Avenir institutionnel en Nouvelle-Calédonie : Aucun accord politique mais « des points de convergence » selon Manuel Valls

©Anthony Tejero / Les Nouvelles Calédoniennes

Avenir institutionnel en Nouvelle-Calédonie : Aucun accord politique mais « des points de convergence » selon Manuel Valls

Pas de fumée blanche à l’issue du « conclave » de trois jours où les élus calédoniens se sont enfermés avec Manuel Valls pour tenter de parvenir à un accord global. Une « déception » pour le ministre des Outre-mer, qui défendait le projet d’une souveraineté partagée avec la France mais pour laquelle « les esprits ne sont pas assez mûrs ». Dans ce contexte, les provinciales devront se tenir d’ici la fin de l’année. Et ce, vraisemblablement, avec un corps électoral gelé. Explications de notre partenaire Les Nouvelles Calédoniennes.

Des négociations, mais pas de consensus entre les forces politiques

« Un accord était possible ». Le ministre des Outre-mer en était convaincu. Sauf que « nous devons constater avec franchise qu’aucun accord n’a été conclu » a annoncé, ce jeudi 8 mai, Manuel Valls, qui n’a pas caché sa « déception » y compris pour l’ensemble des Calédoniens « chez qui il y avait beaucoup d’espoir ».

Pour rappel, pendant trois jours, les élus calédoniens ont été réunis autour du ministre en « conclave » au Sheraton de Deva, à Bourail. Alors qu’elles devaient s’achever mercredi à midi, les négociations avaient finalement joué les prolongations et durer jusque tard dans la nuit de mercredi à jeudi (heure locale). Malgré leur opposition, aucun groupe politique (parmi le FLNKS, l’UNI, le Rassemblement, les Loyalistes, l’Éveil océanien et Calédonie ensemble) n’a quitté la table. 

Une « avancée majeure » que tient néanmoins à souligner Manuel Valls. « Le débat s’est poursuivi de manière respectueuse pour tenter de rapprocher les points de vue instaurant un niveau de dialogue qui n’avait pas eu lieu depuis longtemps », insiste le ministre, rappelant ainsi avoir essayé, en vain, « de relever les défis de la mise en œuvre de l’autodétermination et de la fin du processus de décolonisation, tout en intégrant évidemment les résultats des trois référendum ».

Fédéralisme ou souveraineté partagée, les deux projets étudiés

Au cours de ce « conclave », deux projets ont été posés sur la table et « examinés en profondeur » en vue de constituer le socle d’un éventuel accord, les « autres hypothèses » étudiées en amont « ne permettant pas de dépasser les divergences ».

Tout d’abord la vision défendue par l’intergroupe Loyalistes-Le Rassemblement, à savoir un fédéralisme au sein de la République française. Il s’agissait de mettre en place progressivement des statuts différents selon les territoires du Caillou, avec des conditions d’un partenariat ou d’un statut d’État-associé pour les provinces Nord et des Îles Loyauté et celles d’un système fédéral pour la région sud, qui aurait alors été redécoupée.

Mais pour le ministre d’État, ce système qui « reposerait sur un fédéralisme et une souveraineté interne asymétriques » serait de nature à « mettre en cause l’unité et l’indivisibilité de la Nouvelle-Calédonie, protégées par l’Accord de Nouméa et notre Constitution ».

L’autre proposition défendue par Manuel Valls repose sur la souveraineté avec la France. Et ce, à travers un transfert et une délégation immédiate des compétences régaliennes à la Nouvelle-Calédonie (défense, sécurité, monnaie, justice), mais aussi à travers l’instauration d’une double nationalité (française de droit et calédonienne), l’établissement d’un statut international « à l’issue d’un délai à déterminer et à négocier ». Le tout « ancré » dans la Constitution française.

« Notre proposition, qui reste une base sérieuse, permettait de garder un lien structurel, solide et pérenne entre la France et la Nouvelle-Calédonie et de régler le dossier du corps électoral, la question du droit à l’autodétermination et de sortir du processus de décolonisation », estime Manuel Valls, pour qui « face aux évolutions du monde et de la France », ce « compromis fructueux » aurait « offert garantie et protection à tous les Calédoniens »

Le ministre d’État en est néanmoins convaincu : cette souveraineté partagée « sera un jour la solution », d’autant plus que « les indépendantistes ont fait un pas en avant ». Mais « les esprits ne sont pas encore mûrs », analyse Manuel Valls.

Quels points de convergence entre les élus ?

Sans surprise, avant de repartir vers l’Hexagone, Manuel Valls tient à mettre en avant les « points de convergence » identifiés au cours de ce conclave, mais qui ne peuvent s’incarner que dans le cadre d’un accord global, dont la perspective s’éloigne de nouveau. Des compromis et consensus ont donc été établis dans divers domaines. En voici quelques exemples :

  • Renforcement de l’exercice de la compétence en matière de relations internationales, notamment dans l’espace régional et dans le champ de la coopération économique.
  • Évolution de la compétence en matière de sécurité qui pourrait faire l’objet d’un partage pour mieux adapter son exercice aux réalités locales tant à l’échelle provinciale (police provinciale) que dans les tribus et les districts (police coutumière).
  • Renforcement progressif des capacités d’expertise et d’action dans les domaines régaliens, notamment par la formation et la montée en compétences de cadres calédoniens.
  • Renforcement du pouvoir fiscal des provinces.
  • Transformation du Congrès en Parlement de la Nouvelle-Calédonie, avec 54 membres et une nouvelle répartition des sièges entre les provinces qui évoluerait « afin de mieux refléter les dynamiques démographiques tout en préservant les équilibres institutionnels ».
  • Renforcement de l’autonomie et des compétences des communes, notamment en matière d’urbanisme et de fiscalité locale.

Des élections provinciales en 2025

Le report ou la tenue du scrutin provincial en 2025 était suspendu aux conclusions de cette séquence de négociations. Or sans accord, ces élections devront bien avoir lieu avant la fin de l’année. Et ce, « conformément au cadre juridique actuellement en vigueur », comprenez dans un corps vraisemblablement toujours gelé. Bien que ce sujet fera, à n’en pas douter, l’objet de vifs débats ces prochaines semaines.

Quelle suite donner à ces négociations ?

Provinciales en 2025, municipales en 2026, présidentielles en 2027… Le calendrier électoral et national s’accélère désormais, ce qui ne constitue pas un terreau favorable à l’émergence d’un accord. Toujours est-il, les « avancées » de ces derniers mois ne doivent pas rester lettre morte, insiste le ministre qui annonce la création d’un comité de suivi de ces travaux. Par ailleurs, une mission interministérielle sous l’autorité du Premier ministre sera mise en place « aux côtés » de Manuel Valls « pour coordonner l’ensemble de l’action de l’État pour la Nouvelle-Calédonie ».

Car pour Manuel Valls, qui a à plusieurs reprises déclaré que ce sera « un accord ou le chaos », l’absence de compromis à l’issue de cette séquence « laisse un vide lourd de menaces » pour le pays. « Je reste inquiet (..) et la tenue des prochaines élections provinciales dans ce contexte peut amener à la radicalisation des prises de position et des discours. J’invite chacun à la retenue. Les braises sont toujours là », avertit-il. 

« Mais je ne me résoudrai jamais à une spirale destructrice. Je continue et je continuerai à œuvrer pour éviter le retour de la violence et faciliter le dialogue. […] C’est en nous appuyant sur l'histoire partagée que nous construirons, malgré les difficultés d’aujourd’hui, ce destin commun dans lequel je crois toujours profondément ».

Anthony Tejero pour Les Nouvelles Calédoniennes