Katy Hoarau, présidente du MEDEF Réunion : « Je ne demande pas d’argent; je demande qu’on règle les incohérences qui freinent l’économie réunionnaise »

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Katy Hoarau, présidente du MEDEF Réunion : « Je ne demande pas d’argent; je demande qu’on règle les incohérences qui freinent l’économie réunionnaise »

Les Outre-mer s’apprêtent à prendre part à la 7ᵉ édition de la Rencontre des Entrepreneurs de France (LAREF), les 27 et 28 août prochains, au stade Roland-Garros. Parmi les délégations, La Réunion veut se faire entendre, portée par Katy Hoarau, toute nouvelle présidente du MEDEF. L’experte-comptable de profession plaide pour une gouvernance fondée sur le collectif et sur la levée des freins structurels au développement du territoire. C’est ce message qu’elle portera face aux acteurs économiques et politiques, lors du grand rendez-vous annuel du patronat français.

Élue il y a deux mois, Katy Hoarau, la toute nouvelle présidente du MEDEF Réunion, a désormais à cœur de faire appliquer le programme qui lui a valu, selon elle, une large adhésion des membres de l’organisation patronale de l’île. « La compétition a été féroce, mais le résultat a été sans appel. Je crois me souvenir qu’il y avait un taux de participation de 75 % et j’ai été élue avec 58 % des voix. Ce qui m’a porté ? Mon programme. Je l’ai bâti autour de trois axes : jouer groupé, produire du fond, et aller vers une économie robuste. » Le ton est ferme et déterminé. Pourtant, la situation économique de La Réunion semble loin d’être bien portante, comme le confirme la présidente. « Je vois des défaillances d’entreprises qui se multiplient, une baisse de l’activité significative sur le territoire, une baisse de l’emploi… Et en face, on a trois années d’échéances électorales qui arrivent. Ce n’est pas dans ces années-là que l’économie est porteuse. » Malgré ce constat peu réjouissant, Katy Hoarau ne veut pas tomber dans le fatalisme, au contraire ! Elle en appelle à un changement de méthode et à un sursaut collectif. Son credo : anticiper, structurer et proposer. « J’ai imaginé un crash-test : si demain La Réunion ferme, combien de temps on tient ? Et sur quoi doit-on agir pour tenir plus longtemps ? » Il ne s’agit pas, insiste-t-elle, de trouver seule des réponses, mais plutôt de réfléchir collectivement aux fragilités du territoire : dépendances logistiques, vulnérabilités énergétiques, manque d’autonomie alimentaire… « L’idée n’est pas de dire qu’on est condamnés, mais de se demander ensemble comment renforcer nos points faibles. Le MEDEF, ces dernières années, avançait peut-être un peu en solo. Aujourd’hui, je crois que ce temps est révolu. C’est une réflexion collective que j’appelle de mes vœux. »

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Porter ces messages au plus haut

Si des réflexions sont en cours, cela n’empêche pas la présidente du MEDEF Réunion de préparer en amont l’un des grands événements économiques de cette rentrée 2025 : la Rencontre des Entrepreneurs de France (LAREF). Sous le thème ‘Jeu décisif – L’heure des choix’, près de 10 000 personnes sont attendues au stade Roland-Garros les 27 et 28 août prochains. « Ce sera l’occasion d’échanger avec nos homologues ultramarins, mais aussi avec les ministres », indique Katy Hoarau. La présidente du MEDEF Réunion espère pouvoir soumettre au ministre des Outre-mer une proposition concrète et inédite concernant ce qu’elle nomme ‘les irritants’. « Un irritant, c’est par exemple le fait qu’à La Réunion, quand vous achetez des cornichons en bocaux, ils sont produits à Madagascar, vont à Rungis et reviennent ici. Il n’y a que moi que cela choque ? Des exemples, je peux en citer beaucoup d’autres. Je ne suis pas en train de faire le bureau des plaintes ; je ne demande pas d’allocation budgétaire supplémentaire. Je ne demande pas d’argent; je demande qu’on identifie et qu’on règle les incohérences qui freinent l’économie réunionnaise. » C’est fort de ces exemples et du constat de la situation qu’elle souhaite interpeller les politiques. « Je veux  proposer au ministre qu’il accompagne La Réunion sur cette démarche d’identification et de traitement des irritants. » Pour mener à bien cette démarche, Katy Hoarau plaide pour la désignation d’un référent au sein des services de l’État, un interlocuteur unique chargé de débloquer les situations concrètes qui freinent l’activité.

