La Polynésie perd John Mairai, géant de la culture Mā’ohi

La Polynésie perd John Mairai, géant de la culture Mā’ohi

L’auteur, poète, orateur, dramaturge, enseignant et personnalité de la culture et des médias est décédé ce vendredi matin des suites d’une longue maladie. Grand défenseur du Reo Mā’ohi, poète et historien de son pays, homme de théâtre, figure tutélaire dans le monde de la danse et des arts traditionnels, il était depuis 2021 membre de l’académie tahitienne et avait été décoré à de nombreuses reprises, notamment en tant que chevalier de l’Ordre de Tahiti Nui et des Arts et des lettres.  Une veillée doit être organisée demain. Retour sur sa carrière avec notre partenaire Radio 1 Tahiti.

Il était un « conteur », un « sage » pour les uns, et « guerrier de la culture », qui a fait « rayonner le fenua » pour les autres, un promoteur de la langue et un « artiste de tous les domaines », comme le rappellent beaucoup, un défenseur de la cause animale comme on le note ailleurs.

« Il laissera un vide immense » écrit le président polynésien Moetai Brotherson, « un grand héritage oral et écrit » pour la troupe Hei Tahiti. John Mairai, qui luttait depuis de longues années contre la maladie, s’est éteint ce vendredi matin, a annoncé sa famille. Les hommages n’ont pas tardé à affluer pour cet homme de culture né en 1945 à Papeete.

Amour de la langue, attrait de la scène

Formé aux Beaux-arts aux États-Unis, John Mairai, enseignant et professionnel de la culture, s’est d’abord illustré du côté de la scène théâtrale, avec la compagnie théâtre de l’Aube - Teata Maruao, qu’il dirige et dans laquelle il écrit et joue. Avec Henri Hiro, autre monument de la culture tahitienne, il réussit à faire monter le Reo sur les planches.

Il adapte MacBeth, de Shakespeare (Maro Putoto), le Bourgeois gentilhomme de Molière (Te Manu Tane), travaille sur des pièces historiques tahitienne (Tavi roi et la loi, en 2012), et d’autres plus contemporaines. « Le théâtre a mis en valeur outre vos connaissances des subtilités du Reo Tahiti, votre profond sens de l’humour avec cette manière, inégalable, d’évoquer les situations de la vie polynésienne » déclarait Édouard Fritch lors de son élévation au grade de chevalier de l’ordre de Tahiti Nui en 2020.

John Mairai s’est aussi illustré à plusieurs reprises au cinéma, dans la musique, où il s’efforce de créer des ponts entre instruments traditionnels et modernes, ainsi que sur les scènes du ‘ori (danse), pour lequel il était un auteur très recherché. L’artiste a été six fois lauréats du Heiva côté écriture.

Pédagogue de cœur

Incontournable dans le milieu de la culture, John Mairai faisait aussi partie de ces personnalités que le grand public reconnaît et apprécie. Entre autres grâce à ses émissions culturelles, historiques, et surtout pédagogiques, sur le patrimoine ou l’apprentissage du Reo Tahiti.

Animateur, producteur, il était aussi commentateur et chroniqueur, pour TNTV notamment, pour les grands rendez-vous des arts traditionnels du pays. Pédagogue, John Mairai l’était surtout avec ses élèves du Conservatoire artistique de la Polynésie française, à qui il enseignait, depuis 1999, le ‘orero (art oratoire), puis la « culture et civilisation océanienne » et les « fondamentaux du patrimoine polynésien », ou les jeunes des nombreux établissements scolaires dans lesquels il intervenait ponctuellement.

À l’origine de la première classe de ‘orero, il fut l’un des artisans de son ancrage dans les programmes scolaires et de son inscription au bac en tant qu’option. « La culture ne s’apprend pas par cœur, elle s’apprend par le cœur » avait noté en 2021 le Haut-commissaire Dominique Sorain lors de la remise de la médaille de chevalier des arts et des lettres. La même année, il accueillait Emmanuel Macron, alors en visite en Polynésie, accueil au son d'un ‘orero déclamé par deux de ses élèves, et traduit au chef de l’État par ses soins.  

La famille de John Mairai a annoncé qu’une veillée se tiendrait ce samedi à 18h30 au temple Sanito de Papeete. Il sera inhumé dimanche à 10h, au cimetière de l’Uranie à Papeete.

Charlie René pour Radio 1 Tahiti