Les Outre-mer au cœur des défis de la Marine nationale dans l’Indopacifique

© Marine nationale/Ministère des Armées

Les Outre-mer au cœur des défis de la Marine nationale dans l’Indopacifique

Dans le cadre des débats de l’Institut français des relations internationales (Ifri), l’amiral Pierre Vandier, chef d'état-major de la Marine nationale, était invité le 17 juin à s’exprimer sur le thème de « La Marine française au défi de l’Indopacifique ». Dans cette région d’un poids géopolitique de plus en plus important, une grande partie des Outre-mer français occupe une place stratégique, au centre de nombreuses rivalités internationales.

 

Pendant longtemps, la zone Indopacifique n’a pas représenté une question stratégique pour l’Etat français. Ce n’est qu’en 2019 qu’il a publié sa Stratégie de défense en Indopacifique, fondée sur la Revue stratégique (2017) et le Livre blanc pour la sécurité et la défense nationale (2013). Aujourd’hui tout a changé, et l’importance des enjeux géopolitiques, économiques et militaires de cette région fait l’unanimité.

« L’évolution de la situation en Indopacifique constitue une véritable nouveauté dans le paysage stratégique qui nous met au défi de notre rôle stratégique, de notre format, de nos missions et notre entraînement », a déclaré l’amiral Pierre Vandier lors du débat de l’Ifri. L’Indopacifique représente 60% de la population mondiale et un tiers du commerce international, ce qui implique des préoccupations de sécurité de plus en plus importantes. Dans cette optique, l’enjeu maritime est devenu crucial, notamment pour une puissance comme la Chine, qui augmente continuellement sa croissance et sa pression militaires.  

Mais c’est aussi un enjeu pour la France, a souligné le chef d'état-major de la Marine. « La première raison, c’est que nous sommes des riverains de l’Indopacifique, ce qui nous donne une véritable légitimité et même une obligation. Sept treizièmes des territoires français d’Outre-mer sont dans l’Indopacifique. Nous y avons 1,6 million de ressortissants, 10,2 millions de km2 de zone économique exclusive, soit 18 fois la taille de l’Hexagone. Plus 7000 militaires basés en permanence dans la région », a-t-il précisé.

© Ministère des Armées

Deuxième raison, la France est dépendante économiquement de ce qui se passe dans cette immense zone. « Les échanges commerciaux de la France avec l’Asie et l’Océanie, c’était 157 milliards d’euros en 2017 », a rappelé l’amiral. « La sécurisation des intérêts économiques qui vont de l’Asie à l’Europe est un sujet qui nous concerne tous. » Enfin, la France est membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies. « À ce titre, nous ne pouvons pas être étrangers à la montée des tensions dans la région. Nous sommes attachés au multilatéralisme et à l’ordre international, et nous sommes face à un questionnement de fond sur la façon dont nous soutenons l’armature de sécurité issue de la deuxième guerre mondiale et de la guerre froide. »

Selon Pierre Vandier, la France doit faire face à trois défis. D’abord, connaître et comprendre la civilisation asiatique, « qui est complexe, et possède une façon de penser qui est différente. » « Il faut comprendre quel est le nouvel équilibre recherché, et savoir s’il est acceptable pour les parties, dont nous sommes. » Ensuite il faut dialoguer. « C’est un jeu assez complexe, car la stratégie de modification de l’équilibre, telle qu’elle est pratiquée, comporte de fait une forme de dissimulation qui n’est pas propice au dialogue. Il faut donc réussir à lire les événements avec le risque de ne pas les comprendre de la même façon. C’est une barrière de la langue géopolitique », a-t-il affirmé. 

Pour finir, « il faut équilibrer et sécuriser, c’est-à-dire trouver habilement des contre-poussées qui permettent d’éviter la mise en place d’une politique de fait accompli, qui, du point de vue occidental, comporte le risque d’escalade. » Les velléités hégémoniques chinoises sont ici clairement visées. Selon le chef d'état-major de la Marine, il faut donc renforcer la capacité de connaissance et d’anticipation de la France, et avoir des canaux de discussions ouverts avec toutes les parties de la zone, notamment sur les questions environnementales et climatiques. Il faudra aussi, en cas de crise, pouvoir mener plusieurs opérations dans la durée sur deux ou trois théâtres distincts.  

À lire aussi : Les Outre-mer et la stratégie de défense française en Indopacifique

► En savoir plus sur la stratégie de défense française en Indopacifique (ministère des Armées)

 

PM