Après l'Assemblée nationale, le Sénat devrait adopter mardi le projet de loi d'urgence pour la reconstruction de Mayotte, un premier pas pour remettre en état l'archipel dévasté par le cyclone Chido, qui a causé la mort de 39 personnes.
A l'écart des enjeux budgétaires de l'Assemblée nationale, où François Bayrou a dégainé deux 49.3 sur le budget de l'État et de la Sécurité sociale, la chambre haute a fait cheminer un autre texte impératif pour la France, près de deux mois après la catastrophe.
Consensuel bien que jugé très insuffisant par de nombreux élus, le texte finira d'être examiné mardi après-midi, mais son adoption ne fait aucun doute. Députés et sénateurs se chargeront ensuite d'aboutir à un texte commun lors d'une commission mixte paritaire prévue le lundi 10 février, pour permettre une entrée en vigueur au plus vite.
« Nous ne lâcherons rien, rien pour l'aider à se relever. Nous ne transigerons avec rien pour reconstruire l'île sur des bases plus saines, pour changer son visage et à travers elle, la vie » des Mahorais, a lancé le ministre des Outre-mer Manuel Valls. De retour d'un déplacement sur l'archipel, il a affirmé que le « coût des destructions s'établira autour de 3,5 milliards d'euros ».
Le texte contient principalement des assouplissements aux règles d'urbanisme, de commande publique et quelques mesures sociales, comme des facilités fiscales ou des allègements de cotisations. Il remet à plus tard l'épineuse question migratoire et la restriction du droit du sol sur l'archipel -une proposition de loi de la droite sur le sujet arrive à l'Assemblée jeudi- et sera complétée d'ici deux mois par une loi-programme plus ambitieuse.
Loi-programme d'ici deux mois
Le Sénat a remodelé certaines dispositions par rapport à la version de l'Assemblée, en rétablissant par exemple un article facilitant l'implantation de constructions temporaires d'urgence. Les parlementaires de la chambre haute ont également revu la composition du conseil d'administration de l'établissement public qui sera chargé de coordonner la reconstruction, y associant les élus locaux. Des avancées saluées par le ministre des Outre-mer.
« Je crois pouvoir considérer que nous nous approchons d'un texte d'équilibre faisant écho aux aspirations locales », a noté la rapporteure du projet de loi au Sénat, Micheline Jacques (LR), qui s'est aussi rendue à Mayotte, « chez l'habitant ». Mais cette loi d'urgence « n'a pas vocation à répondre à tous les problèmes », a-t-elle rappelé.
Le gouvernement avait, un temps, envisagé de demander une habilitation à légiférer par ordonnances pour procéder à des modifications dans les règles d'expropriation, une proposition qui a inquiété les deux chambres du Parlement. Manuel Valls y a renoncé, affirmant qu'il procédera à « plus de concertation » pour faire aboutir ce dossier.
La loi d’urgence met également en place un prêt à taux zéro « ouvert à toutes les familles mahoraises pour reconstruire leur maison, même lorsque leur habitation n’était pas assurée ». Des prêts qui pourront aller jusqu’à 50 000 euros sur 30 ans, avec « un différé d’amortissement de cinq ans ». Ces prêts avaient déjà été annoncés lors du déplacement de François Bayrou sur l’archipel.
Durant cet examen au Sénat, Manuel Valls a apporté son soutien à une proposition des sénateurs d'exonérer Mayotte, à titre exceptionnel, de la taxe générale sur les activités polluantes sur les déchets pendant deux ans. Plus débattue, une mesure visant à conditionner la vente de tôle à la présentation d'une pièce d'identité a été confirmée malgré les protestations de la gauche, qui s'insurgeait contre une mesure visant « explicitement les personnes sans papiers ».
« Mais laisser la tôle en vente libre, c'est la garantie du retour des bidonvilles et un vrai risque pour la population au prochain événement climatique », s'est justifié Manuel Valls. « De nombreux alourdissements ajoutés à l’Assemblée nationale ont été retirés, tandis que les mesures de lutte contre les bidonvilles, à l’initiative ou avec le soutien du gouvernement, ont été conservées » a salué le ministre.
Sur place, et en attendant l’adoption définitive de cette loi, l’objectif de rétablir 100% de l’électricité au 31 janvier « a été tenu » a assuré Manuel Valls dans son discours. « Malgré des conditions difficiles », la rentrée scolaire a bien eu lieu avec « des renforts de sécurité civile ». « 182 écoles sur 221, 28 collèges et lycées sur 33 ont pu rouvrir et trois établissements supplémentaires rouvriront cette semaine » a détaillé le ministre des Outre-mer qui a annoncé une mission de suivi de la reconstruction de Mayotte, confiée à la sénatrice Salama Ramia.
Avec AFP