Série - Musées en Outre-mer : Le musée des Arts Décoratifs de l’océan Indien (MADOI) à La Réunion, témoin de l’art et de l’esthétique de l’Océan Indien à travers les siècles

©Annecy.Bonnefond

Série - Musées en Outre-mer : Le musée des Arts Décoratifs de l’océan Indien (MADOI) à La Réunion, témoin de l’art et de l’esthétique de l’Océan Indien à travers les siècles

A travers cette série, Outremers360 vous propose de partir à la découverte des musées en outre-mer : leur histoire patrimoniale, sociale et territoriale, leurs collections, leur programmation culturelle et leurs projets à venir. 

Cette semaine, Outremers360 vous ouvre les portes du musée des Arts Décoratifs de l’océan Indien. Labellisé Musée de France, le MADOI surplombe la commune littorale de Saint-Louis. Il est situé sur l’ancien domaine agricole de Maison Rouge, dernier domaine caféier du XVIIIe siècle parvenu jusqu’à nous avec son organisation spatiale. A travers une riche collection constituée de meubles, textiles, porcelaine de Chine et objets d’art, le MADOI propose aux visiteurs de parcourir l’océan Indien d’est en ouest du XVIe siècle jusqu’au début du XXe siècle.

Diplômée de l’université Paul-Valéry de Montpellier, Anne-Laure Garaïos est attachée de conservation du patrimoine. Quatre années au familistère de Guise, en tant que chargée des collections confirment son intérêt pour les lieux de mémoire patrimoniaux porteurs d’une histoire sociale et humaine. En septembre 2020, Anne-Laure Garaïos, intègre le MADOI en tant que directrice scientifique et en assure la direction depuis janvier 2023. Elle nous raconte l’origine du MADOI et nous partage sa vision des collections et d’expositions immersives.

©Annecy.Bonnefond

Le MADOI, témoin du brassage culturel dans l’océan Indien

Souvent opposés aux beaux-arts et aux arts appliqués, les arts décoratifs n’en restent pas moins les témoins d’une conscience de l’esthétique, du savoir-faire artisanal, du travail artistique des matériaux et des aspirations d’une société. Ils brassent à la fois la recherche d’un « beau » validé collectivement, l’envie d’être au goût du jour et d’appartenir à une communauté. C’est dans cet esprit qu’est née, dans les années 1980, l’idée de créer un musée des arts décoratifs à La Réunion. Le projet est alors porté par la municipalité de Saint-Louis et impulsé par la région.

Une équipe projet est alors chargée de constituer les collections. Les premières acquisitions sont le reflet des incursions maritimes des européens et de leurs influences dans le commerce et l’artisanat. Rapidement, les recherches se déplacent au-delà de La Réunion, dans tout l’océan Indien. « Des similitudes d’ornements et de vocabulaire apparaissent très nettement en raison de la position de l’île dans l’océan Indien », nous explique Anne-Laure Garaïos. Les collections alternent les styles Louis XIII, l’artisanat indien et des références chinoises, témoins du brassage culturel et de la diffusion des cultures, des arts et des techniques de fabrication dans l’océan Indien.

Expo Bestiaire ©Antonio Prianon

« Tous ces objets sont le reflet d’un mode de vie insulaire où le cannage est préféré au velours et où le bois de natte est privilégié dans l’ébénisterie. La ville de Saint-Louis est liée à l’histoire et à l’évolution du meuble créole qui participe de la promotion de la culture de l’artisanat à travers les décors de mobilier », précise Anne-Laure Garaïos. Par la suite, la région reprend la maîtrise d’ouvrage. Le domaine de Maison Rouge à Saint-Louis est privilégié comme lieu d’implantation. La ville acquiert ce domaine vieux de 300 ans qui se compose d’une maison de maître agrémentée d’une immense cour d’apparat, de plusieurs bâtiments destinés à l’exploitation et de quelques autres dépendances. Depuis l’ouverture du musée en 2008, les anciennes écuries accueillent les expositions temporaires.

Une programmation culturelle au carrefour de tous les arts

Depuis 2021, la programmation culturelle du MADOI s’est enrichie et diversifiée. Désormais, le musée propose chaque dernier vendredi du mois des nocturnes organisées selon trois moments : une visite de l’exposition temporaire, un apéritif découverte et un spectacle musical ou de danse.

Ces rendez-vous très prisés, affichent complet dès leur annonce. Le public est conquis. Il peut à la fois admirer des objets et découvrir des artistes dont le travail entre en résonnance avec le propos de l’exposition : « Lors de l’exposition Arts de l’Islam, un passé pour un présent, en partenariat avec le département des Arts de l’Islam du musée du Louvre, le public pouvait admirer des objets magnifiques et écouter des DJ franco-iranien et franco-marocain, assister à un spectacle autour de la danse orientale à travers différents tableaux à travers une sorte d’invitation au voyage » précise Anne-Laure Garaïos.

