Nouvelle-Calédonie : Emmanuel Macron donne un mois pour reprendre les discussions et avancer sur un accord global

Nouvelle-Calédonie : Emmanuel Macron donne un mois pour reprendre les discussions et avancer sur un accord global

Le président de la République, à l’issue de ses entretiens en Nouvelle-Calédonie, a annoncé la suspension de la réforme constitutionnelle visant au dégel du corps électoral pendant un mois, le temps de lever les barrages, d’installer le dialogue et d’avancer sur un accord global sur l’avenir de l’archipel « qui intègre la Constitution ».

Le cas échéant, a prévenu Emmanuel Macron, ce dernier convoquera le Congrès de Versailles en vue d’adopter la réforme constitutionnelle visant au dégel du corps électoral provincial de la Nouvelle-Calédonie. « Je me suis engagé à ce que cette réforme ne passe pas en force aujourd'hui dans le contexte actuel, et que nous nous donnions quelques semaines afin de permettre l'apaisement et la reprise du dialogue en vue d'un accord global », a déclaré le chef de l’État depuis Nouméa.

Emmanuel Macron a demandé, en contrepartie, un appel « explicite », et en particulier au FLNKS et à la CCAT, à une levée des barrages, et « que cela se fasse dans les heures qui viennent, que cela se déploie dans les heures et jours qui viennent ». « Dès que les retraits seront effectifs et observés, l'état d'urgence sera levé », a-t-il ajouté. « Je ferai, d'ici un mois, un point d'étape pour regarder en conscience les choses et prendre des décisions sur la suite institutionnelle à donner. Je considérerai évidemment le retour au calme, et l'engagement sincère des parties à la reprise des négociations en vue d'un accord ».

Cet accord global devra couvrir les questions du corps électoral, de l'organisation des pouvoirs, « avec des éléments de simplification indispensables entre le gouvernement et les provinces en particulier », de la répartition des sièges au Congrès calédonien, de la citoyenneté et son code, du « nouveau contrat social » et « en particulier, la manière de régler les inégalités économiques, mais aussi les inégalités femmes-hommes », la question de l'avenir et de la diversification économique, du nickel, « avec des pistes d'évolution pour les usines à court, moyen et long terme », et la question du vote d'autodétermination, a détaillé le chef de l’État.

« Plus de temps » pour un accord global

Ce dernier s’est dit « confiant » de la « capacité » des élus calédoniens « à reprendre ce dialogue et à bâtir un accord global dans les semaines à venir et les tout prochains mois », appelant aussi à « associer les maires, les forces vives, en particulier économiques » à l’élaboration de cet accord qui devra être soumis au vote des Calédoniens. « Mon souhait est que nous ayons un accord global et que nous puissions constater d'ici à un mois que les violences sont cessées et que l'accord avance », a insisté le chef de l’État. Auquel cas, le Congrès ne devrait pas être convoqué et la question du corps électoral intégrée à l’accord global.  

Pour rappel, dans un courrier adressé aux élus calédoniens après le vote du texte constitutionnel sur le dégel du corps électoral à l'Assemblée nationale, Emmanuel Macron avait demandé un accord global institutionnel pour la Nouvelle-Calédonie dès fin juin, faute de quoi, il réunirait le Congrès pour entériner la réforme, alors que les émeutes avaient déjà débuté dans l'archipel. En février dernier, la droite sénatoriale avait aussi fait voter plusieurs amendements, contre l'avis du gouvernement, pour suspendre le dégel du corps électoral jusqu'aux dix derniers jours précédant le scrutin provincial, dans le cas où un accord global serait trouvé. 

« Mon souhait est de pouvoir obtenir l'arrêt des hostilités et donc la levée des barrages et des points fixes, le retour au calme, la fin de l'état d'urgence, la reprise du dialogue. Et sur cette base, à ce moment-là, je serai le premier à proposer qu'on prenne plus de temps pour avoir un accord global qui rentre dans la Constitution », a souligné Emmanuel Macron ce jeudi soir à Nouméa.

