À deux semaines de la 46e session du Comité du patrimoine mondial de l’Unesco, où seront désignés les nouveaux biens entrant au sein du palmarès, Anatauarii Tamarii, archéologue et responsable de la cellule « Patrimoine culturel » à la Direction de la Culture et du Patrimoine de Polynésie française se dit confiant quant à la candidature des îles Marquises. Après 30 ans d’attente, l’archipel polynésien rejoindra-t-il les sites naturels et culturels primés ? Réponse à partir du 21 juillet.
Par Marion Durand
Après les volcans et forêts de la montagne Pelée et des pitons du nord de la Martinique ; les lagunes tropicales et les récifs coralliens de Nouvelle-Calédonie, le Marae Taputapuātea ou encore les Terres et mers australes françaises, les Îles Marquises rejoindront-elles le palmarès tant convoité ? La candidature sera étudiée lors de la 46e session du Comité du patrimoine mondial de l’Unesco qui se tient à New Delhi, en Inde, du 21 au 31 juillet 2024.
Si les Îles Marquises rejoignent le palmarès tant convoité, l’archipel polynésien deviendra le sixième site ultramarin classé et le deuxième en Polynésie après le site de Taputapuātea, à Raiatea. La candidature du bien mixte « Te Henua Enata – les Îles Marquises » porte sur la combinaison de valeurs culturelles et naturelles exceptionnelles de l’archipel, l’un des plus isolés de tout continent et un haut lieu pour la conservation de la biodiversité terrestre et marine du Pacifique.
En plus de ces paysages exceptionnels (crêtes volcaniques acérées, aiguilles phonolitiques et falaises maritimes abruptes), « le bien apporte également un témoignage exceptionnel sur les extraordinaires facultés d’adaptation d’une civilisation humaine, arrivée par la mer vers l’an mil, qui s’est développée sur ces territoires insulaires et isolés jusqu’au contact avec les Européens et l’annexion de l’archipel par la France en 1842, décrit le Ministère de la Culture. Liée intimement à son environnement naturel et adossée à de nombreux récits, mythes et légendes, cette civilisation est caractérisée par l’occupation spatiale et symbolique des chefferies installées au sein des vallées, le développement des arts lithiques et l’émergence d’une architecture domestique et cérémonielle monumentale ».
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À deux semaines du résultat tant attendu, on donne la parole à Anatauarii Tamarii, archéologue et responsable de la cellule « Patrimoine culturel » à la Direction de la Culture et du Patrimoine de Polynésie française. Il coordonne le volet culture de la candidature des Marquises sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco.
M.D : La candidature du bien mixte « Te Henua Enata – les Îles Marquises » sera étudiée par le Comité d’évaluation de l’Unesco dans environ deux semaines, à partir du 21 juillet lors de sa quarante-sixième session. Êtes-vous confiant ?
Anatauarii Tamarii : Oui, je suis confiant. Nous avons travaillé dur pour préparer un dossier solide qui met en valeur la richesse culturelle et naturelle des Îles Marquises. Cette candidature est avant tout un projet de société, auquel a participé, chacun à son échelle, l'ensemble de la population marquisienne. Notre candidature repose sur des arguments bien étayés, et nous avons reçu des retours positifs de divers experts. Nous sommes optimistes quant à l’issue de cette session.
C’est une candidature un peu particulière puisqu’elle porte sur plusieurs îles et sur un patrimoine à la fois naturel et culturel… Quels joyaux marquisiens sont mis en avant dans cette candidature ?
Cette candidature est mixte en série, ce qui signifie qu'elle répond à des critères à la fois culturels et naturels et qu'elle concerne plusieurs îles de l'archipel, et non pas un seul site en particulier. Sur le plan culturel, nous avons des sites archéologiques uniques et des traditions ancestrales encore vivantes. Sur le plan naturel, les paysages spectaculaires, la biodiversité terrestre et marine, ainsi que des espèces endémiques font partie des trésors que nous voulons protéger et mettre en lumière. La candidature présente également la particularité de proposer un périmètre terrestre et maritime pour permettre de préserver les ressources à la fois terrestres et maritimes.
Le dossier de candidature a été déposé le 24 janvier 2023 mais c’est l’aboutissement d’un long processus initié par les élus des différentes îles, les Hakaiki, dans les années 90… Pouvez-vous m’expliquer l’origine et les motivations de cette candidature ?
L’idée de cette candidature remonte en effet aux années 90, initiée par les élus locaux et les Hakaiki. Leur motivation principale était de préserver et valoriser le patrimoine exceptionnel des Marquises, tout en promouvant un développement durable. Cette initiative visait également à sensibiliser la population locale et internationale à la nécessité de protéger ces trésors pour les générations futures.
L’Assemblée a décidé, en avril dernier, de retirer sa proposition de résolution qui devait soutenir les Îles Marquises. Cette candidature a-t-elle aujourd’hui le soutien de l’Assemblée et du président Moetai Brotherson ?
