L'indépendantiste Antony Géros élu président de l'Assemblée de la Polynésie française

©Assemblée de la Polynésie française

L'indépendantiste Antony Géros élu président de l'Assemblée de la Polynésie française

L'indépendantiste Antony Géros, seul candidat, a été élu jeudi président de l'Assemblée de la Polynésie française par 41 voix et 16 bulletins blancs, à l’occasion de la première séance de la mandature issue des élections territoriales.

Antony Géros (66 ans) est vice-président du Tavini Huiraatira, le parti indépendantiste qui a remporté 38 des 57 sièges lors du second tour des élections territoriales disputées le 30 avril. Maire depuis 2020 de la commune de Paea, il est considéré comme un proche d'Oscar Temaru, le président-fondateur du Tavini et maire de Faa'a, qui à 78 ans avait indiqué qu'il ne briguerait ni la présidence de l'Assemblée, ni celle de la Collectivité d’Outre-mer. 

Oscar Temaru avait annoncé qu'Antony Géros serait le candidat de son parti à la tête de l'Assemblée et le député Moetai Brotherson à la présidence de la collectivité. Cette deuxième élection est prévue vendredi, suivie dans la foulée d’une passation de pouvoir entre le nouveau président et le président sortant, l’autonomiste Édouard Fritch, en poste depuis 2014. Moetai Brotherson devrait ensuite présenter son gouvernement lundi.

Même s'ils affichent des relations cordiales, Antony Géros et Moetai Brotherson représentent deux courants différents du Tavini Huiraatira. Le premier, à l'image de la plupart des militants de longue date, souhaite une indépendance rapide. Le deuxième, plus modéré, souhaite organiser un référendum « dans 10 à 15 ans » et a concentré son discours de campagne sur le pouvoir d'achat. 

Dans son discours d’investiture, Antony Geros s’est par ailleurs montré offensif à l’égard de l’État « qui va user de son autorité pour faire et défaire les majorités au gré de son intérêt » entre 2004 et 2013. « Je ne serai pas le président des seuls élus du Tavini Huiraatira. Je suis le président de tous les représentants » a également assuré l’édile. « Nous avons, de 2011 à 2013, démontré notre capacité à gouverner notre pays à un instant où notre économie était au plus bas », a-t-il ajouté. Puis de conclure : « Il nous appartient maintenant de retrousser nos manches et de nous mettre au travail ».

Les 38 représentants du Tavini ont affiché leur unité à l'Assemblée locale en portant tous des vêtements taillés dans le même tissu fleuri bleu ciel et blanc, les couleurs de leur parti. Antony Géros, qui lui arborait une chemise blanche pour marquer sa neutralité, a déjà été élu président de l'Assemblée locale, en 2004, à la première accession au pouvoir du parti indépendantiste. Lors de son premier discours de l’époque, ce fervent chrétien avait cloué une croix au-dessus du perchoir, qu'il avait dû retirer quelques jours plus tard.

Ce jeudi, Antony Geros a récolté 41 voix sur 57 : sans surprise les 38 voix indépendantistes, dont l’écrasante majorité sont nouvellement élus à l’assemblée, et les trois voix non-inscrites du parti autonomiste A Here Ia Porinetia. Ce jeune parti, fondé par Nicole Sanquer et Nuihau Laurey, d’anciens cadres du Tapura d’Édouard Fritch, était arrivé 3ème au 1er et 2nd tour des Territoriales.

« Nous espérons évidemment qu’il y aura une autre présidence que celle que nous avons connue avec un meilleur respect des minorités » a expliqué Nicole Sanquer, ancienne députée, pour justifier le vote de son parti pour le candidat indépendantiste. Souhaitant un « partage » au sein de l’institution et une « ouverture », elle-même revendiquée par le député Brotherson, Nicole Sanquer dit espérer « que cette ouverture se traduise par des actes avec un partage des commissions ». Premier témoignage de ce partage, la seule liste présentée pour la composition du bureau comprenait trois noms d'élues de l'opposition : Nicole Sanquer élue 3ème vice-président de l'Assemblée, Teura Iriti et Tepuaraurii Teriitahi, respectivement élues 2ème et 3ème secrétaires. 

Gaston Tong Sang, ancien président de l’assemblée, a salué le discours unitaire de son successeur : « quand il dit qu’il est le président de tous les élus (…), ça me fait plaisir car je pense que c’est très compliqué de gérer une assemblée sans prendre en compte toutes ses composantes ». « J’ai bien entendu son message d’ouverture en disant qu’il allait être attentif (…) à nos requêtes », a commenté de son côté la représentante Tepuarauri Teriitahi, son ancienne adversaire à Paea lors des municipales. 

Présent à Papeete ce jeudi pour l’élection du président de l’Assemblée, le président du Congrès calédonien Roch Wamytan, lui-même indépendantiste, a salué la victoire du parti d’Oscar Temaru, frère de lutte du kanak Jean-Marie Tjibaou. « A partir du moment où, ici, ils ont les leviers institutionnels avec les 3 députés et les 2 présidences (…) et nous, là-bas, la présidence du Congrès et la présidence du gouvernement, il nous faut travailler ensemble pour faire avancer notre projet politique : l’indépendance (…). Ça va être compliqué car l’État souhaite rester dans le Pacifique grâce à nos territoires », a-t-il déclaré. 

Comme à chaque grand rendez-vous démocratique en Polynésie, le hall de l’Assemblée était, ce jeudi matin, rempli de militants du parti indépendantiste, applaudissant le passage des élus du Tavini pendant la séance, retransmise sur écran géant. Signe de changement, cette séance, présidée par le doyen de la mandature Oscar Temaru, a débuté par un ‘orero (déclamation en langue tahitienne), un chant issu d’un poème d’Henri Hiro et, plus surprenant, d’une prière.

Celle-ci, en tahitien, a notamment rendu hommage à l’ancien maire de l’atoll de Rangiroa, Teina Maraeura, lui-même ancien représentant, décédé le matin même. Une minute de silence a également été observée en sa mémoire. La prière évoquait également les sinistrés du district de Teahupo’o touché par de fortes intempéries.

Avec AFP et TNTV.