Depuis 1988, la Nouvelle-Calédonie est lancée dans un difficile processus de décolonisation par étapes. Face à l'impasse actuelle, Emmanuel Macron a convoqué les acteurs locaux à un sommet à partir de mercredi à Paris.
1988 : Ouvéa et Matignon
L'archipel du Pacifique sud, français depuis 1853, connaît de fortes tensions dans les années 1980, avec le boycott en 1984 des élections territoriales par les indépendantistes du FLNKS et surtout la prise d'otages et l'assaut de la grotte d'Ouvéa en mai 1988, au cours desquels 19 militants kanaks et six militaires français sont tués.
Moins de deux mois après, le 26 juin 1988, les accords tripartites dits « de Matignon » sont conclus non sans mal entre Jean-Marie Tjibaou pour le FLNKS (indépendantiste), Jacques Lafleur pour le RPCR (anti-indépendantiste) et le nouveau Premier ministre, socialiste, Michel Rocard.
Ces accords, ratifiés par les Français lors d'un référendum le 6 novembre 1988, créent trois provinces (Nord, Sud, Iles Loyauté) et prévoient l'organisation d'un scrutin d'autodétermination en Nouvelle-Calédonie dans les dix ans.
Mais le 4 mai 1989, Jean-Marie Tjibaou est assassiné par le kanak indépendantiste Djubelly Wéa, qui ne lui a pas pardonné d'avoir signé ces accords. Wéa tire également sur Yeiwéné Yeiwéné, bras droit de Tjibaou, avant d'être abattu par le garde du corps des victimes.
1998 : Accord de Nouméa
Le 5 mai 1998, la signature de l'accord de Nouméa, sous l'égide du Premier ministre Lionel Jospin, lui aussi socialiste, instaure en Nouvelle-Calédonie un processus de décolonisation sur vingt ans. Ce texte fondateur, conclu entre l'État, les anti-indépendantistes et les indépendantistes kanaks puis ratifié à 72% par les Calédoniens lors d'un référendum, organise l'émancipation par étapes de l'archipel. Un référendum d'autodétermination est prévu entre 2014 et 2018 au plus tard.
Pour les observateurs, l'accord de Nouméa est le garant du maintien de la paix en Nouvelle-Calédonie après la quasi-guerre civile des années 1980. Mais la mise en œuvre de ce processus, sans équivalent au sein de la République, se fait à petits pas.
2018 : « Non » à l'indépendance, poussée FLNKS
Le Parlement adopte en 2009 un projet de loi qui permet des transferts progressifs de compétences (affaires de police en 2011, organisation scolaire en 2012, droit civil et commercial en 2013) de l'État à la Nouvelle-Calédonie, assortis de modalités financières.
Conformément à l'accord de Nouméa, un référendum est organisé le 4 novembre 2018 au cours duquel 175 000 électeurs inscrits sur la liste électorale spéciale consultative (LESC) sont amenés à répondre à cette question : « Voulez-vous que la Nouvelle-Calédonie accède à la pleine souveraineté et devienne indépendante ? ». Victoire du « non » (56,7%) mais forte percée des indépendantistes, qui font un meilleure score qu’attendu.
2020, 2021 : Nouveaux référendums
Ces derniers en profitent pour demander l'organisation d'une nouvelle consultation, l'accord de Nouméa autorisant un deuxième voire un troisième référendum.
Le non l'emporte à nouveau en 2020 (53,26%) et en 2021 (96,5%) mais les indépendantistes ne reconnaissent pas la validité du dernier scrutin, marqué par une forte abstention après l'épidémie de Covid-19. Ces derniers avaient appelé au boycott du troisième scrutin, après avoir réduit l’écart entre le oui et le non à l’indépendance lors du second scrutin.
2024 : Violences insurrectionnelles
Sur fond de mobilisation des indépendantistes contre un projet d'élargissement du corps électoral pour le scrutin provincial calédonien, l'archipel de quelque 270 000 habitants connaît à partir de mai 2024 des émeutes, les plus violentes depuis les années 1980. Bilan : 14 morts et plus de 2 milliards d'euros de dégâts.
Durant cette période de troubles et de violences, la Cellule de coordination des actions de terrain (CCAT), organe du FLNKS, et son chef Christian Tein, sont pointés du doigts comme étant les instigateurs de émeutes. Christian Tein, et plusieurs dizaines de militants, sont arrêtés et incarcérés dans l’Hexagone.
2025 : Conclave et sommet
Entre 2021 et 2025, l’État échoue à réinstaurer un dialogue durable avec les partenaires politiques calédoniens. Nommé le 24 décembre 2024, Manuel Valls réussi à réinstaurer un dialogue puis à entamer des négociations politiques, en proposant un projet de « souveraineté partagée avec la France », qui peine à convaincre l’ensemble des partenaires politiques, indépendantistes et non indépendantistes.
Après l'échec du conclave de trois jours mené en mai 2025 dans l'archipel sur son avenir institutionnel sous l'égide du ministre des Outre-mer Manuel Valls, le président Emmanuel Macron convoque « l'ensemble des acteurs » néo-calédoniens à un sommet à Paris à partir du 2 juillet. De son côté, tout juste libéré après un an de détention provisoire dans l'Hexagone dans le cadre des émeutes de 2024, le leader kanak Christian Tein appelle en juin à sortir de la crise « par le haut ».
Avec AFP