Croisière : les grandes ambitions de la compagnie du Ponant en Polynésie

©Ponant / Paul Gauguin

Croisière : les grandes ambitions de la compagnie du Ponant en Polynésie

Le Paul Gauguin, vaisseau amiral de Ponant en Polynésie, s’apprête à partir pour Singapour pour s’offrir un relooking. Il reviendra mi-mai à Papeete, et la compagnie complètera ensuite son offre en Polynésie, avec l’arrivée du Jacques Cartier pour cinq mois en septembre 2026. Une opération qui sera renouvelée pendant plusieurs années. Mais les projets ne s’arrêtent pas là, puisque Ponant souhaite développer son offre en Polynésie avec, pourquoi pas, des catamarans. Nos partenaires de Radio 1 Tahiti se sont entretenu avec Olivier Narcy, directeur commercial de la compagnie chargé, entre autres, de la région.

Vous avez récemment annoncé un important chantier sur le Paul Gauguin. Il s’agit d’un bateau que vous souhaitez voir naviguer encore longtemps en Polynésie ?  

Oui, le plus longtemps possible. Ces investissements ont vocation à faire demeurer le navire dans sa zone de prédilection, et on n’aspire absolument pas à changer de zone de déploiement pendant quelques années, et même de très nombreuses années. C’est assez dépendant de la contrainte réglementaire sur les émissions de C02 notamment, et aujourd’hui on va être mis à jour pour de très nombreuses années, grâce au très important chantier qui va être effectué pendant un mois et demi sur le Paul Gauguin. Ça nous permet de remettre à jour la cartographie technique du navire, et ça nous permet aussi de savoir qu’on va pouvoir l’exploiter pour de nombreuses années sur la Polynésie, et il n’est pas question de déployer le Paul Gauguin ailleurs.

Il a tout de même bientôt 30 ans…

L’avantage d’un navire qui a cet âge-là est que son amortissement est déjà largement effectué. Donc en termes de rentabilité, d’un point de vue strictement économique, c’est une opération qui est tout à fait bénéfique pour Ponant. Donc on n’aspire absolument pas à se séparer de ce navire. La seule contrainte qu’on a avec un navire qui peut avoir une trentaine d’années -et on l’a vu avec le Ponant, notre voilier emblématique qui date du début des années 90- c’est la performance écologique et technologique, mais avec cet arrêt, ça va être remis à jour.

Quels vont être les changements apportés au bateau ?

Nous avions la volonté de moderniser son image. C’est un navire iconique au sein de l’offre de croisière du Ponant, emblématique de la Polynésie française. On voulait lui donner un petit coup de jeune, et puis nous avons saisi l’opportunité d’une refonte technique, technologique majeure, avec une modernisation d’une bonne partie des machines. Cet arrêt technique va durer très longtemps, 45 jours, c’est trois fois la durée moyenne pour un navire de notre flotte. Donc on s’est dit, tant qu’à faire, on va refaire aussi le design pour lui donner un petit coup de jeune.

Pourquoi aller faire le chantier à Singapour ?

C’est une question d’installations sur place, de pouvoir bénéficier des bonnes compétences techniques, technologiques. C’est une question aussi d’habitude. On a des relations de fidélité avec nos chantiers. Il s’agit du même prestataire qui s’occupe du Paul Gauguin depuis qu’il est chez nous. C’est très important, sur un navire qui est unique dans sa catégorie, de faire intervenir les mêmes expertises. La relation de confiance est très, très importante avec un chantier, on leur confie énormément d’argent, notre bébé, je dirais. On ne veut prendre aucun risque. Donc c’est un mix, je dirais économique de savoir-faire, de maîtrise de certaines technologies, qui fait que Singapour était la meilleure opportunité pour nous.

Après cet arrêt, le navire va revenir mi-mai. Pour une reprise de l’activité classique ?

On reprend avec nos circuits habituels, ceux qu’on a l’habitude de commercialiser sur le Paul Gauguin et qui ont conquis une clientèle particulièrement fidèle. Nous n’avons pas besoin de faire évoluer ces circuits, car ce sont des best-sellers, très clairement. Ils sont unanimement reconnus, nos clients sont très satisfaits.

Comment expliquer la fidélité de la clientèle du Paul Gauguin ? Est-ce son image ?

C’est son image, mais c’est avant toute chose l’image de la Polynésie française auprès de la clientèle. L’ambiance à bord est très particulière, nos équipages à bord sont largement responsables de ce succès, c’est ce qui fait la différence. Ensuite, selon les produits, nous avons un mix de passagers qui évolue entre une clientèle majoritairement nord-américaine ou une clientèle majoritairement européenne. Ça dépend beaucoup de la durée de la croisière et ça dépend aussi des escales et notamment du passage aux Marquises.

Pour faire simple, on a une majorité de clients qui sont Européens, et notamment métropolitains français, sur les croisières qui font les Marquises, qui sont des croisières de quatorze nuits. Et on a une majorité de clients de clients américains, nord-américains ou asiatiques, sur les croisières de 7 nuits, qui font les Tuamotu et les îles de la Société. Donc c’est vraiment une habitude de consommation de produits de croisière qui est assez différente selon la clientèle, mais qui se complète très bien sur ce navire. Cela nous permet de naviguer avec des taux de remplissage qui sont excellents sur le Paul Gauguin, tout au long de l’année.

