En Nouvelle-Calédonie, le casse-tête des élections européennes

©Charles Baudry / Outremers360 (archives)

En Nouvelle-Calédonie, le casse-tête des élections européennes

Les 222 831 électeurs de l’archipel en proie aux violences depuis le 13 mai sont appelés aux urnes dimanche pour les élections européennes. L’État a en effet souhaité maintenir le scrutin, malgré les nombreux défis et critiques.

Le carburant manque toujours par endroit en Nouvelle-Calédonie, où le ravitaillement des stations-services est rendu compliqué par les nombreux barrages qui entravent toujours la chaussée. La chaîne d’approvisionnement n’est pas encore totalement rétablie, et de nombreux produits restent rationnés dans les magasins et boulangeries, devant lesquels les files d’attente commencent à se former bien avant les heures d’ouverture.

Sporadiquement, des affrontements ont encore lieu entre opposants à la réforme du corps électoral, à l'origine des tensions, et forces de l’ordre dans Nouméa et sa banlieue. Mais dimanche, les Calédoniens comme les autres électeurs français seront bien invités à départager les 38 listes candidates aux élections européennes.

« Ces élections vont se tenir normalement, je dirais sur 90% du territoire calédonien », a assuré la ministre déléguée aux Outre-mer, Marie Guévenoux, sur Radio France Internationale, mercredi, tout en reconnaissant que du fait de « la situation en termes d’ordre », les électeurs « n’auront pas forcément la tête à aller voter » lors d’un scrutin qui rassemble déjà peu. En 2019, à peine 20% des électeurs s’étaient déplacés aux urnes. Et c’est la liste du Rassemblement national qui y était arrivée en tête avec 27,3% des suffrages exprimés.

Bureaux de vote regroupés

Le haut-commissaire de la République, Louis Le Franc, a annoncé jeudi « avoir reçu de nouveaux renforts de gendarmes mobiles pour sécuriser le scrutin », alors que l’archipel compte déjà plus de 3 500 gendarmes, policiers et militaires. Ils seront « en capacité d’agir en quelques minutes en cas de besoin », a-t-il assuré.

Les 296 bureaux de vote du territoire ont été regroupés en seulement 50 lieux, d’une part pour simplifier l’acheminement du matériel électoral et des urnes, mais aussi, principalement dans Nouméa et sa banlieue, parce que plusieurs écoles et bâtiments municipaux qui abritent habituellement ces bureaux ont été pillés ou incendiés.

Pour savoir où voter, les électeurs devront s’adresser à leur mairie, « vendredi ou samedi, lorsque l’arrêté fixant les bureaux de vote sera publié », a précisé le secrétaire général du haut-commissariat, Stanislas Alfonsi. Quant aux procurations, et bien que le courrier ne soit plus distribué depuis le 14 mai dernier, le haut-commissariat assure que « l’ensemble des dispositions nécessaires sont mises en œuvre pour qu’elles soient acheminées vers les mairies ».

A Dumbéa-sur-mer, commune très touchée par les exactions de ces dernières semaines, les 26 bureaux de vote seront regroupés sur deux sites. La mairie regrette toutefois « le manque de souplesse de l’État. On avait demandé que les bureaux soient ouverts de 08h à 16h, de réduire le nombre d’assesseurs, on n’a pas été entendus ».

Le scrutin sera ouvert de 07h à 17h, le code électoral prévoyant au minimum 10 heures d’ouverture. « Ceux qui vont participer au dépouillement vont donc rentrer chez eux de nuit, après le couvre-feu (fixé à 18H00), avec les risques que cela comporte ». Cinq communes ont « fait remonter le fait qu’elles s’inquiétaient de rencontrer des difficultés à organiser le scrutin ou qu’elles étaient concernées par sa sécurité », a reconnu Stanislas Alfonsi.

Dans un communiqué publié mercredi, le comité exécutif de l’Union calédonienne, le principal mouvement indépendantiste, avait alerté sur « un manque de sécurité que l’État ne peut pas garantir », laissant aux 13 maires UC (sur 33 communes) le choix « d’apprécier les situations locales en toute responsabilité ».

« Surréaliste »

« C’est une situation insurrectionnelle, un début de guerre civile, Il n’y a aucune liberté publique essentielle qui soit restaurée. Dans cet environnement, il faut organiser des élections. Cette phrase-là, elle n’a pas de sens », regrette le député Renaissance Philippe Dunoyer. « Probablement que ça aurait entraîné des difficultés juridiques d’une telle nature qu’il faut quand même les organiser, mais c’est l’illustration du décalage qu’il y a entre la perception de notre situation dans l’Hexagone et la réalité. C'est surréaliste, parce que ça ne correspond pas à l’urgence ».

Selon les derniers chiffres de la Chambre de commerce et d’industrie, 600 entreprises ont été détruites depuis le début du soulèvement. 7 000 personnes sont au chômage total, et 1 salarié sur 4, soit 15 000 personnes, risque de se retrouver au chômage partiel. Les dégâts matériels sont estimés à plus d’un milliard d’euros.

Avec AFP