Avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie : Élisabeth Borne appelle à « un accord politique » à l’issue des réunions parisiennes

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Avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie : Élisabeth Borne appelle à « un accord politique » à l’issue des réunions parisiennes

Les réunions à Paris sur l’Avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie ont officiellement débuté ce mercredi par un discours de la Première ministre, qui recevait les délégations politiques calédoniennes à Matignon. Élisabeth Borne « forme le vœu » que ces réunions débouchent sur « un accord politique ».

« Votre présence à toutes et tous ici est une étape importante. Je forme le vœu que de cette présence résulte un accord politique, qui sera le fondement de l’avenir institutionnel et politique de la Nouvelle-Calédonie » a déclaré la cheffe du gouvernement aux délégations politiques calédoniennes, indépendantistes et non indépendantistes, mais aussi aux acteurs du nickel, également présents à Paris pour tracer l’avenir de la filière.

« Je souhaite que les rencontres de cette semaine marquent des avancées, dans l’écriture d’une nouvelle page de l’histoire de la Nouvelle-Calédonie au sein de la République » a-t-elle aussi déclaré au début de son discours, « une histoire qui s’écrira dans un cadre renouvelé, au terme du processus politique prévu par l’accord de Nouméa ». Et pour écrire cette histoire, la Première ministre se base sur le « Pacte de Nouméa » défendu par le président de la République lors de son déplacement en Nouvelle-Calédonie. Un pacte à « deux chemins » : « le pardon et l’avenir ».

Sur le chemin du pardon, « le président de la République a invité le président Mapou à inventer, avec ceux qui sont prêts à se mobiliser, une démarche originale. Je sais que le Président Mapou fera des propositions en ce sens » a expliqué la ministre, qui appelle à « une démarche mémorielle, pédagogique et culturelle. Car c’est de l’histoire et du travail collectif de mémoire, que peut venir le pardon ».  « Il appartiendra à tous de recueillir les témoignages du passé. Toutes les institutions et tous les responsables pourront y prendre part. Cette démarche, il reviendra à tous les Calédoniens de se l’approprier ».

« Le chemin de l’avenir », explique la Première ministre, « c’est songer à ce que les Calédoniennes et les Calédoniens ont bâti avec la République, et à ce que nous allons construire ensemble, bien sûr au plan politique et institutionnel, mais aussi pour l’économie et le développement de la Nouvelle-Calédonie ». Et pour « donner corps à ce pacte », Élisabeth Borne a fixé comme « premier objectif » celui de « poser les bases de l’avenir institutionnel du territoire, dans le cadre de la République ».

Citant « les acquis des accords de Matignon et de Nouméa », « socle solide » mais pas « figée et immuable », la cheffe du gouvernement appelle à « corriger ce qui doit l’être, dans le consensus et dans le respect des équilibres indispensables à la stabilité des institutions calédoniennes ». « Le processus politique prévu par l’accord de Nouméa est allé à son terme. A partir de là, le statu quo n’est ni possible, ni souhaitable. Personne ne le veut », insiste-t-elle encore. Parmi les « sujets fondamentaux » qui devront faire consensus lors des réunions et des prochaines semaines qui viennent : l’exercice du droit à l’autodétermination, la citoyenneté calédonienne, le nouveau statut et le corps électoral. 

Sur le droit à l’autodétermination, « de valeur constitutionnelle », il s’agira « de trouver les voies et moyens pour qu’il puisse effectivement être exercé par le peuple de Nouvelle-Calédonie ». « Ce droit ne doit pas être théorique, ou rester une belle formule. (…) c’est le droit réel et concret, pour un peuple, de choisir son destin (…). C’est un droit éminemment politique, qui doit viser à rassembler plutôt que diviser », a-t-elle défendu en mettant en garde contre les « choix binaires » : « le processus d’autodétermination prévu par l’accord de Nouméa n’a pas permis de faire émerger un récit et un projet commun, que les communautés auraient pu partager ». « Nous devons donc garantir ce droit à l’autodétermination, mais en définir clairement les futures modalités, pour ne pas faire peser une incertitude permanente, de court terme, sur le devenir de la Nouvelle-Calédonie. Ce serait délétère pour son développement, pour le futur de sa jeunesse » a-t-elle poursuivi.

Dégel du corps électoral : « une évolution est impérative »

Sur la citoyenneté, « l’enjeu aujourd’hui, c’est redéfinir cette citoyenneté : ses contours et son contenu, sa forme et les droits qu’elle ouvre ». Pour Élisabeth Borne, la citoyenneté doit « s’enrichir » et ne pas se cantonner au droit de vote et à l’accès à l’emploi. « Ce sont, plus largement, des droits et des devoirs, des valeurs et le partage d’un destin commun. Toutes ces notions doivent être précisées, pour servir de base au destin commun de tous les Calédoniens ».