Le groupe Ponant a aussi annoncé sa volonté de positionner le Jacques Cartier en Polynésie pour quelques mois en 2026. Est-ce que le calendrier est toujours d’actualité ?

Plus que jamais. Nous allons ouvrir les ventes pour le Jacques Cartier en avril prochain, soit à peu près un an et demi avant la date de son arrivée sur zone. Il arrivera très précisément le 22 septembre 2026 à Papeete, pour rester en Polynésie jusqu’au 20 février 2027. Pendant ces cinq mois-là, on va faire les îles de La Société, les Australes, les Gambier… On va aussi faire les Marquises sur des produits différents, mais complémentaires de ce qu’on peut offrir sur le Paul Gauguin, c’est-à-dire quasi exclusivement des croisières de quatorze jours. Donc des croisières un petit peu plus longues que les sept nuits ou les dix nuits qu’on peut avoir sur le Paul Gauguin, et des croisières typées exploration, comme on sait si bien faire chez Ponant.

C’est un navire qui va davantage répondre à la demande du marché européen, même si nos camarades du marché américain sont particulièrement excités à l’idée d’avoir ce navire-là sur zone. Il est beaucoup plus moderne, plus récent, avec un esprit à bord qui est différent de ce qu’on peut avoir sur Paul Gauguin. C’est une offre vraiment complémentaire. L’offre hôtelière est ce qu’elle est en Polynésie, on sait que les navires de croisière sont un beau complément d’offre. De notre point de vue, et c’est partagé par beaucoup de professionnels dans l’industrie du tourisme, c’est la meilleure façon de visiter la Polynésie. Vous avez l’opportunité de changer d’île tous les jours et c’est quand même assez exceptionnel.

Le Jacques Cartier va rester cinq mois, est-il question de positionner, à terme, un autre bateau qui pourrait rester plus longtemps en Polynésie ?

C’est un coup d’essai, mais un coup d’essai éclairé de notre part. On sait sensiblement à quoi s’attendre d’un point de vue réservation et performance commerciale et économique, car on connaît très bien la région. Notre ambition, c’est de répéter le déploiement d’un navire sur zone pendant l’hiver septentrional (la saison chaude en Polynésie, ndlr) pendant 5 ou 6 mois. Donc le Jacques Cartier, ou un autre, devrait revenir en 2027 et 2028, entre septembre et février. Ce positionnement ne va pas changer.

Et puis nous avons des projets, on aimerait bien augmenter la capacité sur la Polynésie. Nous avons notamment un catamaran, le Spirit of Ponant, qui vient d’être livré aux Seychelles. Cette gamme de navires que nous avons lancée cet été, on aimerait la développer : s’il y a un deuxième catamaran, on envisage de le déployer en Polynésie française, une région dans laquelle on aimerait exploiter des navires à voile.

Autre projet, le Swap2Zero, qui est le premier navire à zéro émission carbone. La Polynésie française fait partie des régions dans lesquelles on pourrait le déployer. D’autant qu’il n’y a pas tant d’endroits dans le monde dans lesquels on peut opérer un navire de croisière à voile.

Vous jugez donc le contexte local favorable au développement de la croisière… 

Il est extrêmement favorable. Nous avons beaucoup de demandes, des marchés qui poussent très fort sur la Polynésie comme la Grande-Bretagne ou l’Allemagne, et les États-Unis n’en parlons pas. C’est un marché qui est très porteur, donc on a envie de développer notre offre sur la région.

Il n’y a pas de freins identifiés ?

Au contraire, au contraire, il y a même beaucoup d’avantages. Dans le cadre de l’éventualité du déploiement d’un catamaran sur zone, on est en train de travailler sur les avantages fiscaux qui peuvent être offerts et c’est particulièrement intéressant. Le Pays a vraiment compris l’intérêt qu’il avait à accompagner les compagnies de croisière et les investisseurs. J'ai eu la chance fin janvier d’être sur zone et d’échanger avec le président Brotherson, il y a une ambition sur le développement du tourisme qui correspond à notre ambition de développer l’offre de croisière dans la région. Les enjeux économiques et touristiques sont particulièrement compris.

Et dans les îles, trouvez-vous suffisamment d’offres pour toucher toute votre (future) clientèle ?

On bénéficie de l’expertise du Paul Gauguin, donc nous avons toutes les connexions utiles nécessaires avec les réceptifs, les acteurs locaux, pour avoir une offre qui permette de répondre à toutes les attentes : plongée, immersion dans la nature, rencontre avec la population locale. On a une excellente connaissance du maillage territorial. C’est une région facile pour nous. D’autres endroits, comme les régions polaires, sont beaucoup plus compliquées pour opérer un navire de croisière. En Polynésie c’est particulièrement plaisant de développer une offre.

Propos recueillis par Waldemar de Laage pour Radio 1 Tahiti