La Première ministre de Nouvelle-Zélande, Jacinda Ardern, a annoncé ce jeudi qu'elle allait démissionner le mois prochain, après un peu plus de cinq années à la tête de l’archipel du Pacifique sud. Une annonce surprise, comme fut son ascension en 2017.
« Pour moi, il est temps », a-t-elle déclaré lors d'une réunion du Parti travailliste. « Je n'ai tout simplement plus assez d'énergie pour quatre ans supplémentaires », a-t-elle ajouté. Jacinda Ardern, 42 ans, était devenue Première ministre dans un gouvernement de coalition en 2017, avant de conduire le Parti travailliste de centre gauche à la majorité absolue lors de l'élection suivante, trois ans plus tard. Son parti avait alors obtenu son plus haut score, plus de 50%, depuis la Seconde Guerre mondiale.
Durant son mandat, elle a été confrontée à la pandémie de Covid-19, à une éruption volcanique meurtrière et au pire attentat jamais perpétré dans le pays, le meurtre de 51 fidèles musulmans dans une mosquée de Christchurch par un suprémaciste blanc en 2019. Elle a vu son parti et sa popularité personnelle chuter dans les récents sondages, alors que de nouvelles élections doivent avoir lieu cette année.
Lors de sa première apparition publique depuis que le Parlement a entamé ses vacances d'été il y a un mois, Jacinda Ardern a expliqué qu'elle avait espéré profiter de cette pause pour trouver l'énergie nécessaire pour continuer à gouverner. « Mais je n'ai pas été en mesure de le faire », a-t-elle reconnu. Elle a annoncé que les prochaines élections se tiendront le 14 octobre prochain, et que d'ici-là, elle continuerait à exercer son mandat de députée.
« Je ne pars pas parce que je crois que nous ne pouvons pas gagner les prochaines élections, mais parce que je crois que nous le pouvons et que nous le ferons », a-t-elle affirmé. Elle a indiqué que sa démission prendra effet au plus tard le 7 février, et le caucus travailliste voterait pour désigner un nouveau chef dans trois jours. Le vice-premier ministre, Grant Robertson, a aussitôt fait savoir qu'il ne serait pas candidat à la succession de Jacinda Ardern.
La Première ministre sortante a assuré qu'il n'y avait aucune raison secrète derrière sa démission. « Je suis humaine. Nous donnons autant que nous le pouvons aussi longtemps que nous le pouvons, et puis c'est le moment. Et pour moi, ce moment est arrivé », a dit Jacinda Ardern. « Je pars parce qu'un poste aussi privilégié s'accompagne d'une grande responsabilité. La responsabilité de savoir quand vous êtes la bonne personne pour diriger, et aussi quand vous ne l'êtes pas ».
Née à Hamilton, Jacinda Ardern grandit à Murupara, petite ville du district de Whakatane, dans l'île du Nord. De confession mormone, elle décide d’abandonner sa religion dans les années 2000 en raison des positions de cette Église sur l'homosexualité. Après des études de communication, elle entre au Parti travailliste et commence à travailler pour Helen Clark, ancienne Première ministre de 1999 à 2008. Jacinda Ardern va également vivre un temps à New York, puis décrocher un poste de conseillère politique au cabinet de Tony Blair. En 2008, elle prend la présidence de l’Union internationale des jeunes socialistes.
De retour au pays, Jacinda Ardern devient le plus jeune membre du Parlement à 28 ans. En février 2017, alors que le Parti travailliste est à son plus bas niveau dans les sondages depuis 20 ans, elle est propulsée à sa tête suite à la démission d’Andrew Little. À 37 ans, elle devient Leader de l'Opposition et la plus jeune chef du Parti travailliste de l'histoire néo-zélandaise et ce, deux mois avant les élections législatives. À un mois de ces échéances, sa popularité fait monter en flèche les intentions de vote pour le Parti travailliste. La presse évoque alors une « Jacindamania ».
Élue en 2017, Jacinda Ardern devient la plus jeune Première ministre de l’histoire du pays et sa popularité dépasse les frontières néo-zélandaises. Durant son premier mandat, elle nomme Winston Peters, chef du parti New Zealand First, au poste de Vice-premier ministre. Mais la large victoire du Parti travailliste aux élections de 2020, en pleine crise covid, lui permet finalement de gouverner qu'avec Les Verts, se détachant alors du soutien de New Zealand First, dont les positions sont parfois controversées. En 2020, elle nomme Nanaia Mahuta en tant que ministre des Affaires étrangères, devant la première femme, Maori de surcroit et arborant un moko kauae, nommée à ce poste.
Outre la gestion du covid-19 et la stratégie zéro covid du pays, l’attentat de Christchurch ou encore l’éruption volcanique, la Première ministre Jacinda Ardern s’est aussi illustrée en mettant en place une politique de restriction des achats immobiliers pour les étrangers, alors que les ménages moyens néo-zélandais, et notamment Maori, ont un accès difficile à la propriété. Elle permet aussi la légalisation du droit à l'avortement en mars 2020, qui restait jusque-là considéré comme un crime en Nouvelle-Zélande, tout comme la légalisation de l'euthanasie.
En 2018, l’ONU la découvre en jeune maman alors qu’elle assiste à l'Assemblée générale avec sa petite fille de trois mois, Neve. Elle est la première femme dirigeante à amener son bébé dans l'hémicycle, après avoir donné naissance en 2018. Elle avait alors laissé son mandat pendant six semaines, pour son congé maternité. Consécutivement à l’attentat de Christchurch, son gouvernement fait voter un plan anti-armes en 2019, permettant aux autorités de récupérer plus de 56 000 armes à feu. Autre fait marquant : la création d’un jour férié pour le Matariki, considéré comme le nouvel an des Maori.
Durant ses deux mandats, Jacinda Ardern a aussi rapproché son pays des États et territoires insulaires du Pacifique sud, concluant des accords de coopérations avec plusieurs d’entre eux, comme les Fidji ou même la Polynésie française. En 2021, elle avait aussi présenté des excuses officielles aux populations du Pacifique immigrées en Nouvelle-Zélande qui, dans les années 1970, avaient été violemment expulsées de l’archipel. « J'espère que je laisse les Néo-Zélandais avec la conviction que vous pouvez être gentils mais forts, empathiques mais décisifs, optimistes mais concentrés... que vous pouvez être votre propre type de leader, celui qui sait quand il est temps de partir », a conclu Jacinda Ardern dans son discours.
Avec AFP.