels en développant le concept d’éco-quartier par exemple. Sur ce point, des institutions publiques comme l’AFD ou encore l’ADEME agissent sur le terrain pour s’adapter aux spécificités des territoires tropicaux. Vanessa Méranville, la maire réunionnaise de La Possession et initiatrice du premier « éco-quartier en territoire insulaire » a également souligné l’importance de la dimension humaine dans la construction de la ville tropicale. « La question du tout-béton a fait perdre l’identité créole de nos villes où plusieurs familles se retrouvaient à l’ombre d’un arbre pour échanger ». Elle affirme que « le regard de l’habitant est essentiel dans le quartier ». Une perception qu’ont partagé plusieurs jeunes en fin d’après-midi du colloque. En fin de cursus universitaire, jeunes entrepreneurs, juristes ou architectes, des étudiants ultramarins ont dévoilé leur ville tropicale idéale. A l’instar d’Edouard, originaire de Tahiti qui souhaite une ville davantage tournée vers la mer ou encore Nancy qui désire une ville plus verte, soucieuse du confort de ces habitants.

Le colloque s’est conclu  par un « Appel des Outre-mer pour Habitat 3 ». Un appel lancé par Dominique Martin-Ferrari, directrice d’Outremers Métamorphoses.  Un appel signé plusieurs partenaires notamment économiques et politiques dont  la Fedom et les nombreux d’élus. Un appel pour faire entendre la spécificité des villes tropicales et iliennes dans l’événement international de Habitat 3, prévu à l’automne à Quito en Equateur et qui aura pour thème le développement urbain durable.