2013-2023 : dix ans du sommet des ministres de la Défense du Pacifique Sud, et une contribution significative de la France, selon l’IFRI

Exercice contre une attaque simulée à bord de la frégate Prairial en Polynésie ©Ministère des Armées

2013-2023 : dix ans du sommet des ministres de la Défense du Pacifique Sud, et une contribution significative de la France, selon l’IFRI

La réunion des ministres de la Défense du Pacifique Sud va se tenir à Nouméa en Nouvelle-Calédonie du 4 au 7 décembre 2023, sous l’égide du ministre des Armées Sébastien Lecornu, arrivé ce dimanche en Nouvelle-Calédonie (après s'être rendu aux Philippines le 2 décembre et avant la Malaisie le 8 décembre). C’est la première fois que la France accueille ce sommet. À cette occasion, la chercheuse à l’Institut français des relations internationales (IFRI) Céline Pajon, spécialiste de l’Indopacifique, publie une étude consacrée au bilan et aux perspectives d’avenir de ce forum.

 

La réunion des ministres de la Défense du Pacifique Sud (South Pacific Defence Ministers’ Meeting, SPDMM) fête ses dix ans cette année. Elle rassemble sept États membres : l’Australie, le Chili, les Fidji, la France, la Nouvelle-Zélande, la Papouasie-Nouvelle-Guinée et les Tonga, ainsi que trois États observateurs, États-Unis, Japon et Royaume-Uni. Plateforme de dialogue et d’échange de haut niveau, la SPDMM est l’unique enceinte ministérielle de sécurité et de défense du Pacifique Sud. À l’ordre du jour 2023 : le changement climatique et ses impacts, la préparation à l’intervention humanitaire des forces armées en cas de catastrophe naturelle et la sûreté des espaces maritimes et zones économiques exclusives des pays membres.

Pour la chercheuse Céline Pajon de l’IFRI, « la réunion du SPDMM à Nouméa est doublement symbolique : pour la première fois accueillie en France, elle est l’occasion de mettre en valeur la contribution française à la sécurité régionale ». La France est en effet le seul pays d’Europe à maintenir des forces armées permanentes dans le Pacifique Sud, avec quelque 2800 militaires répartis en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie.

Au-delà de ses missions traditionnelles (connaissance et anticipation, souveraineté, prévention des crises, sécurité civile et humanitaire, soutien logistique), « les forces françaises aident les nations du Pacifique insulaire à protéger leur très vaste territoire maritime. La France travaille par exemple avec l’Australie, les États-Unis et la Nouvelle-Zélande au sein du Quad Pacifique (Quadrilateral Defence Coordination Group), pour des missions de surveillance maritime et de lutte contre la pêche illégale au profit de l’Agence des pêches du Forum des Îles du Pacifique » 

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Pour la chercheuse, la France est pionnière sur le nexus climat-défense en ayant proposé dès le troisième SPDMM en 2017, de réaliser une étude sur l’impact du changement climatique sur la coopération en matière de défense dans le Pacifique Sud et le rôle des forces armées. « Publiée en 2019, l’étude coordonnée par la France et soutenue par le SPDMM examine l’impact du changement climatique sur la sécurité des infrastructures critiques et souligne que les moyens de gestion de crise et sécurité civile restent très insuffisants, rendant nécessaire l’intervention des forces armées en soutien. Le rapport appelle également l’attention sur l’importance de renforcer les moyens de prévision des catastrophes naturelles (…) ».

À Nouméa, les participants devraient donc évoquer la standardisation des procédures pour les opérations humanitaires, ainsi qu’un système de partage de l’information. Une réflexion sur la montée en compétences des pays membres en matière de cybersécurité et de protection des infrastructures critiques devrait être amorcée, tout comme l’opportunité de former les États insulaires du Pacifique à l’utilisation de drones aériens polyvalents pour les missions humanitaires et de transport en cas de catastrophe. En outre, « la France devrait travailler à opérationnaliser certaines des recommandations formulées dans l’étude de 2019 sur l’implication du changement climatique pour le Pacifique Sud », selon l’auteure de l’étude.

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En conclusion, Céline Pajon formule plusieurs recommandations à l’attention de Paris. Assurer un niveau de représentation élevé et constant : par le passé, ce niveau n'avait jamais été porté au niveau ministériel en présentiel. « Relever ce niveau de représentation dans la durée permettra de démontrer le niveau d’engagement et l’importance donnée au dialogue de défense avec les partenaires du Pacifique. (…) De même, il serait utile de disposer d’attachés de défense aux îles Fidji et en Papouasie-Nouvelle-Guinée, de façon permanente ». Respecter la Pacific Way : un mécanisme de consultations doit précéder toute décision, prise par consensus, avec comme priorité la lutte contre les effets du changement climatique en matière de sécurité.

Académie du Pacifique, impératif de coordination régionale : lors de son discours à Nouméa en juillet 2023, le président Emmanuel Macron avait annoncé la création d’une Académie du Pacifique, dont les contours restent encore à préciser. « Ce projet doit s’appuyer sur une série de consultations avec les PICs (Pacific Island Countries, États insulaires du Pacifique, ndlr) afin de mieux comprendre leur besoin de formation », estime la chercheuse. Enfin, il faudrait mieux communiquer sur les réalisations du SPDMM, qui demeure méconnu. « Une page internet centralisant les communiqués conjoints des réunions, les exercices du cadre Povai Endaveour et les initiatives issues du SPDMM, ainsi que les ressources comme l’étude conjointe de 2019 pourrait être utile pour remédier au manque de connaissance et de visibilité de ce forum », écrit Céline Pajon.

 

PM