« On aurait dit que c'était la fin du monde » : comme cette habitante de Saint-Denis, les Réunionnais restent dimanche sous le choc, deux jours après le passage dévastateur sur l'île du cyclone Garance, tuant quatre personnes.
L'heure est dimanche aux travaux de nettoyage et de déblaiement après le passage du cyclone et de ses vents à plus de 200 km/h. Garance est le deuxième cyclone de la saison dans l'hémisphère sud à avoir durement frappé un territoire ultramarin, précisément de l'océan Indien, après Chido en décembre dernier, qui a ravagé Mayotte.
Les réseaux électriques continuent d'être progressivement remis en route mais 90 000 personnes (21% des abonnés) restent privées d'alimentation, a indiqué dimanche en fin de journée la préfecture, précisant que l'alimentation était « entravée par la perte de 21 pylônes, détruits » par le vent.
L'accès à l'eau reste aussi perturbé, avec 65 000 personnes encore privées d'eau courante, selon la préfecture, qui a mis en place une cellule pour résoudre ce problème et déployé 60 citernes sur l'île. Téléphonie et internet sont aussi perturbés, obligeant la préfecture à disposer huit kits Starlink (kits satellitaires pour l'internet haut débit) sur le territoire.
« Tout est perdu ! »
La route du littoral reliant l'ouest au nord de l'île a été rouverte à la circulation dimanche à la mi-journée. Construite en partie sur la mer, cet axe majeur de circulation était fermé depuis jeudi soir. « Même si nous étions préparés, le cyclone a été très puissant », a souligné le ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau, dans Le Figaro dimanche.
Il a redit que « deux vagues de renforts nationaux sont prévues pour venir en aide à la population », avec une centaine de pompiers en provenance de Mayotte, acheminant cinq tonnes de matériel, ainsi qu'un escadron de gendarmerie avant lundi, « 100 personnels de la Sécurité civile » arrivant de l’hexagone.
Mais en attendant chez les habitants, le traumatisme est très présent. A La Colline, un quartier excentré de Saint-Denis difficilement accessible autrement qu'en véhicule tout terrain, une Réunionnaise confie, sous couvert de l'anonymat, avoir cru « ne plus jamais voir un autre jour ».
« On aurait dit que c’était la fin du monde, la rivière était en crue, la pluie tombait sans arrêt et le vent soufflait très fort », décrit-elle. « Regardez tout ça, nous n’avons plus rien, tout est perdu ! », lance-t-elle en montrant un amoncellement de tôles tordues, d’arbres arrachés et de détritus recouvert de boue qui s’étalent sur quelques centaines de mètres.
Son voisin, qui requiert aussi l’anonymat -« parce que je ne parle pas en mon nom propre, mais au nom de tout le monde »-, abonde dans son sens: « Des habitants ont dû se sauver eux-mêmes. Certains ont nagé pour survivre et se sont accrochés aux toits. Des bébés ont été placés dans des seaux et dans des paniers pour les protéger des eaux en furie ».
Après le cyclone, un épisode météorologique « brutal et puissant », l'île, qui compte plus de 880 000 personnes, reste « défigurée », selon les termes du préfet. De nombreuses localités, en plus des vents violents, ont été traversées par des coulées de boue provenant des rivières en crue ou des ravines se jetant dans l'océan.
« Il va y avoir beaucoup de travaux de remise en état : beaucoup de routes sont encombrées par des branchages, voire par des arbres en travers de la route, des routes sont inondées, des routes sont coupées, emportées, des ponts sont coupés », a prévenu dès vendredi le préfet de l'île, Patrice Latron.
Agriculture dévastée
Nombre d'habitants expriment leur colère. « Regardez tout ça, nous n’avons plus rien, tout est perdu ! », lance une habitante de La Colline en montrant un amoncellement de tôles tordues, d’arbres arrachés et de détritus recouvert de boue qui s’étalent sur quelques centaines de mètres.
Contactée par l’AFP, la mairie de Saint-Denis a assuré dimanche qu’un détachement de militaires des forces armées de la zone sud de l'océan Indien (FAZSOI) et l’élue municipale du secteur s'étaient rendus sur place à la mi-journée. Les militaires procèdent au déblayage, au nettoyage et à la sécurisation du quartier. Alimenté par le ronronnement des tronçonneuses et le raclement de pelleteuses sur les chaussées, un bruit de fond est audible dans plusieurs quartiers de Saint-Denis.
Dans le centre-ville de la préfecture de l'île, Marjorie Bénard, sabre en main, hache en morceaux une grosse branche qui obstrue l'entrée de son jardin. « Avec mon mari et les enfants nous n'arrêtons de tailler, hacher et balayer depuis samedi matin », raconte-t-elle à l'AFP. Elle se dit « un peu fatiguée » et « surtout préoccupée » : chez elle, deux baies vitrées ont volé en éclats sous la force des vents. « Maintenant on peut entrer dans la maison comme dans un moulin ». Le cyclone a aussi eu des conséquences dévastatrices pour l'agriculture réunionnaise.
« Ça fait bientôt 17 ans que j'habite ici. Et je n'ai jamais vu mon jardin comme ça un lendemain de cyclone », se désole Jean-Christophe Hoarau, qui cultive à L'Étang-Salé (sud-ouest) melons et concombres en serre. Tous ses arbres fruitiers ont été détruits. Il ne lui reste que ses cultures sous serres pour subvenir à ses besoins. Au total, il estime avoir perdu 75% de sa production.
Avec AFP