Expo Nocturne ©Antonio Prianon

Après le succès des deux dernières expositions sur les Arts de l’Islam et le Bestiaire du MADOI, animaux fabuleux, symboliques, sacrés qui a accueilli quelque 15 938 visiteurs, le musée proposera en septembre 2024 une exposition sur la porcelaine de la compagnie des Indes. Les visiteurs peuvent également découvrir la caféière replantée en Arabica, Bourbon pointu, sur plus d’un hectare.

Un musée en phase avec son époque

Le musée souhaite diversifier ses publics et propose des actions pédagogique coconstruites avec les enseignants de différents établissements scolaires de la maternelle à la terminale : « un professeur est détaché au musée et travaille avec les médiateurs pour adapter les contenus du musée aux programmes scolaires. Des journées de formation sont proposées aux enseignants durant lesquelles le musée présente son offre aux professeurs afin de les sensibiliser aux collections ».

Expo Islam ©Antonio Prianon

Un projet de réhabilitation et de revalorisation complète des 4,5 hectares du site est en cours avec pour objectif d’ouvrir un espace dédié aux expositions permanentes autour des thématiques de l’esclavage, des conditions des travailleurs agricoles, l’histoire de la région et de cette première agriculture spéculative. Il est ainsi prévu de restaurer la maison de maître du domaine. « Le domaine accueille un berger et abrite des plantes endémiques qu’il s’agit de mieux valoriser afin de transmettre un savoir-faire et s’inscrire dans une modernité au regard des nouveaux enjeux climatiques et économiques. Le musée doit s’inscrire dans son temps et évoluer en fonction des problématiques actuelles ». C’est tout l’enjeu des institutions muséales de se dessiner un avenir vert afin de pérenniser leurs missions culturelles et répondre aux enjeux de leur époque. Pour cela, Anne-Laure Garaïos peut compter sur le soutien de la Réunion des musées régionaux (RMR) qui assure la gestion du musée depuis 2013.

ZOOM sur La Réunion des musées régionaux (RMR) : Rencontre avec Emmanuelle Thuong-Hime, directrice générale de la Réunion des musées régionaux

La RMR est une société publique locale créée en 2013 et dont la Région Réunion est actionnaire majoritaire. Par délégation de service public, elle assure la gestion de quatre musées réunionnais : le MADOI et Stella Matutina à Saint-Leu, labellisés musées de France, la Cité du Volcan et Kélonia, le centre de soins des tortues marines.

Outre la mutualisation des fonctions supports traditionnelles, la RMR est chargée de suivre les publics, leur composition et leur typologie et de fournir des données de suivi. Elle coordonne des actions de développement commercial et de médiation. Elle laisse à chaque musée le soin de renforcer son identité propre et de concevoir sa programmation scientifique culturel événementielle et pédagogique en fonction de sa thématique, de ses publics et de son territoire d’implantation : « Il existe un effet de solidarité entre les structures. La RMR joue alors un rôle de facilitateur », nous explique Emmanuelle Thuong-Hime, directrice générale de la RMR.

Kelonia ©Antonio Prianon

Ainsi la RMR, dont le niveau de ressources propres atteint 33%, lui permet de pouvoir se projeter sereinement dans l’avenir. Plusieurs projets sont d’ores et déjà à l’étude : la réhabilitation du domaine de Maison Rouge au MADOI ; l’aménagement d’un parc paysager sur l’histoire des tortues terrestres sur l’île au centre Kélonia, l’aménagement d’espace d’accueil et de boutiques dans la Cité du Volcan. Le musée Stella Matutina a fait l’objet d’un programme de rénovation en 2015.

Plus globalement la RMR souhaite dynamiser l’attractivité des quatre sites, renouveler leur accueil et actualiser leurs contenus muséographiques en fonction des attentes du public : « La muséologie évolue et s’adapte aux nouveaux sujets de société. Le public a besoin de propos renouvelé sinon il ne revient pas ». La transformation des rapports aux savoirs et la reconnaissance de la pluralité des manières de connaître et participer à la culture nécessite une nouvelle approche muséale et de concevoir les expositions. 

Pour cela, la RMR envisage de nouer des partenariats durables sur le long terme, de fidéliser son public majoritairement réunionnais, d’innover et diversifier les rendez-vous culturels comme l’a fait la Cité du Volcan en transformant la fête d’Halloween en FET GRAN MER KAL, d’organiser des expositions de plus grandes ambitions en s’alliant avec d’autres structures culturelles sur l’île et de « construire des partenariats dans le temps avec l’institut régional du tourisme IRT de la réunion afin d’imaginer ensemble des circuits touristiques avec d’autre structure du territoire comme la route des musées et des jardins ».

Musée Stella ©StudioLumiere

Rendez-vous sur http://www.madoi.re ou www.museesreunion.re pour trouver les dernières informations du Musée des Arts Décoratifs de l'Océan indien (MADOI)

EG