Accord de Bougival - Nouvelle-Calédonie : Que contient le projet de loi constitutionnelle ?

©Julien Mazzoni / Les Nouvelles Calédoniennes

Accord de Bougival - Nouvelle-Calédonie : Que contient le projet de loi constitutionnelle ?

Lors de la mise en place du comité de rédaction ce jeudi au haut-commissariat, Manuel Valls a présenté les textes juridiques qui permettront de traduire l’accord de Bougival, notamment le projet de loi constitutionnelle qui porte création de l’État de la Nouvelle-Calédonie et fixe la consultation de février 2026. Son élaboration doit se faire « dans un calendrier contraint », a souligné le ministre des Outre-mer. Explications de notre partenaire Les Nouvelles Calédoniennes.

Les provinciales en 2026

Il s’agit d’un préalable « indispensable », a déclaré Manuel Valls devant les représentants calédoniens lors de l'installation du comité de rédaction au haut-commissariat, ce matin : celui de reporter les élections au mois de juin 2026, comme s’y « sont engagés l’ensemble des partenaires signataires de l’accord de Bougival », alors qu'elles devaient se tenir avant le 30 novembre 2025.

Une proposition de loi organique, déposée en ce sens au Sénat, doit être examinée en commission des lois le 17 septembre et en séance le 23, avant de passer devant les députés à l’Assemblée nationale, ce qui laisse « espérer une promulgation à la mi-octobre ».

Un projet de loi constitutionnelle qui crée un État de la Nouvelle-Calédonie

La deuxième étape concerne le projet de loi constitutionnelle (PJLC). C’est celle qui « conditionne toutes les autres ». Le PJLC est en effet « incontournable » pour avancer dans la mise en œuvre de l’accord de Bougival et « indispensable » pour créer l’État de Nouvelle-Calédonie et fixer son statut dans la Constitution.

Le nouveau nom de « État de la Nouvelle-Calédonie » sera inscrit partout dans la Constitution où le territoire est mentionné, notamment dans le titre XIII (actuellement occupé par l’accord de Nouméa, en principe transitoire). Le PJLC détermine également les domaines qui dépendront de la Loi organique spéciale (LOS) ou de la Loi fondamentale (LF). Le projet de loi constitutionnelle donne enfin « une pleine valeur constitutionnelle à l’accord de Bougival » tout en « conservant » celle de l’accord de Nouméa. 

Manuel Valls a insisté sur ce point ce matin : « le préambule de l'accord de Nouméa demeure en vigueur et conserve sa valeur constitutionnelle, tout comme ses dispositions qui ne sont pas contraires à l'accord de Bougival, garantissant ainsi la continuité des principes fondateurs liés à l'identité kanak et au développement économique et social ».

Une consultation en février 2026

Le projet de loi constitutionnelle permet aussi la tenue de la consultation sur l’accord de Bougival avant le 28 février 2026 – « et, je l’espère, son approbation », a glissé le ministre des Outre-mer -, inscrite dans l’article 76 de la Constitution. Les Calédoniens qui pourront y participer sont ceux inscrits sur la liste référendaire. À noter que seul cet article entrera en vigueur après la promulgation du projet de loi constitutionnelle. Les autres dispositions ne s’appliqueront qu’à la seule condition que l’accord soit adopté. 

Quel est le rôle de la loi organique spéciale (LOS) ?

L’article 77 crée la loi organique spéciale. La LOS devra déterminer la liste des institutions calédoniennes ; la répartition des compétences entre les institutions et l’État ; les modalités selon lesquelles les compétences exercées par l’État pourront être transférées à l’État de la Nouvelle-Calédonie (résolution à la majorité qualifiée de 36 membres du Congrès, mise en place d’un comité de travail, consultation des Calédoniens, etc.) ; les conditions d’exercice de la compétence des relations internationales transférée à la Nouvelle-Calédonie, « dans le respect des engagements internationaux de la France et des intérêts fondamentaux de la Nation » ; les conditions dans lesquelles l’État associe celui de la Nouvelle-Calédonie à l’exercice de ses compétences régaliennes ; les règles d’organisation et de fonctionnement des institutions (un domaine partagé avec la loi fondamentale) ; les règles relatives à l’emploi et au statut civil coutumier ; les conditions dans lesquelles l’État de la Nouvelle-Calédonie peut transférer des compétences aux provinces.

La loi fondamentale pour la nationalité et le code citoyenneté

C’est l’article 78 qui accorde la possibilité au territoire de se doter d’une Loi fondamentale (LF), à condition qu’elle soit adoptée par le Congrès. Son domaine « réservé et exclusif » porte :

- sur les signes identitaires de l’État de la Nouvelle Calédonie ;

- la charte des valeurs calédoniennes ;

- les conditions de résidence et d’intégration nécessaires à l’acquisition de la nationalité calédonienne (qui est elle-même instituée par l’article 79) ;

- un code de la citoyenneté calédonienne.

Ce texte – « qui a une autorité supérieure à celle des autres actes des institutions » - devra être adopté à la majorité qualifiée des trois cinquièmes des membres du Congrès et pourra être révisé selon les mêmes termes.

Certains domaines partagés entre la Loi organique spéciale et la Loi fondamentale, comme la répartition des compétences entre les institutions, leurs règles d’organisation et de fonctionnement, etc., seront répartis plus tard, lors de la rédaction de la Loi organique spéciale. C’est elle qui fixe « les grands principes », quand la Loi fondamentale a la charge de les décliner.

Enfin, le corps électoral pour les provinciales sera encadré par l’article 80 dans la Constitution en raison de « sa plus grande sensibilité juridique ».

Un calendrier « contraint »

Les représentants calédoniens présents ce matin au haut-commissariat lors de la mise en place du comité de rédaction ont discuté de l'ensemble de ces sujets : les délégations de l'UNI, de Calédonie ensemble, de l'Éveil océanien, des Loyalistes, du Sénat coutumier, de Pascal Vittori au titre de l'Association française des maires, ainsi que du sénateur Georges Naturel.

Mais, tout cela doit se faire « dans un calendrier contraint », a souligné Manuel Valls, car le Conseil d'État doit être saisi en début de semaine prochaine au sujet du projet de loi constitutionnelle pour une présentation en Conseil des ministres le 17 septembre. « Ce n'est qu'à cette condition que le texte pourra être débattu au Sénat début novembre et à l'Assemblée nationale en décembre. Et seule une adoption définitive du PJLC en décembre permettra la consultation des Calédoniens en février. »

La marge de manœuvre est étroite. « S'accorder sur la rédaction du PJLC » constitue donc « l'urgence aujourd'hui ». Une nouvelle réunion du comité de rédaction est prévue samedi 23 août.

Anne-Claire Pophillat pour Les Nouvelles Calédoniennes