Biodiversité: Ces espèces exotiques envahissantes devenues symboles locaux en Outre-mer

Biodiversité: Ces espèces exotiques envahissantes devenues symboles locaux en Outre-mer

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Le premier rapport de l’UICN sur les espèces exotiques envahissantes réalisé à l’échelle de tout l’outre-mer révèle que 49 espèces figurant parmi les 100 plus envahissantes au monde sont présentes dans les collectivités françaises ultramarines. Parmi celles-ci, des espèces reconnues comme endémiques. Tour d’horizon.

L’hortensia à La Réunion, le cerf rusa en Nouvelle-Calédonie, encore le racoon (raton laveur) en Guadeloupe, qu’elles soient végétales ou animales, font partie désormais de la faune et la flore locale des territoires. Pourtant, ces espèces sont en réalité des espèces exotiques envahissantes. « Plusieurs espèces, parfois parmi les plus envahissantes, sont jugées utiles et profondément ancrées dans les cultures, d’autres ont une valeur économique ou sociale importante » souligne l’étude de l’UICN.

Le tulipier du Gabon (Spathodea campanulata) aux belles fleurs rouges, planté comme arbre d’ornement et d’ombrage dans la majorité des collectivités tropicales d’outre-mer est l’une des espèces les plus envahissantes au monde et envahit particulièrement les vallées de Tahiti. Le paradoxe est qu’au même moment des sommes considérables sont dépensées dans le monde pour lutter contre ces plantes. « L’aménagement du territoire comme le verdissement des bords de routes, des ronds points, des espaces publics est essentiellement réalisé à base d’espèces exotiques ornementales sélectionnées pour leurs critères esthétiques et économiques, parfois même pour leur caractère de robustesse et de croissance rapide (cas des plantes de couverture pour la stabilisation des talus routiers) sans prendre en considération leur potentiel envahissant ».

Fleurs du Tulipier du Gabon © DR

Fleurs du Tulipier du Gabon © DR

Conflits d’intérêts

Une situation qui cause des conflits d’intérêts. C’est le cas notamment des plantes ornementales envahissantes qui opposent ceux qui en font le commerce et les gestionnaires et conservateurs de la nature. « Par exemple, l’hortensia (Hydrangea macrophylla), a été planté dans les années 1970 à La Réunion le long des pistes forestières mais il est devenu hautement envahissant. La population ne comprend pas toujours pourquoi cette espèce, qui à un moment donné a fait l’objet de campagnes de promotion, doit être aujourd’hui contrôlée », précise l’UICN.

Certaines espèces exotiques, introduites par l’homme, ont même acquis le statut d’emblèmes locales qui font de l’objet de  protection. En Nouvelle-Calédonie, le cerf rusa a pris une si grande importance culturelle, nutritionnelle et économique qu’en 1957 Barrau et Devambez écrivaient déjà que « nul Néo-calédonien, qu’il soit Européen ou autochtone, ne concevrait, aujourd’hui, son île sans cerf : l’effigie de ce dernier figure sur les billets de banque… et sur bien d’autres symboles de la Nouvelle-Calédonie ».

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Un cerf rusa © Liné1

Autre cas particulier, celui du racoon (raton laveur en créole) qui est considéré comme une espèce protégée en Guadeloupe. Les populations de racoon, ou raton laveur, des Bahamas, de Barbade et de la Guadeloupe ont longtemps été considérées comme endémiques à chacune de ces îles (Procyon minor en Guadeloupe, Procyon maynardi aux Bahamas et Procyon gloveralleni aux Barbades). Mais des travaux de génétique, historiques et biogéographiques ont conclu que les ratons laveurs caribéens ne pouvaient pas être distingués du raton laveur nord américain Procyon lotor et qu’il ne faisait aucun doute que ces différentes populations ont été introduites depuis l’Est des Etats-Unis, il y a peut être plusieurs siècles. L’introduction du raton laveur en Guadeloupe daterait du début du 19ème siècle. « A la lumière de ces informations, les mesures réglementaires (espèce intégralement protégée) et l’image officielle (emblème du Parc National de Guadeloupe) donnée à l’espèce devraient être reconsidérées puisqu’il s’agit sans équivoque d’une espèce introduite et abondante dans son aire de répartition originelle et dont l’impact sur les écosystèmes n’est pas négligeable » indique le rapport de l’IUCN.

Un racoon (raton laveur) en Guadeloupe @Kurt Howard

Un racoon (raton laveur) en Guadeloupe @Kurt Howard

Pour rappel les espèces exotiques envahissantes sont l’une des principales causes de l’érosion de la biodiversité en outre-mer. D’après la liste la liste rouge de l’UICN, les EEE sont la deuxième cause d’extinction documentée d’espèces et la troisième menace à venir pour les espèces en danger d’extinction.

Un site internet pour recenser les espèces exotiques envahissante en Outre-mer

Développé dans le cadre de cette initiative, le site Internet permet l’accès à de nombreuses informations scientifiques, techniques et juridiques sur les espèces invasives qui menacent les écosystèmes et les espèces indigènes en outre-mer et sur les stratégies pour mieux les gérer. Pour cela, une base de données a été mise en place et permet de rechercher des informations sur près de 700 espèces introduites.
Conçu comme un véritable portail d’informations, il s’adresse à tous les acteurs concernés et impliqués dans la prévention et la gestion des invasions biologiques.