Nouvelle-Calédonie : La crise Covid va réduire le PIB d’environ 6 % en 2020

Nouvelle-Calédonie : La crise Covid va réduire le PIB d’environ 6 % en 2020

L’ISEE et l’IEOM ont analysé l’impact du confinement en balayant l’ensemble des incidents sur les différents acteurs économiques. Ils ont présenté, ce jeudi, une étude économique et estiment l’impact de la deuxième période de « confinement externe » sur le PIB entre 18 et 28 milliards de Fcfp en 2020 de manque à gagner complémentaire. Cumulé aux pertes estimées de la période de confinement strict, l’impact annuel total serait estimé entre 52 et 62 milliards pour l’année 2020, soit entre 5,6% et 6,7% du PIB du territoire. Analyse d’Hugo Coëff pour notre partenaire Actu.nc.

Le projet des Comptes économiques rapides pour l’Outre-mer (CEROM) a pour objectif d’analyser les évolutions récentes de la situation économique de l’Outre-mer. Au mois d’avril dernier, quelques jours après le déconfinement, avait été dévoilée une note d’analyse sur l’impact de la crise de la Covid-19 sur la Nouvelle-Calédonie. Ce jeudi, l’Institut de la statistique et des études économiques (ISEE) et l’Institut d’émission d’outre-mer (IEOM) ont présenté une étude complémentaire sur l’impact de la crise de la Covid sur l’économie calédonienne en 2020 et pour les années futures.

En avril, le territoire subissait déjà une crise sans précédent de par sa brutalité et sa nature avec des conséquences immédiates et durables sur le tissu économique et les finances publiques. Les experts des Comptes économiques évoquaient également l’importance de l’efficacité des mesures déployées et le comportement des différents agents économiques.

Des mesures évitant une première vague de faillites

En effet, des mesures de soutien et de sauvegarde avaient été rapidement mises en place et notamment le Prêt garanti par l’État (PGE). À travers ce prêt, 19,8 milliards de francs ont pu être versés aux entreprises calédoniennes. Il fallait également permettre la poursuite du financement de l’économie. Si l’IEOM a opportunément assoupli sa politique de refinancement, pour près de 150 milliards en 2020, sur toute la zone Pacifique, les banques ont aussi octroyé des reports d’échéances. « Toutes ces mesures ont certainement évité une première vague violente de faillites d’entreprises », affirme Yann Caron, directeur de l’IEOM.

« Aujourd’hui, la situation de la Nouvelle-Calédonie est délicate mais moins qu’anticipé », assure Olivier Fagnot, directeur de l’ISEE. En effet, 80% des chefs d’entreprises estimaient, au 1ertrimestre 2020, que l’activité allait accuser une nette baisse. Or, trois mois plus tard, ils n’étaient plus que 37% à y croire. L’indicateur du climat des affaires a connu au 1er trimestre une baisse significative de 17 points (baisse la plus importante jamais enregistrée) plaçant l’indicateur à son niveau le plus bas historique. Lorsqu’on la compare aux autres territoires ultramarins, la situation calédonienne est moins dramatique qu’ailleurs (baisse de 32 points en Polynésie française, 38 points en Guadeloupe).

Selon CEROM, cette situation « plutôt favorable » est due notamment à la courte durée du confinement, à la diversification de l’économie et au faible rendement de l’économie touristique par rapport aux autres territoires. « Il y a un maintien du cours de nickel malgré de fortes incertitudes sur la croissance mondiale. Nous pouvons aussi parler d’autres secteurs qui ont visiblement bénéficié de l’arbitrage des consommateurs qui ont consommé local comme l’équipement des foyers, les véhicules neufs [des niveaux records avec +15% de janvier-septembre, ndlr], les services à la personne, le numérique… ».

