L'Institut d'Émission d'Outre-Mer (IEOM), chargé de la politique monétaire dans la zone du franc Pacifique, a annoncé une augmentation de ses taux d’intérêt directeurs de 15 points de base le 22 septembre dernier. Cette décision fait écho à la récente hausse de la Banque centrale européenne (BCE) pour la zone euro (+25 points). Bien que moins significative, elle n'en demeure pas moins susceptible d'avoir un impact sur le coût des crédits en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et à Wallis-et-Futuna. Pour éclairer cette décision et ses implications, nous avons interrogé Ivan Odonnat, Directeur général de l'IEOM.
Outremers360 : Pouvez-vous expliquer les raisons qui ont conduit à cette nouvelle augmentation des taux directeurs de l'IEOM ?
Ivan Odonnat : Depuis plus d’un an déjà, la lutte contre la hausse de l’inflation dans le monde, dans la zone euro, et aussi dans les collectivités françaises du Pacifique passe par un relèvement des taux d’intérêt directeurs des banques centrales. Ces taux directeurs sont ceux qui permettent d’orienter le coût du crédit et la rémunération des dépôts bancaires. Cette politique porte ses fruits, puisque l’inflation s’infléchit, dans des proportions variables certes selon les zones. Dans la zone euro, l’inflation reste significativement supérieure à l’objectif de 2% en rythme annuel, mais le point haut semble avoir été passé. Dans la zone franc Pacifique, la baisse est sensiblement plus marquée avec un glissement annuel des prix à la consommation qui atteint 2,2% en Polynésie française et 0,6 % en Nouvelle-Calédonie à fin août. Il est encore de 5,0 % à Wallis-et-Futuna fin juin, dernière donnée disponible.
Justement, l’inflation a récemment baissé dans les COM du Pacifique, pourquoi continuer à relever les taux d’intérêt sachant que cela peut avoir un impact négatif sur les entreprises et les ménages qui voient leurs coûts d'emprunt augmenter ?
La décision de relever les taux directeurs en lien avec la décision de la BCE s'explique par le taux de change fixe auquel le franc CFP est arrimé à l'euro dans un cadre où les capitaux circulent librement entre la zone franc Pacifique et le reste du monde. Lorsque la BCE offre des taux d'intérêt plus élevés, la zone euro devient plus attractive en termes de rémunération pour les placements financiers.
Pour que les capitaux bancaires ne sortent pas de la zone Pacifique, il est au minimum nécessaire d’aligner le taux de la facilité de dépôt de l’IEOM sur celui de la BCE. C’est ce que nous avons fait en augmentant nos taux de 15 points de base seulement, contre 25 points de base pour la BCE, dans la mesure où l’écart initial était de 10 points de base.
Il ne s’agit pas de peser sur la demande des entreprises et des ménages, mais de veiller à ce qu'ils puissent disposer de financements bancaires en quantité suffisante et dans de bonnes conditions financières. En réalité, notre décision contribue à préserver la stabilité financière dans la zone franc Pacifique en stabilisant la liquidité bancaire, ce qui est essentiel pour soutenir le financement de l'économie dans son ensemble.
Comment sont prises en compte les spécificités des collectivités françaises du Pacifique dans ces conditions ?
Nous sommes extrêmement attentifs aux évolutions de la conjoncture économique et aux conditions de financement dans la zone. À mi-2023, nous constatons des situations différentes selon les collectivités. La Polynésie bénéficie d'un climat des affaires bien orienté, induisant une demande de crédit soutenue. La Nouvelle-Calédonie se heurte aux difficultés persistantes du secteur du nickel de sorte que la reprise amorcée en 2022 s’essouffle. À Wallis-et-Futuna, la situation conjoncturelle est mitigée, la consommation et l'investissement se maintiennent à un niveau satisfaisant, mais l’emploi stagne.
Notre objectif est de maintenir de bonnes conditions de financement. Nous maintenons un coût de refinancement des établissements de crédit, inférieur à celui de la zone euro à maturité égale. En outre, nous avons augmenté les ressources apportées aux banques de la place en juillet puis en septembre avec deux nouvelles lignes de refinancement de 20 milliards de francs CFP chacune intégralement souscrites par les établissements de crédit de la zone.
Déclaration de politique monétaire de l’IEOM :