L'Assemblée entame lundi l'examen en commission du projet de loi d'urgence pour Mayotte, premier texte présenté par le gouvernement Bayrou. Il devrait être adopté sans difficulté, car la sensible question migratoire n'y est pas abordée, remise à plus tard, au grand dam d'une partie des élus locaux et du RN.
Le texte vise à mettre en place en urgence des mesures pour la reconstruction de l'archipel après Chido, cyclone le plus dévastateur à Mayotte depuis 90 ans, et alors que le Département fait face aux inondations provoquées par la tempête Dikeledi. Le nouveau ministre des Outre-mer, Manuel Valls, introduira les débats de la commission des Affaires économiques à 15h, faisant à cette occasion son grand retour dans le chaudron parlementaire.
« La loi doit permettre d’accélérer toutes les règles, toutes les procédures pour la reconstruction, pour moi c’est la priorité », a déclaré l'ancien Premier ministre samedi sur BFMTV depuis Mamoudzou. Elle autorise notamment l'État à déroger pendant deux ans aux règles d'urbanisme, facilitant les règles d'expropriation, mais contient aussi des mesures sociales plus temporaires.
Plus de 200 amendements ont été déposés par les députés. Et ce « malgré un délai très contraint », selon la présidente de la commission Aurélie Trouvé, qui déplore que le texte n'ait pas été présenté plus tôt, et les acteurs mahorais davantage consultés. Sur l'archipel, les griefs sont nombreux : « les demandes d'amendements et de complétements de la part des élus de Mayotte, conseillers départementaux, maires et parlementaires » n'ont pas été prises en compte par le gouvernement, a fustigé l'Association des maires de Mayotte.
Droit du sol
Dans une lettre adressée à la présidente de l'Assemblée Yaël Braun-Pivet, l'association réclame la suppression du droit du sol, sans laquelle « il est illusoire de croire que Mayotte (puisse) se relever ». Mayotte souffre depuis des années de problèmes liés à l'immigration, la sécurité, l'éducation et le développement économique. Pour tenter d'en venir à bout, le gouvernement prévoit un autre projet de « loi programme » qui sera présenté « dans quelques semaines », a répété Manuel Valls.
Le projet qui débute son examen lundi « est une loi d'urgence », pour « reconstruire Mayotte rapidement », a défendu Yaël Braun-Pivet sur la chaine Mayotte-La 1ère au dernier jour d'un déplacement sur l'archipel. « Si vous (y) mettez trop de choses » alors vous compromettez « son adoption rapide », a-t-elle souligné, rappelant qu'une proposition de loi restreignant le droit à la nationalité sera examinée début février dans l'hémicycle, dans le cadre de la niche parlementaire du groupe LR.
Dans le JDNews, la cheffe du RN Marine Le Pen a souligné la nécessité de tarir le flot des « clandestins » en rendant plus difficile « la perspective de la nationalité ». « Voilà le problème : la régularisation, la naissance sur le territoire, la naturalisation. Il faut couper ces trois points », a-t-elle dit.
« Insuffisant »
« Imparfait », « insuffisant » : les députés de différents bords interrogés par l'AFP ne sont pas tendres avec le texte, dont la députée de Mayotte Estelle Youssouffa (Liot) devrait être la rapporteure. Mais la plupart ont indiqué qu'ils n'entraveraient pas son adoption. « Je n'imagine pas qu'on vote contre », dit à l'AFP l'écologiste Dominique Voynet, ancienne directrice de l’ARS Mayotte, qui regrette qu'il n'y ait « pas un mot sur l'eau » alors que le département connaît une grave crise d'accès à cette ressource. Son groupe a déposé des amendements en ce sens.
De l'autre côté du spectre politique, la députée de la deuxième circonscription de Mayotte, Anchya Bamana (Rassemblement national), affirme que son groupe votera pour « parce qu'il y a urgence », et même « s'il ne répond pas au principal problème, l'immigration ». La députée espère que son amendement demandant au gouvernement un recensement, sera examiné et adopté. Elle souligne que la population est sous-estimée à Mayotte, entraînant un grave sous-dimensionnement des équipements publics.
Pour le socialiste Philippe Naillet (La Réunion), le texte ne « porte pas à débat », mais il faut être vigilant : « reconstruire dans l'urgence oui, mais pas à l'identique », soulignant les risques d'un nouveau phénomène climatique, au moment où l'archipel a été frappé par une nouvelle tempête, Dikeledi. Après son examen en commission, le texte sera débattu dans l'hémicycle à partir du 20 janvier. Le Sénat prévoit de s'en emparer le 3 février, le gouvernement espérant une promulgation rapide.
Avec AFP