« Dommages colossaux »

Attendu aussi sur des annonces économiques et plus singulièrement la reconstruction de Nouméa et son agglomération durement touchée par les émeutes, Emmanuel Macron a installé une mission dédiée, pilotée par le cabinet de la ministre déléguée aux Outre-mer, Marie Guévenoux, laquelle restera un peu plus longtemps sur place. « Une dizaine de hauts fonctionnaires viendront renforcer les équipes déjà présentes et une équipe dédiée à Paris travaillera sur ce sujet » a-t-il aussi assuré, précisant que si les « dommages sont en train d'être chiffrés », ils sont « colossaux ». « La priorité ira vers une aide d'urgence pour payer les salaires, pallier au problème de trésorerie », a précisé le chef de l’État.

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La semaine dernière déjà, Bruno Le Maire s’était entretenu avec les acteurs économiques de l’île et pris des premiers « engagements » sur les délais de paiement, les reports de charges et de créance, « avec un engagement des assureurs ». « Des équipes dédiées seront justement déployées, avec aussi des prêts à taux zéro pour accompagner l'ensemble des professionnels » a poursuivi le président qui annonce aussi « la mise en place d'un fonds de solidarité pour venir en aide au monde économique et aider à la fois les salariés, mais aussi les gérants et indépendants qui sont dans une situation critique ». 

Il souhaite également une reconstruction des bâtiments publics « dans les meilleurs délais », « une politique d'exception et d'urgence pour les écoles et collèges », et « une politique d'exception auprès des collectivités même si la compétence n'est pas étatique en la matière ». Ces mêmes collectivités locales devraient bénéficier de « dispositifs d’aide » et « nous viendrons compléter l'effort qui est fait sur l'activité partielle et les exonérations de charges ». 

« Violences multifactorielles »

« Nous allons donc reprendre pas à pas chaque quartier, chaque rond-point, chaque barrage » a assuré Emmanuel Macron sur le volet sécuritaire. « Notre objectif est de restaurer l'ordre dans les jours à venir (…) dans un cadre d'exigence, de professionnalisme ». Sur place, les forces de sécurité seront 3 000 « dans les heures prochaines », avec l’arrivée de 23 escadrons de gendarmerie mobile. « À cela s'ajoutent 130 membres du GIGN et du RAID », ainsi que des blindés et des hélicoptères supplémentaires dans les prochaines heures.

 « L'objectif, vous le comprenez, c'est le retour au calme, à l'ordre, dans les meilleurs délais » a insisté le président de la République, qui entend « ne rien céder à la violence qui s'est installée depuis maintenant 11 jours ». « Plusieurs de ces quartiers sont tenus par des émeutiers qui ont décidé d'adopter des techniques quasi-insurrectionnelles avec des équipements lourds, des positionnements en haut des toits et donc des situations qui ne permettent pas de rétablir l'ordre de manière classique » a-t-il aussi constaté. 

 « Ces violences sont multifactorielles. Pour parties politiques, elles sont aussi appuyées par des délinquants qui ont parfois dépassé leur commanditaire. Ça a été dit ce matin d'ailleurs très clairement dans le débat par plusieurs responsables. Et puis une délinquance, je dirais opportuniste qui s'est agrégée sur ces derniers » a aussi déclaré le chef de l’État.

Revenant sur les avancées permises par les accords de Matignon en 1988 et de Nouméa en 1998, Emmanuel Macron a estimé qu’ils n’ont « pas tout purgé ». « Force est de constater qu'il n'y a pas aujourd'hui une vision d'avenir commune, que le rééquilibrage n'a pas permis de réduire les inégalités économiques et sociales. Elles se sont même accrues » et « nourrissent aussi une part du racisme qui a ré-émergé depuis 11 jours et en quelque sorte d'une manière inédite dans son caractère désinhibé et assumé ».

« Ayons l'honnêteté de reconnaître que les référendums qui étaient prévus par ces accords n'ont pas pacifié les choses » a aussi concédé le chef de l’État. « En remettant une logique de bloc à bloc, de oui ou non, ils ont conduit les camps à se recompter et s'opposer ». « Nous n'avons pas collectivement suffisamment pensé le jour d'après » a aussi estimé Emmanuel Macron.