L’Assemblée a effectivement retiré sa première proposition de résolution en raison, notamment, du besoin exprimé par certains propriétaires terriens d'être renseignés sur les enjeux de cette candidature. C'est pour cette raison qu'une mission d'information a été organisée du 7 au 13 mai dernier par Madame Eliane Tevahitua, qui était alors Vice-présidente du Pays et ministre de la Culture. À cette occasion, nous avons eu l'opportunité de parcourir les six îles habitées de l'archipel afin de rencontrer tous les récalcitrants au projet. Depuis, l'Assemblée a bien adopté une résolution de soutien à la candidature du dossier marquisien (résolution n°2024-2 R/APF en date du 24 mai 2024). Quant au Président et à son gouvernement, ils avaient déjà apporté leur soutien en adoptant un vœu de soutien par arrêté pris en Conseil des ministres du 9 février 2024.
En octobre dernier, des experts du Conseil international des monuments et des sites (ICOMOS) et de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) se sont rendus dans plusieurs îles des Marquises. Quel avis ont-ils rendu ?
Les experts de l’ICOMOS et de l’UICN ont rendu un avis préliminaire positif, soulignant l’exceptionnelle valeur culturelle et naturelle des Marquises. Ils ont également formulé des recommandations pour renforcer certains aspects du plan de gestion et assurer une meilleure conservation des sites. Leurs retours sont très encourageants et nous ont permis d’ajuster notre dossier en conséquence.
L’Office français de la biodiversité, le Pays et la Communauté de communes des îles Marquises ont élaboré un plan de gestion du bien, élément essentiel du dossier d’inscription. Que contient-il ?
Le plan de gestion s'est construit de façon démocratique. Nous avons organisé plusieurs ateliers de travail sur l'ensemble des six îles habitées de l'archipel afin de recueillir les paroles des populations locales. L'idée était de produire un plan de gestion et d'identifier des actions qui soient le reflet de la réalité. Ce plan de gestion s'est construit autour de trois principes : une gestion participative et inclusive vis-à-vis des populations locales ; une gestion délocalisée aux Marquises et une gestion évolutive, car les menaces d'aujourd'hui ne seront certainement pas les mêmes de demain.
En définitive, le plan de gestion comporte 24 actions réparties en quatre objectifs stratégiques. Ces actions incluent des mesures pour la protection et la conservation des sites naturels et culturels, des programmes de sensibilisation et d’éducation pour la population locale, ainsi que des initiatives pour promouvoir un tourisme durable. Il prévoit également des actions pour la surveillance des écosystèmes et la préservation des espèces endémiques.
Comment la population des différentes îles a participé à l’élaboration de ce dossier ?
La participation de la population a été essentielle. Des consultations publiques ont été organisées dans toutes les îles pour recueillir les avis et suggestions des habitants. Des ateliers et des réunions ont permis d’impliquer activement les communautés locales, les associations culturelles et les experts en biodiversité. Leur contribution a enrichi le dossier et renforcé l’engagement collectif envers ce projet.
L’inscription des Marquises à l’Unesco en juillet apporterait quoi à la Polynésie française ?
L’inscription apporterait une reconnaissance internationale de l’importance de notre patrimoine, ce qui renforcerait la fierté et l’identité culturelle des Marquisiens et de tous les Polynésiens. Cela attirerait également un tourisme de qualité, respectueux de l’environnement, et pourrait générer des retombées économiques positives tout en sensibilisant le monde à la nécessité de protéger ces sites uniques.
Les îles Marquises bénéficient d’une flore et d’une faune terrestre et marine uniques et originales. Relativement préservées, elles ne sont pas tout de même pas épargnées par les conséquences de l’activité humaine et les effets du changement climatique. Cette candidature est-elle un moyen de protéger ces écosystèmes ?
Absolument. La candidature vise à renforcer les mesures de protection et à attirer des financements pour la conservation. L’inscription au patrimoine mondial de l’Unesco aiderait à mettre en place des initiatives plus robustes pour lutter contre les menaces environnementales, à promouvoir des pratiques durables, et à sensibiliser la communauté internationale aux défis climatiques auxquels nous sommes confrontés.
Le Fonds Vert s’est engagé à financer des différentes actions de préservation. Pouvez-vous me donner des exemples ?
Le Fonds Vert est d'une importance cruciale, car c'est grâce à lui que la Communauté de communes des îles Marquises (CODIM) a pu recruter un chef de projet pour trois ans, chargé de la mise en œuvre des premières actions du plan de gestion. C'est aussi grâce à ce Fonds Vert que vont être financées les premières actions du plan de gestion. Ces actions incluent des mesures pour la protection et la conservation des sites naturels et culturels, des programmes de sensibilisation et d’éducation pour la population locale, ainsi que des initiatives pour promouvoir un tourisme durable.