Polynésie : Le programme Stop Extinction reçoit un milliard de Fcfp pour sauver les oiseaux endémiques

Le Monarque de Fatu Hiva est l’espèce la plus menacée de France©Manu-SOP

Polynésie : Le programme Stop Extinction reçoit un milliard de Fcfp pour sauver les oiseaux endémiques

La Société d’ornithologie de Polynésie a reçu une importante aide de l’Union européenne, en plus de celle de l’État, pour muscler son programme Stop Extinction. Avec près d’un milliard de Fcfp de dotation sur six ans, l’association est décidée à stopper l’extinction des cinq espèces les plus menacées de Polynésie : le Koko et le Kaki kaki de Rapa, le Monarque de Tahiti, la Gallicolombe érythroptère, connue sous le nom de Tutururu aux Tuamotu, et le Monarque de Fatu Hiva, qui, avec ses 19 individus, est aussi l’espèce la plus menacée de France. Un sujet de notre partenaire Radio 1 Tahiti.

C’est une grande première. Après plusieurs tentatives, la Société d’ornithologie de Polynésie (SOP) Manu a été sélectionnée pour intégrer le programme Life, créé par la Commission européenne pour soutenir les projets innovants en matière d’environnement ou de climat. L’association va donc pouvoir relancer et étendre son programme Stop extinction, qui était jusque-là principalement financé par l’État. Et en faire « un très gros projet, unique en son genre ».

Désormais baptisé « Life Stop Extinction », le programme vise à empêcher la disparition de cinq espèces d’oiseaux endémiques de Polynésie en danger critique d’extinction. Cinq espèces présentes aux Australes, aux Marquises et aux Tuamotu qui comptent toutes moins de 180 individus recensés. Comme le rappelle l'association, 50 autres espèces ont déjà disparu des îles de Polynésie, en faisant un « sanctuaire en péril », menacé par l’homme et les espèces envahissantes qu’il véhicule.

Un programme sur 6 ans

La nouveauté, pour la SOP Manu, c’est le budget : 8,38 millions d’euros -soit près d’un milliard de Fcfp- désormais financés à 75% par l’UE, avec toujours un important complément du Fonds vert de l’État. De quoi voir plus loin -le programme tiendra jusqu’à 2030- et plus grand dans les actions de préservation.

Elles viseront à sauver la Gallicolombe érythroptère (U’uaira’o dans les îles de la Société, où elle a disparu, Tutururu aux Tuamotu, où elle n’est plus présente que sur quatre atolls isolés), le Ptilope et le Puffin de Rapa, appelés localement Koko et Kaki Kaki et qui sont comme d’autres, menacés par les rats, les herbivores et les goyaviers invasifs, le Monarque de Tahiti, ou Omama’o, qui vit dans les vallées de Papehue, Hopa ou Maruapo... Et surtout le Monarque de Fatu Hiva, ou ‘Oma’o ke’e ke’e, qui, avec ses 19 individus, est l’espèce la plus menacée de France.

Autant d’espèce pour lesquelles Life Stop Extinction veut mettre en place une véritable stratégie anti-extinction. Notamment en créant des « populations de sécurité » : « par exemple, il y a un projet pour essayer de les faire vivre en captivité pour, à terme, pouvoir relâcher dans la nature. Et donc il y a ces actions-là, il y a beaucoup de sensibilisation qui sera faite aussi », explique Chloé Brown, chargée de communication de Manu. « Il y a des projets de translocation d’oiseaux : le Monarque de Tahiti sur Mehetia, la Gallicolombe sur d’autres îles des Tuamotu. On a le Ptilope de Rapa aussi ; on veut créer un sanctuaire pour eux. Donc voilà, beaucoup d’actions autour de ça et surtout de contrôle et d’éradication des espèces invasives. »

Parmi les cinq espèces ciblées, le Monarque de Fatu Hiva occupe une place importante. En plus des menaces liées aux prédateurs, cette espèce fait face à une redoutable ennemie : la malaria aviaire, une maladie transmise par les moustiques. « Cette maladie est une des raisons pour lesquelles cette espèce est si gravement menacée. Elle empêche les jeunes oiseaux de survivre. Ils naissent, mais meurent après quelques jours », précise encore Chloé Brown.

Un moustique stérile contre la Malaria aviaire

Pour lutter contre ce fléau, l’Institut Louis-Malardé, l’ILM, va lui aussi jouer un rôle. Selon le docteur Hervé Bossin, directeur du laboratoire d’entomologie médicale, des solutions innovantes sont en cours d’élaboration. « On va, dans un premier stade, identifier les gîtes larvaires et puis apporter notre savoir-faire. À l’Institut Malardé, on a développé des stratégies innovantes de lâchers de moustiques mâles stériles. L’idée, c’est d’associer à la fois l’élimination de ces gîtes larvaires avec des lâchers de moustiques mâles stériles. On se donne à peu près deux ans pour développer la stratégie et démontrer qu’elle est efficace avant de pouvoir la mettre en œuvre à Fatu Hiva, avec l’espoir de pouvoir protéger ces oiseaux contre les piqûres de ce moustique. »

Les efforts engagés par Manu depuis 1992 commencent selon ses membres à porter leurs fruits avec par exemple le Monarque de Tahiti qui est passé de 21 à 150 individus en 20 ans. Mais les défis restent immenses, car au-delà de la survie des espèces, il s’agit aussi de préserver « l’équilibre fragile » des écosystèmes polynésiens. « Les oiseaux ne sont pas seulement beaux ou emblématiques. Ils jouent un rôle vital : ils disséminent les graines, nourrissent les mers et maintiennent l’équilibre naturel de nos îles. Leur disparition serait une catastrophe pour la biodiversité et pour nous », conclut Chloé Brown.

Vaitiare Pereyre pour Radio 1 Tahiti