Toujours en mission à Paris, le président de la Polynésie a rencontré le chef engagé, doublement étoilé, Thierry Marx. Au menu des discussions : la venue prochaine du chef pour participer à la conception d’une « signature culinaire » polynésienne et éventuellement, transposer ses écoles destinées à l’insertion professionnelle.
« Thierry Marx est un personnage fascinant » dit Moetai Brotherson à l’issue de cet entretien de plus d’une heure, ce jeudi en fin d’après-midi, à la délégation de la Polynésie à Paris. Thierry Marx, 64 ans, ancien parachutiste au Liban, enchaîne les métiers à son retour en France avant de retrouver les cuisines et d’obtenir, en 1988, sa première étoile au Guide Michelin.
Devenu depuis un des porte-étendards de la gastronomie française, il s’engage, entre autres, pour la formation des jeunes déscolarisés et des personnes en réinsertion à travers la création d’une dizaine d’écoles « Cuisine Mode d'Emploi(s) », et intervient depuis 2002 en milieu carcéral. Flexi-végétarien (80 % protéines végétales et 20 % protéines animales), il milite depuis les années 2010 pour cette nouvelle façon de manger, dans une société où le développement de l’élevage industriel est vivement critiqué.
En outre, souligne le président polynésien, « il a monté à Paris-Saclay l’Université de la cuisine du futur, un centre de recherche sur ce que sera la cuisine dans 50 ans ou 100 ans, quels seront les nouveaux modes de cuisson, les outils ». « L’idée c’est de le faire venir en Polynésie » poursuit Moetai Brotherson, pour « à la fois pour animer des ateliers de cuisine, et peut-être organiser une battle, comme il les organise régulièrement, avec nos jeunes cuisiniers, autour des produits de la Polynésie, pour savoir composer des menus modernes qui peuvent dessiner les contours de la signature culinaire de nos archipels ». Le tout dans le cadre du Campus des Métiers et des Qualifications Hôtellerie-Restauration.
« Ces Campus, on peut aussi les rapprocher du monde universitaire et scientifique pour travailler sur les enjeux de demain » ajoute le chef. « On va aussi le faire rencontrer les fournisseurs parce qu’il est très attaché au « sourcing » : nos agriculteurs, nos pêcheurs, tous ceux qui fournissent les ingrédients de cette cuisine », abonde de son côté Moetai Brotherson. Thierry Marx espère « rencontrer chaque acteur du monde de la gastronomie et du tourisme, regarder ensemble, créer de la curiosité par rapport à l’existant, à l’Histoire de la Polynésie ».
« J’espère une ouverture sur la connaissance des produits locaux, démontrer mon savoir-faire professionnel en échange avec le savoir-faire local, et amener une réflexion sous forme d’un amphi ou d’une grande réunion autour des enjeux sur l’impact social et environnemental » du tourisme et de la gastronomie, « au travers des compétences qu’on a pu avoir ou découvrir avec l’université Paris-Saclay », ajoute encore Thierry Marx.
Formation professionnelle, identité d’une culture de cuisine et d’une gastronomie, impact social et environnemental de cette gastronomie et aussi du tourisme : « il y a des enjeux et des développements énormes », souligne le chef étoilé, qui cite toujours la cuisine de demain. « Le meilleur moyen d’anticiper c’est de se préparer. Et se préparer, c’est la formation professionnelle ».
Sur la formation professionnelle d’ailleurs, le président de la Polynésie souhaite s’inspirer et transposer localement les écoles créées par Thierry Marx, « pour faire revenir vers la formation des personnes sorties prématurément du système scolaire ou éloignées de la formation. Pas forcément dans un circuit académique mais en partant de ce qui les intéresse ». Mettant en avant « une approche différente » et « novatrice », Moetai Brotherson développe : « On n’a pas un cadre dans lequel il faut arriver à rentrer, on entre par le bout qu’on veut, et une fois accroché, on développe une curiosité qui nous incite à découvrir le reste du cadre ».
« Ce n’est pas parce qu’on commence par la cuisine qu’on doit terminer par la cuisine. Et dans les métiers de l’hôtellerie et de la restauration, on a aussi besoin de frigoristes, de gens qui s’occupent des systèmes d’informations, des plateformes de réservations, des nouvelles technologies. Peu importe par quel bout on entre, il ne faut pas s’interdire de s’orienter vers d’autres métiers, c’est un parcours qui n’est pas linéaire. C’est cette approche qui me plait », conclut le président polynésien.