Une tendance des consommateurs pour le local

Les deux tiers du PIB de la Nouvelle-Calédonie sont générés par les consommateurs et l’enjeu de la multitude des mesures de soutien était de préserver le consommateur pour qu’il puisse poursuivre sa mission première : consommer. « Nous avons constaté un effet confinement très significatif que ce soit pour les paiements par carte ou pour l’activité fiduciaire. Depuis, nous sommes revenus à un niveau d’avant crise », confirme Olivier Fagnot. Les consommateurs semblent donc avoir repris leurs habitudes depuis la fin du confinement.

©Actu.nc

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Le maintien contraint des Calédoniens sur le territoire a également conduit à une réorientation de certaines dépenses vers l’économie locale. L’utilisation de l’épargne forcée, constituée pendant le confinement, a engendré des économies. « Entre avril et juin 2020, 10 milliards ont été économisés. Ce qui fait qu’en septembre, 5 milliards ont été dépensés. Les consommateurs ont joué le jeu de la consommation locale ».

Les entreprises, elles, ont vécu la sortie de confinement comme « un traumatisme fort ». « Environ deux tiers des entreprises prévoient une baisse de leur chiffre d’affaires en 2020 dont 25% qui prévoient une baisse supérieure à 25% du chiffre d’affaires », explique Yann Caron. Si les mesures mises en place ont permis d’atténuer les éléments de la crise, le territoire est toutefois plongé dans un contexte où l’impact sur les entreprises est manifeste.

Un endettement additionnel qu’il va falloir rembourser

Au-delà du volume d’activité, l’impact sur leur trésorerie a été constaté avec une trésorerie sous pression. Le pays se retrouve donc aujourd’hui dans une situation où les incertitudes et le manque de visibilité prennent le pas sur les projets d’investissement qui sont, eux, en attente ou annulés. « Les charges fixes des entreprises devront être payées. Pour la plupart, ce sont des dettes qui ont seulement été différées », a-t-il souligné. Une partie de la capacité de trésorerie a servi à couvrir des charges fixes pendant cette période de crise.

En d’autres termes, le PGE est venu couvrir des besoins de trésorerie mais il constitue un endettement additionnel qu’il va falloir rembourser dans les années à venir. « Nous rentrons dans une phase où la solvabilité des entreprises va être affectée. Un impact va se faire ressentir sur les projets d’investissement, encore plus en raison des fortes incertitudes sur l’avenir renforcées à la faveur du 2e référendum », déplore le directeur de l’IEOM.

S’ajoutent à cela des dépenses supplémentaires dues au déploiement du chômage partiel et au coût du confinement (réquisition d’hôtel, rapatriement). D’autres dépenses seront à venir qui dépendront de l’ampleur des faillites, de l’ajustement de l’emploi, des comportements de consommation. « Au-delà des surcoûts, nous allons avoir un manque à gagner de recettes fiscales et sociales directement imputable sur ces effets ».

Une nécessaire mutation du modèle économique

Tous ces éléments permettent aujourd’hui d’estimer l’impact de la deuxième période de « confinement externe » sur le PIB entre 18 et 28 milliards en 2020 de manque à gagner complémentaire. Cumulé aux pertes estimées de la période de confinement strict, l’impact annuel total est estimé entre 52 et 62 milliards pour l’année 2020, soit entre 5,6% et 6,7% du PIB. Cette crise s’ajoute donc aux fragilités structurelles de la Calédonie et d’un modèle économique en besoin de mutation.

Dans ce cadre, ces Instituts ont émis plusieurs scenarii quant à l’avenir du Caillou. « Un retour à la situation d’avant crise, un risque systémique ou une sortie par le haut avec une évolution du modèle de développement de la Nouvelle-Calédonie vers une économie plus diversifiée et inclusive sont possibles ». Dans tous les cas, le retour à la confiance des opérateurs économiques sera conditionné par la restauration d’un dialogue pour bâtir l’avenir institutionnel et économique du pays, selon ces Instituts.

Hugo Coëff