Autre sujet de crispation : la question des  marchés publics. Katy Hoarau dénonce le fait que certains contrats locaux soient attribués à des entreprises extérieures, malgré une offre locale compétente et impliquée dans le développement du territoire. « Je ne trouve pas cela normal que les marchés publics soient octroyés à des entreprises françaises hexagonales, alors qu’à La Réunion, on a des compétences. Ces entreprises qui sont sur le territoire font travailler des apprentis, forment des collaborateurs, créent de la valeur localement. » La présidente du Medef Réunion revendique un patriotisme économique régional assumé. « Il y a des régions dans l’Hexagone qui vivent ce patriotisme régional. Je n’invente rien. »

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Défendre les fondamentaux de la compétitivité

 À quelques jours de l’un des grands rendez-vous économiques de la rentrée, Katy Hoarau se dit prête à aller au front pour défendre qu’elle considère comme vitaux pour la survie des entreprises réunionnaises. En tête de liste : les exonérations de charges patronales, menacées dans le cadre du prochain projet de loi de finances. « Jusqu’en novembre, je suis vraiment en mode combat. Stop au rabot de la loi de sécurité sociale ! » La mesure envisagée par le gouvernement, selon elle, aurait des effets directs et brutaux sur les très petites structures. « Prenez un artisan avec trois salariés payés au SMIC. Passer au régime de droit commun, ça représente 15 000 euros de charges en plus par an. C’est simple : ça mange son bénéfice. Donc soit il licencie, soit il ferme. » Cette question est d’autant plus sensible que la conjoncture est déjà difficile pour de nombreux entrepreneurs réunionnais. « Le 1er trimestre 2025 est le 7e trimestre consécutif de baisse de chiffre d’affaires, selon l’Observatoire de l’Ordre des experts-comptables. Et les petites entreprises sont en première ligne. » À cela s’ajoute une autre inquiétude : l’évolution du dispositif d’aide à l’apprentissage, également remis en cause. « Avant la mise en place des aides, on avait 6 000 apprentis à La Réunion. Aujourd’hui, on en a 14 000. Ce sont 14 000 jeunes qui ont une vraie chance de s’insérer dans le monde professionnel. » Pour elle, toucher à ces dispositifs sans mesurer les conséquences sur le terrain serait une faute politique. L’autre urgence, enfin, concerne le projet de loi “vie chère”. « Du coût, Ils veulent exclure celui du fret du seuil de revente à perte. C’est que les très grosses structures qui, pour moi, peuvent assumer cela. La production locale ne va pas pouvoir assumer, ni les petits commerçants. »

Les chantiers sont d’importance et les événements à venir nombreux. L’un des plus attendus sera sans doute la nouvelle édition des MEDEF Business Awards, prévue le 9 septembre prochain : une vitrine destinée à mettre en lumière la performance globale des entreprises réunionnaises, qu’elles soient adhérentes ou non à l’organisation patronale. S'agissant du 10 septembre de l'appel à la grêve, Katy Hoareau considère qu'il est essentiel pour la société réunionnaise de rester solidaire et unie et refuse les clivages et les divisions, c'est ensemble qu 'on sortira de ce contexte difficile, pas les uns contre les autres insiste-elle. «Je suis convaincue que les forces vives réunionnaises sont armées pour travailler ensemble.»

Un autre rendez-vous d’importance se profile également à l’horizon 2026, année des 80 ans de la Départementalisation de La Réunion. Katy Hoarau prépare en effet un projet autour de la mémoire économique et de la transmission, avec l’ambition de donner la parole aux pionniers de l’économie locale. « Quand j’écoute les anciens, je me rends compte de ce qu’ils ont construit. Ils ont une générosité incroyable. Ce récit, les Réunionnais doivent le connaître. 2026 ne sera pas seulement une commémoration, ce sera un moment pour se projeter plus loin. »

La feuille de route est donc claire pour le MEDEF Réunion dans les mois et les années à venir : une économie plus robuste, mais aussi plus connectée à son environnement régional, plus cohérente, plus fluide et moins dépendante.