L’Université de la Polynésie française (UPF) et la Maison des sciences de l’Homme du Pacifique ont dévoilé le « Wikipedia » du fait nucléaire en Polynésie française, le Dictionnaire historique du Centre d’expérimentation du Pacifique, fruit du travail de dizaines de scientifiques. Disponible gratuitement, en ligne, en français comme en tahitien, il est destiné à permettre au plus grand nombre, et notamment aux jeunes générations, d’en apprendre un plus sur cette période. Explications de notre partenaire Radio 1 Tahiti.
Un nouvel outil en ligne pour en savoir un peu plus sur le fait nucléaire en Polynésie. Le Dictionnaire historique du Centre d’expérimentation du Pacifique est désormais accessible à tous, à l’adresse dictionnaire-cep.upf.pf. « On pourrait dire que c’est une espèce de Wikipédia » spécialisé sur le thème, note l’historien Renaud Meltz, codirecteur de la publication de cet outil. Constitué de notices thématiques sur les acteurs, les événements ou les lieux liés au CEP, le dictionnaire est le fruit de près de trois ans de réflexion et de travail.
« Lorsque nous avions organisé le colloque ‘Histoire et mémoire du CEP’ en 2022, nous avions été assez frappés de voir qu’il y avait à la fois une demande sociale très forte sur le sujet, et d’un autre côté qu’il n’y avait pas beaucoup de jeunes. Et pourtant, ça se passait à l’UPF », se souvient le directeur de recherche au CNRS.
« Dans le même temps, les profs nous ont fait remonter un problème de contenu, puisque le socle de connaissance sur le CEP est finalement assez maigre. La déclassification des archives venait d’être décidée, nos travaux commençaient à peine à être publiés, et donc nous avons pensé à un outil sur le web », plus accessible en Polynésie où les bibliothèques ne sont pas légion. Renaud Meltz le décrit comme « un ouvrage numérique, évolutif et collaboratif, qui tend un miroir aux Polynésiens de ce qu’ils ont vécu, mais qu’ils n’ont pas vécu passivement, auquel ils ont participé ».
L’occasion d’une réflexion et d’un progrès linguistique avec la version en Reo Tahiti
L’équipe de coordination, constituée de Renaud Meltz, Benjamin Furst, Régis Boulat, Florence Mury, Stéphane Launey, Sophie Chaigne et Mélanie Edeline, a travaillé avec des universitaires venus d’horizon variés, aussi bien en termes de disciplines que d’origines géographiques. « Chacune des notices, rédigée par un ou plusieurs spécialistes, est ensuite soumise, anonymisée, à la relecture de deux experts du thème traité », avant leur traduction du français au tahitien.
Une part importante du travail, demandée notamment par un représentant de Moruroa e Tātou, qui a causé quelques casse-têtes aux traducteurs, du fait des nombreux termes techniques et néologismes usités. « Nous avons donc mis plusieurs traducteurs en synergie, au sein d’un document partagé, où ils pouvaient confronter leurs choix. C’est donc l’objet d’une réflexion linguistique, et peut-être aussi d’un progrès linguistique qui nous semble intéressant et qui accompagne ce progrès de la connaissance du passé nucléaire de la Polynésie français », salue Renaud Meltz.
Nouvelles archives déclassifiées, nouveau livre
Cette part de l’histoire de la Polynésie et de la France, il ne cesse de la décortiquer. Son deuxième ouvrage sur le sujet, intitulé Un deuxième contact ? Histoire et mémoire du CEP, fait suite à Des bombes en Polynésie, paru en 2022 sur la base des premières archives déclassifiées. « Nous avons élargi les questionnements, nous avons fait venir de nouveaux spécialistes, notamment autour de sujets que nous avions vu au colloque de 2022. L’un des grands enjeux, c’est la question sanitaire. On ne fait pas d’épidémiologie, on ne dit pas combien de malades sont dus aux essais, mais on peut essayer de faire de l’histoire des sciences, et se poser des questions telles que ‘qui savait quoi’, ‘comment ont été organisés les dispositifs de sûreté pour essayer de minimiser les risques ou non’, ‘quelles mesures ont été prises ensuite’... ».
Grâce à la déclassification progressive des archives, le travail de recherche « progresse ». « Maintenant, on peut raconter ce qu’il s’est passé dès le premier tir, mais aussi des épisodes plus récents comme la bombe thermonucléaire, l’essai Canopus en 1968, qui avait provoqué l’évocation inédite de l’atoll de Tureia », détaille Renaud Meltz qui promet beaucoup de nouveautés dans cette parution. Il sera en dédicace le samedi 8 février de 9 heures à midi à la librairie Klima. Suivra une conférence « Les essais nucléaires en Polynésie française : que peut-on savoir, que sait-on, que reste-t-il à apprendre ? » co-animée avec Florence Mury et Manatea Taiarui, le lundi 10 février, de 17h30 à 19 heures, à l’auditorium de pôle recherche de l’UPF.
Waldemar de Laage pour Radio 1 Tahiti