Esclavage : À La Réunion, le Département vote une motion contre les « propos affligeants » d’un responsable RN

Mémorial des esclaves de La Réunion, inauguré le 20 décembre 2000 aux Avirons ©Musée de Villèle

Esclavage : À La Réunion, le Département vote une motion contre les « propos affligeants » d’un responsable RN

Les conseillers du Département de La Réunion ont adopté, à l’unanimité, deux motions contre les « propos affligeants » d’un responsable du Rassemblement national, qui avait remis en cause la commémoration de la Fête de la Liberté, le 20 décembre, marquant sur l’île l’abolition de l’esclavage. Des propos qui ont suscité un tollé sur l’île, jusque chez les candidats RN aux Législatives.

« Aujourd’hui, on ne doit plus parler d’esclavage » a déclaré le secrétaire départemental du Rassemblement national à La Réunion, Johnny Payet, appelant à « laisser le passé au passé ». Interrogé par Réunion La 1ère, le responsable du parti d’extrême était interrogé par un auditeur sur la position RN sur l’esclavage, alors qu’au Parlement européen, le groupe, dont Jordan Bardella, avait voté contre la reconnaissance de l’esclavage de crime contre l’humanité.

« Je ne fête pas le 20 décembre, parce que je dis à mes petits-enfants que l’esclavage, c’est fini. C’était une façon de vivre avant, il y a des années et des années. Quand on dit qu’on commémore l’abolition de l’esclavage, c’est toujours ans l’idée de faire un petit rappel en disant « attention, vous êtes des descendants d’esclaves » », ajouté l’élu RN, également maire de la Plaine-des-Palmistes.

Il n’en fallait pas davantage pour scandaliser élus et représentants de la société civile réunionnaise, à commencer par son propre camp, à une dizaine de jours du premier tour des Législatives. « Ses propos n'engagent que sa personne » a répondu Jean-Luc Poudroux, candidat RN, dénonçant des « déclarations aussi absurdes qu'aberrantes », qui « méritent condamnation et réprobation, d'autant qu'elles ne sont portées ni par le Rassemblement National, ni par ses candidats engagés sur les législatives ». Un agacement partagé par un autre candidat RN de l’île.

A gauche, la plateforme réunionnaise qui comprend notamment la maire PS de Saint-Denis, Ericka Bareigts, a fustigé des « propos irresponsables et dangereux pour notre vivre-ensemble ». « Non l’esclavage n’était pas un style de vie choisi mais une période de l’histoire subie ! Renier notre histoire coloniale et esclavagiste, en s’opposant à notre devoir de mémoire, c’est nier la libération de plus de 60 000 êtres humains à La Réunion ».

De son côté, la députée sortante de la 4ème circonscription, Emeline K/Bidi (GDR), s’est dite « en colère ». « Les masques tombent. Nous sommes Réunionnais, nous n’oublions pas, c’est notre histoire ». « Ces propos sont totalement scandaleux » a ajouté Ghislaine Mithra-Bessière, présidente de l'association Rasin Kaf. « Il ignore deux choses. Premièrement, son ascendance et sa propre histoire. Et ensuite, il ignore la loi. Nous, en tant qu'association, nous sommes en mesure et même en droit, de porter plainte contre les propos de Johnny Payet ».

Pour le président du Département, étiqueté à droite, les propos du maire de la Plaine-des-Palmistes sont « une remise en cause de la célébration de l’abolition de l’esclavage à La Réunion ». Cyrille Melchior a fait adopter à l’unanimité deux motions, l’une soutenant la « Fet Kaf » du 20 décembre, l’autre dénonçant les propos de l’élu RN. La polémique a aussi retenti jusqu’aux Antilles, où le président de la Fédération socialiste dénonce « des propos intolérables » et « cette volonté de nier l’histoire qui coule dans nos veines et qui a fait de nous des sociétés métissées, multicolores et multiculturelles ».