Les délégations indépendantistes et non indépendantistes calédoniennes ont clôturé cette semaine de négociations parisiennes sur l’avenir institutionnel de l’archipel par une ultime réunion avec Gérald Darmanin, puis un échange avec le président de la République, Emmanuel Macron. Indépendantistes et non indépendantistes repartent avec, outre un projet d’accord, un calendrier et une méthode.
Mercredi, après un discours d’ouverture de cette semaine de discussions sur l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie par la Première ministre, indépendantistes et non indépendantistes recevaient des mains de Gérald Darmanin un « projet d’accord ambitieux », « nourri des différentes propositions des groupes politiques, des nombreux échanges avec la population calédonienne et d’un important travail d’expertise juridique effectué par les services de l’État ».
Ce projet accord contient six thématiques : le statut de la Nouvelle-Calédonie au sein de la République, les institutions locales, le corps électoral et la citoyenneté calédonienne, l’exercice de l’autodétermination, les compétences, les mesures économiques et financières, les mesures d’application de l’accord. Et après deux jours de discussions clôturées ce vendredi à Beauvau puis à l’Élysée, indépendantistes et non indépendantistes repartent avec un calendrier et une méthode.
En détail, les délégations doivent poursuivre les discussions localement, en trilatérales comme en bilatérales, enrichir et amender le document selon leurs propres propositions, trouver des points de convergences et de divergences à éluder lors de la visite prochaine du ministre de l’Intérieur et des Outre-mer, en octobre. L’objectif reste d’arriver à un accord en novembre pour une réforme constitutionnelle au premier trimestre 2024, février ou mars.
Et à l’issue de ces « avancées significatives », des mots mêmes de l’Élysée, les délégations calédoniennes semblent satisfaites de cette semaine de discussions parisiennes. « On est passé à une autre étape » a en effet salué Sonia Backès, la secrétaire d’État à la Citoyenneté, présidente de la province Sud et tête de file Les Loyalistes. « On va pouvoir commencer à travailler sur le fond, avec un calendrier précis (…). On doit arriver à des points d’accords et à identifier les points de désaccords », a-t-elle ajouté.
Du côté de Calédonie Ensemble, on salue « l’engagement du Président de la République ». « Il a réitéré les axes donnés à Nouméa », explique Philippe Gomès, citant le Pacte de Nouméa, reposant sur « un chemin de pardon et un chemin d’avenir ». « On va devoir faire preuve d'intelligence ensemble pour, d’ici la fin de l’année, construire le consensus sur un accord global et ambitieux. (…) On a la capacité à passer des compromis, à trouver des équilibres, tout le monde sait qu’on doit converger » a-t-il insisté.
« On est au début de ce chemin de convergence et dans trois mois, on sera arrivé à la convergence totale qui permettra de dégager l’avenir des Calédoniens et instaurer une nouvelle histoire entre la France et la Nouvelle-Calédonie pour les décennies à venir », estime-t-il encore. Pour l’ancien député UDI, le corps électoral, parmi les sujets les plus sensibles, « est lié à la citoyenneté, ce n’est pas seulement une durée ». « C’est un contrat de confiance fait de droits et devoirs. C’est de savoir comment on appartient collectivement à ce pays », ajoute-t-il.
Le président UC-FLNKS du Congrès évoque, plus qu’une durée, « un code de la citoyenneté calédonienne ». « On mettra en place une citoyenneté calédonienne si on élargit les critères pour y accéder ». Si mercredi et aujourd’hui encore le gouvernement s’était réjoui de réunir les partenaires politiques en trilatérales, Roch Wamytan lui, nuance : « Nous avons eu nos bilatérales normales et le gouvernement nous a rassemblé pour présenter ce document qui résume les positionnements des uns et des autres. Aujourd’hui, après les réactions des groupes, il a fait une restitution de chaque groupe ».
Pour Roch Wamytan, pas question non plus d’accélérer le pas. « Le gouvernement a accepté que cela (les discussions avec les non indépendantistes en Nouvelle-Calédonie, ndlr) se passe après nos Congrès (Union calédonien, Palika, RDO, FLNKS, ndlr). Tous les éléments que nous avons glanés pendant cette semaine vont nous permettre d’aller devant nos instances, de leur exposer ces éléments, et ensuite, commencer les négociations, les points sur lesquels on peut avancer vont être présentés aux congrès pour savoir si on peut avancer ou s’il faut reculer », a-t-il développé.
« Nous avançons, mais nous avançons à petits pas » a ajouté Roch Wamytan qui appelle à « revenir sur ce qui a été le maître-mot de l’action des acteurs de l’accord de Matignon : maintenir la paix en Nouvelle-Calédonie ». Il demande aussi à ce que « l’État soit impartial et au service de tous ». Lundi, Gilbert Tyuienon, également membre éminent de l’UC, regrettait « les connivences politiques entre Les Loyalistes et le gouvernement ».
« C’est un texte où l’on se retrouve pour certaines dispositions, où on ne se retrouve pas pour d’autres », pèse de son côté Victor Tutugoro, actuel porte-parole du FLNKS et membre de l’UNI-Palika. « Le ministre Darmanin nous a demandé d’enrichir ce texte, le rédiger suivant notre proposition, pour ensuite entamer les véritables négociations lorsqu’il viendra en octobre », explique-t-il, espérant « trouver une porte de sortie honorable, gagnant-gagnant » de l’accord de Nouméa, et de cette période d’attentisme installée au lendemain du dernier référendum d’autodétermination.
Pour l’Élysée, qui a eu le dernier mot de cette série de rendez-vous liés à l’avenir institutionnel de l’archipel, l’appel au Pacte de Nouméa lancé par Emmanuel Macron en juillet dernier « a été entendu », et le chef de l’État a, selon son entourage, insisté sur la « nécessité d’arriver à cet accord pour s’engager » sur ce pacte. Emmanuel Macron aurait également dressé plusieurs priorités que les partenaires politiques calédoniens sont invités à prendre en compte : les réalités géopolitiques de la région, la reconnaissance des histoires de chacun, l’ouverture géopolitique avec une diplomatie renouvelée ou encore le droit à l’autodétermination.