En Polynésie, le rapprochement avec l'Azerbaïdjan ne fait pas l'unanimité chez les indépendantistes

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En Polynésie, le rapprochement avec l'Azerbaïdjan ne fait pas l'unanimité chez les indépendantistes

Jeune cadre du Tavini Huira’atira, parti indépendantiste de Polynésie, Tematai Le Gayic s'est ouvertement opposé au rapprochement entre les partis indépendantistes ultramarins, dont le sien, avec le Groupe d’Initiative de Bakou, organisation proche du régime azéri, en froid diplomatique avec Paris, allié historique de l’Arménie. Une position en contradiction avec le fondateur du parti, Oscar Temaru, qui assume ce rapprochement.

Un « sursaut ». C’est ce qu’appelle de ses vœux Tematai Le Gayic dans une tribune publiée sur sa page Facebook ce mardi matin, et relayée par nos partenaires de Radio 1 Tahiti. L’ancien député, aujourd’hui représentant indépendantiste à l’assemblée, y prend position contre les « relations antagonistes entre certains cadres du Tavini et l’Azerbaïdjan ».

Pas pour « légitimer les exagérations de certains responsables politiques » qui profitent de ces liens, explorés par le parti et par plusieurs autres mouvements indépendantistes ultramarins depuis 2023, pour « corrompre les idéaux progressistes et manipuler l’opinion publique ». Mais pour sortir ces mouvements du « piège géopolitique et opportuniste dans lequel l’Azerbaïdjan souhaite nous conduire ».

Un piège dont personne, y compris parmi les cadres du Tavini qui ont noué ces relations, n’ignore vraiment le dispositif : « Sous couvert de coopération et de soutien aux mouvements souverainistes, ce régime autoritaire tente de s’immiscer dans les luttes progressistes et décoloniales ultramarines », décrit le jeune élu rappelant le contexte de tensions diplomatiques entre Bakou et Paris. « Or, l’Azerbaïdjan ne défend en rien les valeurs progressistes et décoloniales, il les exploite. S’allier à ce régime, c’est trahir ses propres idéaux ».

Le régime de Bakou, c’est une « dictature ultranationaliste où les opposants politiques sont emprisonnés, les médias censurés et les manifestations interdites », un régime qui « méprise les droits des peuples autochtones et percute les minorités », notamment les chrétiens du Haut-Karabagh. Ainsi, « en se posant en champion de l’anticolonialisme, Bakou ne fait que recycler un discours qu’il ne s’applique jamais à lui-même ». Un « écran de fumée destiné à masquer son propre impérialisme et ses ambitions expansionnistes ».

Pour Tematai Le Gayic, qui pourrait tenter de reconquérir son siège de député en cas de nouvelles législatives anticipées, et à qui certains prêtent des ambitions pour les prochaines municipales, l’heure est donc, pour les indépendantistes, à la « lucidité » : « On ne peut réclamer l’émancipation en s’alignant aux côtés d’une dictature ». Comme une réponse à Oscar Temaru, qui estimait, ce lundi encore, que l’Azerbaïdjan était surtout une porte d’entrée vers les 145 pays du mouvement des non-alignés et donc vers le concert des nations, il conclut : « le concert des nations autour d’idées progressistes, oui, les alliances contre nature, non ».

Jeudi et vendredi dernier, des représentants de mouvements indépendantistes de plusieurs territoires ultramarins, dont la Polynésie, et de Corse se sont réunis en Nouvelle-Calédonie pour le congrès constitutif du « Front international de décolonisation ». L'événement a été relayé, sur ses réseaux sociaux, par le Groupe d’Initiative de Bakou, une organisation promue par l'État azerbaïdjanais très impliquée dans le soutien aux mouvements indépendantistes ultramarin. 

Ce congrès a été dénoncé par plusieurs responsables politiques de l’Hexagone, dont Manuel Valls, ainsi que les mouvements politiques ultramarins favorables au maintien des territoires dans la République. Ce mercredi, 91 députés d’Ensemble pour la République, dont les députés Nicolas Metzdorf (Nouvelle-Calédonie) et Moerani Frébault (Polynésie), ont déposé un projet de résolution dénonçant l’ingérence de l’Azerbaïdjan dans les Outre-mer.

Avec Radio 1 Tahiti