Pour le nouveau statut, la Première ministre a cité plus précisément les institutions calédoniennes et les éventuels transferts de compétences. Les institutions calédoniennes « ne sont pas parfaites et des ajustements sont sans doute nécessaires, pour un meilleur fonctionnement des différentes collectivités » a estimé Élisabeth Borne qui appelle au « recul », à la « réflexion » et à la « prudence » s’il est besoin de « modifier les équilibres institutionnels patiemment construits ». « Ils ont été des facteurs essentiels du retour à la paix civile ».

Convaincue « qu’il revient aux forces politiques de Nouvelle-Calédonie de dire leur vision des institutions, et de proposer de manière très concrète, les modifications qui pourraient améliorer le fonctionnement institutionnel du territoire », Élisabeth Borne s’est dite ouverte au débats des transferts de compétence, « avec des objectifs clairs : nous devons agir au service de nos concitoyens, en cherchant toujours, la meilleure efficacité de l’action publique, la simplicité normative et administrative, et la qualité des services publics ».

Enfin, sur le corps électoral, et plus précisément son dégel, Élisabeth Borne a appelé à « absolument avancer sur ce sujet » fixant une nouvelle fois les élections provinciales de mai 2024 comme échéances. « Le corps électoral d’un territoire, c’est un enjeu démocratique par excellence, et une évolution sur ce sujet est impérative » a-t-elle déclaré, rappelant la nécessité d’une réforme constitutionnelle pour le faire évoluer. « Je note qu’un point d’équilibre entre les partenaires paraît pouvoir être trouvé » s’est réjoui la Première ministre, tant le dossier du corps électoral est épineux.

Au-delà des sujets politiques, la cheffe du gouvernement s’est aussi exprimée sur le nickel, filière emblématique de l’archipel, mais qui rencontre des difficultés économiques, notamment sur la rentabilité des usines. Et alors que le marché des véhicules électriques est en plein essor, et que l’Europe dépend des approvisionnements principalement asiatiques, le président de la République, fidèle à son ambition de souveraineté industrielle, avait appelé les parties prenantes, économiques comme politiques, à repenser la stratégie d’avenir du nickel calédonien. Et l’enjeu est considérable : on estime que les capacités en nickel sur le territoire pourraient répondre à 80% des besoins des usines françaises de batteries.

« Si l’ensemble des acteurs acceptent d’inscrire la filière dans une stratégie renouvelée, avec le soutien de l’État, un retour à la profitabilité est alors possible » a estimé Élisabeth Borne. De son côté, « l’État répondra présent » a assuré la Première ministre, notamment sur un plan financier de transition énergétique de la filière et sur un « plan industriel, pour favoriser le développement d’une chaîne de valeur française des batteries, et l’émergence de partenariats indispensables entre les acteurs calédoniens et européens ».

Gérald Darmanin et Philippe Vigier en octobre en Nouvelle-Calédonie 

« Il est inenvisageable, surtout au vu de notre contexte de finances publiques, que le contribuable finance des usines si elles sont structurellement déficitaires, a fortiori si elles ne produisent qu’un nickel qui n’est pas centré sur nos besoins stratégiques et qu’elles n’ont pas un accès normal à la ressource » a-t-elle toutefois prévenu. « Notre message est donc simple : nous sommes prêts à nous engager pour la filière nickel en Nouvelle-Calédonie, mais chacun doit prendre sa part ».

Il s’agira notamment de « réorienter une partie de la production des usines vers les besoins de nos industriels, avec lesquels il faudra construire des partenariats stratégiques » ; « de rendre l’activité métallurgique compétitive » ; « que l’ensemble des acteurs partagent une approche commune, qui permette d’aligner leurs intérêts au bénéfice du territoire et des Calédoniens » ; ou encore d’ « améliorer la productivité de leurs exploitations et exploitent les synergies avec les autres acteurs de l’île ».

« Les défis qui nous attendent sont nombreux, et touchent à la fois à la mémoire, au fonctionnement des institutions et au potentiel de développement économique de la Nouvelle-Calédonie » a conclu Élisabeth Borne. À l'issue de ce discours à Matignon, les délégations politiques calédoniennes ont rejoint place Beauvau pour poursuivre les discussions avec le ministre de l'Intérieur et des Outre-mer. Ce dernier a annoncé avoir pu réunir indépendantistes et non indépendantiste en trilatérale autour de la même table. Il a aussi annoncé sa venue sur l'archipel en octobre, avec Philippe Vigier.