Nouvelle-Calédonie : Christian Tein, leader de la CCAT détenu dans l'Hexagone, désigné président du FLNKS, un choix qui ne fait pas l'unanimité

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Nouvelle-Calédonie : Christian Tein, leader de la CCAT détenu dans l'Hexagone, désigné président du FLNKS, un choix qui ne fait pas l'unanimité

Le leader de la Cellule de coordination des actions de terrain (CCAT) de l’Union calédonienne, Christian Tein, soupçonné d’avoir organisé les émeutes déclenchées le 13 mai et incarcéré depuis fin juin dans l’Hexagone, a été désigné samedi président de l’alliance indépendantiste du FLNKS, a indiqué dans la nuit une responsable, après un congrès auquel deux composantes historiques du Front, à savoir le Palika et l’UPM, ont refusé de participer. Une désignation qui a suscité de vives réactions politiques. 


Le porte-parole de la Cellule de coordination des actions de terrain (CCAT), Christian Tein, soupçonné d’avoir orchestré les troubles qui ont fait 11 morts depuis le début des émeutes le 13 mai, est à l’isolement à la prison de Mulhouse-Lutterbach (Haut-Rhin) depuis le 23 juin. La nuit dernière, le Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS), réuni en congrès à Koumac depuis vendredi après-midi, l’a désigné président. Par cette nomination, le Front acte la reconnaissance de la CCAT en tant qu’outil de mobilisation du Front et plus seulement de l’Union calédonienne (UC, principal parti indépendantiste, composante du FLNKS), a expliqué Laurie Humuni, secrétaire générale du Rassemblement démocratique océanien (RDO), autre formation membre du FLNKS et actuellement à l’animation de son bureau politique.

Christian Tein, né en 1968, a gravi les échelons au sein de l’UC avant d’être chargé par le parti, en novembre 2023, de gérer la CCAT, alors tout juste créée. Les militants louent le "leadership" et le côté "rassembleur" de cet homme de terrain issu d’une famille animée par la cause de l’indépendance.

Grands absents

La désignation du leader kanak s’est faite en l’absence des deux autres composantes du FLNKS : le Parti de libération kanak (Palika) et l’Union progressiste mélanésienne (UPM). En raison de divisions internes et de dissensions quant au rôle de la CCAT, ils avaient annoncé leur refus de participer au 43e congrès du Front vendredi et samedi à Koumac. L’un comme l’autre avaient également prévenu qu’ils ne reconnaîtraient pas les motions politiques issues de la réunion.

Le Caillou est plongé dans une profonde crise économique, politique et sociale depuis les violences meurtrières consécutives à une réforme d’élargissement du corps électoral calédonien, votée à Paris. Face à l’embrasement du territoire, le président Emmanuel Macron a annoncé en juin que le texte était "suspendu". Une prise de position jugée insuffisante par le camp indépendantiste qui demande un abandon clair du projet, l’accusant de réduire le poids politique des autochtones kanak.

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M. Tein, qui se considère comme un "prisonnier politique" et dit ne pas avoir appelé à la violence, est mis en examen notamment pour complicité de tentative de meurtre et association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un crime.

Un retour au dialogue avec l’État ?

Pour les autorités, la CCAT a fomenté les troubles, ce dont le mouvement se défend. Les partisans de Christian Tein estiment qu’il a tenté de contrôler une CCAT qui avait échappé à l’UC, quand ses ennemis politiques du camp loyaliste l’accusent de duplicité et d’être la tête pensante d’une organisation "terroriste".

La reconnaissance de la CCAT par le FLNKS doit permettre de mieux coordonner les actions de ses différents relais, alors qu’elle agissait jusqu’à présent de manière autonome, a précisé Mme Humuni. "Nous devons lever certains blocages pour permettre à la population d’avoir accès aux services essentiels, mais cela ne signifie pas que nous abandonnons notre lutte", a-t-elle cependant affirmé à l’AFP, alors que la Grande Terre est toujours partiellement paralysée par des barrages.

Le Front a par ailleurs fait part de sa volonté de renouer le dialogue, mais uniquement avec l’État, excluant le camp non indépendantiste.

La nomination de Christian Tein à la présidence du FLNKS est remise en cause par les autres formations qui compose le Front. Intérrogé par NC La 1ère, Victor Tutugoro, président de l'UPM a déclaré que « son parti ne se reconnaît pas dans les décisions prises» et déplore «une étape de plus franchie par l'organisation au nom du FLNKS, en sachant très bien que des composantes sont absentes».

« Une infamie politique»  pour Les Loyalistes 

La désignation de Christian Tein comme président du FLNKS a également fait réagir le camp non-indépendantiste, à l'instar de Sonia Backès. Sur Facebook, La présidence de la Province Sud et présidente des Loyalistes parle s'interroge sur l'avenir du FLNKS et sur la poursuite du dialogue sur l'après des Accords de Nouméa:  « Cette élection rend, de plus, impossible, toute discussion sincère au nom du front avec les 2 autres partenaires de l’Accord de Nouméa: non indépendantistes et État» avant d'ajouter que « la reconstruction demandera un travail de fond que nous mènerons avec ceux qui veulent avancer ensemble et pas avec ceux qui ne savent que détruire». 

Le parti Les Loyalistes parle d'une « insulte» et « d'affront» à tous les Calédoniens qui ont souffert des exactions pilotés par la CCAT». « Avec la nomination de Christian Tein comme président, les indépendantistes radicaux marquent définitivement le sceau de l'infamie politique». Les loyalistes ne reconnaissent plus «le FLNKS comme interlocuteur légitime». « En l'état, le FLNKS ne peut plus être associé aux travaux sur la reconstruction économique.

Le député de la Nouvelle-Calédonie Nicolas Metzdorf indique pour sa part que « L’UC et le RDO ont totalement sombré». « Provocation, perdition, radicalisation peu importe. Ils ne sont définitivement plus crédibles et n’entrent plus dans le champ démocratique. À mon niveau toute collaboration avec des élus de ces partis politiques est désormais impossible.»

AFP et Outremers 360