Arrivé ce lundi sur l'archipel, Emmanuel Macron se rendra mardi à Touho, dans le Nord-Est de la Nouvelle-Calédonie, afin de constater l'impact de l'érosion qui touche l'ensemble du territoire et d'évoquer les questions environnementales, très prégnantes dans le territoire.
L'archipel présente une biodiversité particulièrement riche, aussi bien sur terre, où le taux d'endémisme de la flore atteint 76%, qu'au sein du parc naturel de la mer de Corail. Cette réserve couvre l'ensemble des 1,3 million de kilomètres carrés de la zone économique exclusive (la 2ème ZEE française après la Polynésie) et abrite 30% des derniers récifs mondiaux encore vierges.
Face à cet enjeu écologique majeur, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie a entrepris d'instaurer un moratoire sur l'exploitation et l'exploration à visée économique des grands fonds marins du parc. Un travail qui devrait aboutir d'ici à la fin de l'année selon Jérémie Katidjo-Monnier, le membre du gouvernement chargé de l'environnement. Le Congrès devra notamment définir la durée du moratoire, entre 10 et 25 ans.
« On va être l'un des premiers pays, sinon le premier, à avoir un moratoire voté avant la fin de l'année », a déclaré Jérémie Katidjo-Monnier à l'AFP. « Nous sommes aussi bien avancés pour mettre en réserve 10% du parc classé UICN 1 (le plus haut niveau de protection de l'Union internationale pour la conservation de la nature). C'est considérable puisque cela représente 1,5% de l'effort national ».
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La France s'est engagée à protéger, d'ici à 2030, au moins 30% des espaces terrestres et marins, dont un tiers sous protection forte, soit 10%, contre 4% aujourd'hui selon l'UICN. « Nous envisageons de créer une plateforme de coordination des politiques environnementales avec nos pays voisins. Cela pourrait servir de base à une coopération dans le cadre d'une diplomatie verte », a encore indiqué Jérémie Katidjo-Monnier, qui a évoqué le sujet avec les autorités du Vanuatu, pays voisin où Emmanuel Macron se rendra jeudi.
Une question politique
Si le dossier du parc de la mer de Corail bénéficie d'un certain consensus, ce n'est pas le cas de l'ensemble des sujets environnementaux. La stratégie de transformation de la production énergétique néo-calédonienne, aujourd'hui carbonée à plus de 80%, en est une illustration. Le programme qui vise à réduire de 70% les émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2035 a été présenté au Congrès en novembre 2022. Il a finalement été reporté, à la suite du dépôt d'une motion demandant des éclaircissements sur les financements nécessaires et n'a toujours pas été représenté.
« On fait beaucoup d'études, beaucoup de politique. On entend l'urgence écologique et climatique dans tous les discours mais pas forcément avec le bon niveau d'écoute. Finalement les actions ne sont pas là et, parfois, les moyens sont mobilisés sur tout autre chose », a estimé Nicolas Imbert, le directeur exécutif de l'ONG Green Cross France. La préoccupation environnementale rencontre la question politique dans un territoire où les trois provinces (Nord, Sud, Îles Loyauté) disposent chacune d'un pouvoir réglementaire et exécutif.
En décembre 2019, « il y a eu un sursaut extrêmement fort au niveau du Congrès avec le vote à l'unanimité de l'état d'urgence climatique et environnementale qui demande à toutes les institutions de travailler ensemble à la mise en place d'un plan d'actions pour apporter des réponses concrètes et maintenant. La province des Îles Loyauté a avancé avec sa stratégie, les provinces Nord et Sud sont parties avec un peu de retard mais on ne ressent encore pas du tout le changement d'échelle et le changement d'approche », a encore regretté Nicolas Imbert.
« L'environnement (...) c'est le grand oublié de l'Accord de Nouméa, c'est dire à quel point (il) avait peu d'intérêt dans l'espace politique. Petit à petit, on se rend compte de (son) importance aujourd'hui mais c'est finalement très récent », a commenté Jérémie Katidjo-Monnier. « Notre bipolarisation politique extrême (loyalistes/indépendantistes, ndlr) ne laisse pas de place à la prise en compte des questions environnementales qui sont pourtant devenues urgentes et extrêmement préoccupantes », regrette Martine Cornaille, présidente de l'association de protection de l'environnement Ensemble pour la planète (EPLP).
« L'éclatement des compétences est un frein terrible à la construction d'un plan global d'adaptation. Chaque institution va vouloir tirer la couverture à elle et exercer ses petites compétences au détriment d'une échelle plus globale », estime cette militante, qui plaide pour la mise en place d'une autorité environnementale indépendante du pouvoir politique.
Avec AFP