Nouvelle-Calédonie : Le projet de classer le Bagne au patrimoine mondial

Vestiges d'un bagne à l'île de Pins ©Gérard Janot / Wikicommons

Nouvelle-Calédonie : Le projet de classer le Bagne au patrimoine mondial

Intégrer l'histoire fondatrice de la Nouvelle-Calédonie et du bagne, et rejoindre ainsi les 11 sites du bagne australien classés au patrimoine mondial de l'Unesco. Projet porté par l'association Témoignage d'un passé, l'objectif est de protéger l'histoire du territoire, apporter une nouvelle approche touristique, et entretenir le devoir de mémoire. Le point grâce au reportage de nos partenaires et  confrères de Caledonia.nc.

Si les bagnes furent nombreux à travers le globe, celui de Nouvelle-Calédonie représente quelques spécificités uniques en son genre, par sa temporalité, mais aussi son rôle, puisqu'au-delà d'un simple bagne, il fut aussi les prémices d'une colonie de peuplement.

Une différence qui pourrait permettre sa classification au patrimoine mondial, et ainsi retracer l'Histoire du territoire, aux origines de la colonisation et du développement qui s'en est suivi, la présenter aux yeux de tous et entretenir le devoir d'Histoire et de mémoire. La proposition des historiens du territoire intègre un potentiel tandem avec la Guyane, autre bagne français à l'histoire atypique. Cependant, l'histoire du territoire est aussi un sujet de discorde, et un consensus est nécessaire au sein même du territoire, déjà tiraillé sur son avenir institutionnel.

Christophe Sand, historien en Nouvelle-Calédonie, évoque au micro de Caledonia.nc l'intérêt particulier de porter l'histoire du bagne au patrimoine mondial : “Cela servirait d'une part à valoriser pour les Calédoniens, face au reste de la planète, leur histoire totalement originale qui est celle d'une colonie de peuplement liée à un bagne, qui fait que l'histoire du bagne ce n'est pas uniquement l'histoire des blancs comme on le pense souvent, c'est aussi l'histoire des Kanaks, c'est aussi l'histoire des asiatiques venus ici comme travailleurs, c'est aussi l'histoire des colons libres”.

Par cette étape de l'Histoire, c'est bien la racine de la Nouvelle-Calédonie d'aujourd'hui qui s'est ancrée sur cet archipel du Pacifique, dont les descendants sont aujourd'hui les enfants du territoire. “Finalement, c'est aussi la racine imposée et partagée de notre destin commun, même si certains ne veulent pas l'entendre. Si vous regardez bien, toute une partie de la réalité du monde calédonien d'aujourd'hui, avec ses malheurs, ses tensions, mais également le métissage... Tout cela trouve racine dans l'épopée du bagne”.

Mais au-delà de l'aspect historique propre au territoire, il s'agit aussi à l'échelle internationale, d'un témoignage fort, comme l'explique Clare Anderson, professeure d'Histoire à l'Université de Leicester au Royaume-Uni, auteure de plusieurs ouvrages sur les bagnes et le travail forcé, interviewé par Caledonia.nc : “Les sites historiques du bagne calédonien représentent un intérêt certains, car ils sont plutôt nombreux. Le patrimoine matériel hérité des bagnards est assez important en termes de bâtiments, d'objets ayant appartenu à des détenus, de photographies, de documents, etc... Ils racontent une histoire différente de celles qu'on connaît du bagne en Tasmanie ou en Australie, car ils ne témoignent pas de la même époque, il concerne une époque qui arrive bien plus tard”.

Si l'attrait historique et de mémoire semble évident, l'Histoire du territoire est cependant marquée par ces événements, mais alors que la Nouvelle-Calédonie montre parfois ses disparités de fond et ses grandes différences dans son présent et son avenir, s'accorder sur un tel dossier demandera un véritable consensus politique et citoyen.

Enfin, dans les faits, réussir à inscrire l'histoire et les sites du bagne au patrimoine mondial de l'Unesco représente un travail particulièrement important pouvant prendre une, voire plusieurs dizaines d'années. Une demande qui doit s'accompagner de dossiers montrant en quoi l'Histoire du bagne est un apport pour le territoire, mais aussi une valeur universelle, portée par une réelle politique commune, et un travail de réconciliation commun, car la commémoration commune d'un passé commun semble difficile sans avoir mené un processus de réconciliation concret et accepté par tous.

Damien Chaillot