Droit international et interne, monnaie, finances publiques : Retour sur la première journée des discussions sur les conséquences du oui et du non à l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie

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Droit international et interne, monnaie, finances publiques : Retour sur la première journée des discussions sur les conséquences du oui et du non à l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie

Les délégations calédoniennes sont entrées dans le dur des restitutions des travaux sur les conséquences du oui ou du non au référendum d’indépendance, ce jeudi au Ministère des Outre-mer. Le ministre Sébastien Lecornu a salué un « vrai dialogue à trois » lors de cette journée.

« Aujourd'hui, il y a un vrai dialogue à trois, un échange entre l'État et les délégations et surtout un échange entre les délégations », a confié Sébastien Lecornu aux journalistes jeudi soir, alors que les échanges ont continué bien au-delà des horaires prévus, ajoutant qu' « il y a des chemins qui s'ouvrent ». Un dialogue long et apaisé, qui a duré plus longtemps que prévu, censé éclairer le référendum binaire qui se profile, comme l’a souhaité Sébastien Lecornu devant l’Assemblée nationale mardi.

Les conséquences du futur référendum d'autodétermination en Nouvelle-Calédonie sur le droit international et interne, la monnaie, les accords commerciaux, le nickel, et les finances publiques ont été examinées jeudi au ministère des Outre-mer par les délégations politiques venues de Nouvelle-Calédonie. Les échanges doivent reprendre ce vendredi, sur les conséquences de la fin de l’accord de Nouméa sur les autres territoires du Pacifique, ainsi que sur l’éducation, la santé, les transports et la sécurité.

Lors du troisième et dernier référendum dans le cadre de l’accord de Nouméa, « a minima, si on n'arrive pas à sortir du binaire (entre le oui et le non, NDLR), ce sera du binaire beaucoup plus éclairé, par rapport au précédent référendum », a insisté Sébastien Lecornu. 

Jeudi matin, au sortir d'une de ces séances de travail avec des techniciens des ministères concernés, Gil Brial, vice-président de la province Sud, avait jugé « positive »   cette première matinée de travail, apportant « des précisions claires sur les conséquences de l'indépendance, notamment sur la nationalité, sur le gel du corps électoral qui doit prendre fin si le non l'emporte ». « C'est important pour nous de pouvoir préciser toutes ces choses-là, de mettre les indépendantistes face à leurs contradictions et de montrer que le oui à l'indépendance a des conséquences fortes pour la Nouvelle-Calédonie et pour ses habitants », avait-il ajouté.

Ces échanges font suite à de premiers entretiens mercredi entre le Premier ministre Jean Castex et les responsables politiques de Nouvelle-Calédonie, au début d'une semaine de discussions organisée à Paris entre indépendantistes et loyalistes. Leur dialogue est difficile, alors que la date même du troisième référendum sur l'indépendance fait débat pour les non indépendantistes. Le gouvernement n’avait cependant pas prévu d’acter la date du référendum, réservant l’organisation du scrutin à un format plus élargi, celui du comité des Signataires. 

L'exercice qui consiste à exposer l'état du droit ne s'applique que dans la perspective d'une victoire du non, a expliqué jeudi le député UDI Philippe Dunoyer, membre de la délégation non indépendantiste Calédonie ensemble. « Si un nouvel État devait surgir en cas de victoire du oui », l'ensemble de ces questions serait « totalement conditionné à la volonté de ce nouvel État. Donc l'exercice est quand même un peu compliqué. Du coup, ça nécessite, dans cette hypothèse, que l'État précise clairement ce qui est possible et impossible ».

Le document de travail présenté par le gouvernement permet d'officialiser les questions auxquelles les acteurs politiques calédoniens devront répondre en cas de victoire du oui ou du non au référendum. « Dans l'hypothèse de l'indépendance, le nouvel État cherchera-t-il à conclure un ou des traités de partenariat ou d'associations ? Si oui avec quel(s) pays ? Quels seraient, dans ce cas, les liens du nouvel État avec la France, avec l'Union européenne ? », formule-t-il par exemple.

L'accès à l'espace Schengen, les intentions des acteurs politiques sur le sujet de la nationalité, le modèle économique du nouvel État et la monnaie qu'il utilisera, mais aussi l'équilibre des comptes sociaux et fiscaux, et l'ordre public seront les sujets à aborder en priorité en cas d'indépendance.

Mais en cas de victoire du non, et alors que l'accord de Nouméa touche à sa fin, l'État devra trouver de nouveaux modes de fonctionnements avec l’archipel, et pour commencer se poser la question du maintien du corps électoral restreint et du partage des compétences entre l'État et la Nouvelle-Calédonie. « Les différentes formations politiques peuvent-elles réaffirmer (...) leur refus explicite de la partition du territoire ? », interroge également le document.  

Dévaluation de la monnaie et baisse du pouvoir d’achat

« C’est la première fois que l’État est claire sur les conséquences d’une monnaie calédonienne et il faudra donc s’attendre à une dévaluation du pouvoir d’achat de 50% avec une monnaie qui ne serait plus affiliée à l’euro », a expliqué le maire de La Foa et fondateur du jeune parti Génération NC, Nicolas Metzdorf. « Cela veut dire qu’on paiera les importations deux fois plus cher qu’on paie aujourd’hui, sachant qu’on importe quand même 80% de ce qu’on consomme et ça serait réduire également de 50% notre pouvoir d’achat, nos salaires ». 

Selon le jeune élu, « les indépendantistes ont beaucoup écouté, beaucoup écrit, beaucoup noté. On attend de savoir ce qu’ils vont proposer, ils n’ont pas emmené de contre-arguments ce qui démontre la pauvreté d’une solution autre que pouvoir rester dans la France ». 

« Vision politique »

Du côté des indépendantistes justement, on salue des échanges de « qualité ». « L’Union calédonienne trouve la justification de s’être déplacée à Paris après cette première journée d’échanges. On avait besoin d’information et ce sont des chiffres que nous demandons depuis longtemps. L’État les livre de manière très libre ce qui fait que la qualité des échanges », a déclaré Gilbert Tyuienon, membre de la délégation UC. 

Il a toutefois émis des réserves sur le thème des finances publiques. Le document des conséquences du oui et non rappelle en effet que les transferts de l’État vers la Nouvelle-Calédonie représentent 180 milliards de Fcfp. Mais pour l’élu, « quand on pose les chiffres de manière brutale comme ça, on ne prend pas en compte la réalité du pays », estimant que l’essentiel de ces transferts est alloué à la rémunération des fonctionnaires d’État. 

« Ce n’est pas essentiellement une question d’argent qu’il s’agit, il s’agit de vision politique. Certes le fait que ce territoire est français, ça coûte tant, nous sommes d’accord mais cela, c’est de la responsabilité de l’État. On veut garantir la même qualité de service mais faire autrement », a-t-il conclu.

Avec AFP.