En Guadeloupe, la canne à sucre cherche un nouvel élan

En Guadeloupe, la canne à sucre cherche un nouvel élan

©Guadeloupe Tourisme

La machette du coupeur s’abat, la canne à sucre se couche et rejoint le tas à ramasser. Sucre, rhum et énergie: en Guadeloupe, la canne sert à tout. Mais avec la chute du marché du sucre, la filière cherche un nouvel élan.

La récolte, à la main, bat son plein dans ce champ appartenant à la distillerie de rhum Bologne, comme dans près d’un tiers des champs de cannes en Guadeloupe. Entre Guadeloupe continentale et Marie-Galante, on compte 5 500 planteurs de cannes à sucre sur 14 000 hectares: 90% de la production est livrée aux sucreries, le reste à huit distilleries de rhum agricole. Touchée par le cyclone Maria en septembre 2017, la production de canne à sucre guadeloupéenne a moins souffert que celle de la banane. Les producteurs s’attendent cependant cette année à une baisse de 7%, à 724 000 tonnes.

« Les bonnes conditions climatiques font de bons taux de sucre, par contre le tonnage n’est pas au rendez-vous », constate Franck Buffon, président de la Sicagra, l’une des quatre sociétés d’intérêt collectif agricole rassemblant les cultivateurs de canne en Guadeloupe. La bonne nouvelle pour les planteurs, c’est qu’au bout de 15 ans de stabilité, « les prix ont été renégociés cette année avec les industriels » jusqu’à 2022: 4,52 euros de plus, amenant la tonne à 63 euros en incluant toutes les aides, explique Thierry Orfèvre, du GIE Cannes.

Soutenir les prix

Avec la fin des quotas sucriers européens, l’Etat a décidé de subventionner davantage la filière en augmentant de 38 millions d’euros l’aide aux industriels sucriers des DOM. En retour, ceux-ci devaient soutenir le prix du sucre. Cette aide « va couvrir une partie de la fin des quotas mais pas la totalité », nuance Sylvain Icart, directeur de la sucrerie Gardel. « Pour l’avenir, il faut essayer d’équilibrer les volumes vers le sucre de consommation directe et trouver de nouveaux débouchés », en jouant par exemple sur l’appellation « sucre de Guadeloupe », assure-t-il.

Dans une forte odeur de mélasse, les cannes apportées par camions dans l’usine du Moule sont broyées pour en extraire le jus qui, après évaporation et cristallisation, permet de produire le sucre. Sur une production moyenne de 50 000 tonnes, l’usine sort 30 000 à 40 000 tonnes de sucre en vrac, à plus faible valorisation. Le reste consiste en sucres spéciaux, des sucres roux qui n’entrent pas en concurrence avec le sucre de betterave. « Nous avons dès cette année décidé de changer l’équilibrage entre le vrac et le sucre de consommation », raconte le directeur, arrivé en janvier à la sucrerie. Par ailleurs, Gardel utilise les déchets de cannes (la « bagasse ») dans une centrale de cogénération électricité et vapeur, qui « génère 10% de la production électrique de la Guadeloupe », assure Sylvains Icart.

La consommation progresse

La bagasse fait aussi tourner les machines de la distillerie Bologne. Pour élaborer le rhum, la procédure est au début la même que pour le sucre. Mais le jus est ensuite gardé de 24 à 48 heures dans des cuves de fermentation où les levures donnent leur arôme à cette mixture brune. Elle passera ensuite dans un alambic pour aboutir à un alcool clair et titré à 75 degrés. Le rhum est le seul alcool dont la consommation progresse aujourd’hui en France, en particulier les ambrés qui représentent le tiers des ventes, selon la fédération française des spiritueux.

« Nous payons la canne plus cher que ne le fait la sucrerie, et on règle en 15 jours », note François Monroux, directeur général des Rhums Bologne. Face à la concurrence des rhums industriels, issus de la mélasse et non de la canne comme les rhums agricoles, l’enjeu consiste à monter en gamme. Depuis les variétés de cannes noires utilisées jusqu’à une nouvelle ligne d’embouteillage gérant les formats spéciaux, en passant par un travail sur les levures, « nous sommes sans arrêt à la recherche du premium », souligne Harry Callard, président de l’entreprise familiale. Bologne, qui produit du rhum blanc depuis 1887, s’est surtout lancé depuis une dizaine d’années dans les rhums vieillis en fûts de chêne pendant au moins trois ans, pour obtenir l’arôme et la couleur brune plébiscités par les consommateurs.

Avec AFP.