Pour s’assurer que l’épreuve de 2024 puisse être retransmise en direct tout autour de la planète, le Pays a dû commander une nouvelle tour en alu, plus solide et plus équipée que la tour en bois montée tous les ans pour la Tahiti Pro. Le coût, d’abord estimé à 350 millions, a bondi entre autres du fait de l’inflation. La ministre des Sports Nahema Temarii se dit liée par les décisions du gouvernement précédent, mais veut tout de même faire évoluer le projet vers une tour plus « modulable » et utilisable sur d’autres spots… quitte à alourdir encore la note. Explications notre partenaire Radio 1 Tahiti.
547 millions de francs, soit 4 583 860 euros. C’est le coût estimé de la tour d’arbitrage qui a été commandée par le gouvernement polynésien à l’occasion de l’épreuve de surf des JO 2024. Une tour en aluminium, plus solide, plus moderne et plus équipée que la tour en bois qui se dresse en ce moment même, et comme tous les ans, près du récif de Teahupo’o pour la Tahiti Pro.
Pour répondre au cahier des charges olympique, il fallait notamment que la tour puisse héberger d’importants équipements électroniques, comme des serveurs, des relais et batteries de secours qui permettront de s’assurer que la compétition, comme toutes les autres épreuves des jeux, soit retransmise en direct tout autour de la planète.
Un projet inédit, dont le Pays et l’IJSPF, aux manettes de l’opération, estimaient l’année dernière le coût à 350 millions de francs, assumé pour moitié par l’État. Une estimation déjà rondelette, et qui n’avait pas manqué de faire réagir dans le milieu du surf, mais qu’il a fallu remettre à jour du fait de l’inflation -sur les matériaux de construction notamment- et de la difficulté à trouver un prestataire.
Après un premier appel d’offres infructueux en 2022, et des discussions avec les rares sociétés en mesure de réaliser des installations technologiques sur un récif, la note a bondi de plus de 50%. Les marchés ont donc été « notifiés » pour un total de 547 millions, comprenant la pose de nouvelles fondations, aux normes fixées par les JO, la tour métallique de trois niveaux et la pose des réseaux d’adduction divers sur le fond lagonaire. La part de l’État reste, jusqu’à preuve du contraire, de 175 millions de Fcfp (1 315 660 euros).
Impossible de faire « marche arrière »
Des dépenses et des décisions dont le nouveau gouvernement a « hérité », précise la ministre des Sports Nahema Temarii qui, vu l’avancement de la procédure, ne « peut plus faire marche arrière ». Sans dénoncer le projet lui-même, elle semble regretter l’impact financier d’une tour qui ne servira, au final, que rarement. « Je ne veux pas remettre la faute sur Paris 2024 », précise-t-elle. « Il a fallu respecter un cahier des charges. On leur a dit oui, donc ils ont saisi l’opportunité, c’est de bonne guerre, mais le pouvoir de négociations nous l’avions et on aurait pu réfléchir beaucoup mieux et beaucoup plus tôt. »
Une remarque contestée par son prédécesseur Naea Bennett, qui explique que le Pays, sous la dernière mandature, avait bien envisagé dans un premier temps d’utiliser la tour en bois « traditionnelle » pour l’épreuve. « Ça n’était pas possible », explique-t-il, vu le niveau de médiatisation et de sécurité de l’épreuve et les caractéristiques du spot de Teahupo’o. Il a fallu donc avancer dans ce nouveau projet, forcément « unique au monde ». « Paris n’a pas exigé », reprend l’ex-ministre. « Nous avons proposé, nous avons discuté, nous avons consulté les spécialistes, y compris ceux qui ont créé la tour actuelle ».
La structure aurait aussi été conçue pour limiter au maximum les dégâts environnementaux, « et les études d’impact ont bien été menées ». Le calendrier de ce travail, en pleine période d’inflation, n’a pas aidé, mais le coût ne serait que le fruit des « procédures qui ont été respectées ».
Démontable, mais pas assez « modulable »
Malgré la notification des marchés, Nahema Temarii assure vouloir faire « évoluer » le projet. Car si la tour arbitrale en alu qui a été commandée est bien sûr démontable, elle n’est prévue à l’heure actuelle que pour être utilisée sur le site de Teahupo’o. L’idée serait de pouvoir la monter sur d’autres spots comparables.
« Il y a un mois, je suis allée à Vairao, pour découvrir une compétition de surf sur un reefbreak moins dangereux. L’objectif là-bas, c’était de voir comment faire en sorte que cette tour des juges, taillée pour des Jeux olympiques, puisse venir oxygéner le quotidien du surf polynésien », explique la ministre, qui rappelle que « seuls les pro surfent en compétition à Teahupo’o. Donc il est aujourd’hui nécessaire de récupérer ce dont nous héritons mais surtout de nous projeter et de trouver des solutions, il nous reste un an. Potentiellement, est ce que cette tour des juges peut être modulable ? ».
La WSL pas encore convaincue
Des discussions sont donc en cours avec les prestataires déjà retenus pour assembler et installer la nouvelle tour arbitrale. Une chose est sure : cette « modularité » si elle était possible, ferait encore enfler encore la note de 547 millions de francs, sans compter la construction de nouvelles fondations sur les autres reefbreaks concernés.
Le gouvernement, en tout cas, assure que tout sera prêt à temps pour les Jeux Olympiques, et rappelle que la tour, quoiqu’il arrive, doit être réutilisée dans les années suivantes pour les compétitions organisées par la Fédération tahitienne de surf ou la WSL sur le spot de Teahupo’o…
Mais là encore, la nouvelle tour n’a pas convaincu tout le monde. « On attend qu’elle sorte de l’atelier, qu’on fasse un prémontage, voir le temps que ça prend pour la monter et la démonter, et voir si elle ne va pas engendrer des coûts supplémentaires », explique Pascal Luciani, le représentant local de la World Surfing League. « Il y a tous ces questionnements qui attendent encore des réponses. »
En attendant, Teahupo’o peut compter sur la « vieille » tour des juges, montée comme tous les ans par l’équipe de Moana David. De l’avis général, l’édifice en bois de 12 mètres de haut, « fera très bien le boulot » dans les prochaines semaines pour la Shiseido Tahiti Pro, dont les Trials débuteront le 6 août. La nouvelle tour, elle, pourrait être testée lors de la Tahiti Pro 2024, avancée au mois de mai pour servir d’ultime test pour l’épreuve de surf olympique.
Charlie René pour Radio 1 Tahiti