Première femme réunionnaise et ultramarine élue Vice-Présidente du Conseil National de l’Ordre des Experts-Comptables et Présidente du Comité Outre-Mer et Corse, Katy Hoarau incarne l’esprit de persévérance et de détermination qui a jalonné son parcours exceptionnel. Pour Outremers 360, pour la journée internationale du droit des femmes, Katy Hoarau livre son parcours exceptionnel, son identité réunionnaise et les choix audacieux qui l'ont propulsée. Un témoignage inspirant empreint de force et de générosité pour cette femme de combats.
À 17 ans, diplômée d’un bac scientifique, Katy Hoarau quitte La Réunion pour intégrer Sup de Co à Pau, bien décidée à « faire partie des meilleurs ». Elle poursuit ses études et obtient un master en finance à Leeds, en Angleterre. En 1998, elle fait son entrée chez PricewaterhouseCoopers, l'un des prestigieux Big Four dans le domaine de l’audit et du conseil international.
En 2010, elle ouvre un nouveau chapitre : « J’avais envie de travailler avec des entrepreneurs, de me sentir utile. » Elle obtient son diplôme d’expertise comptable et rejoint le cabinet HTP Réunion en tant qu’associée mettant son expertise au service des TPE et PME de La Réunion.Pour Outremers 360, pour la journée internationale du droit des femmes, Katy Hoarau livre son parcours exceptionnel, son identité réunionnaise et les choix audacieux qui l'ont propulsée. Un témoignage inspirant empreint de force et de générosité pour cette femme de combats.

Le métier d’expert-comptable reste très masculin, notamment dans les postes à responsabilités. Comment avez-vous trouvé votre place dans cet univers ?
Très tôt, j’ai fait des choix clairs : je voulais réussir, mais uniquement par mes compétences, sans jamais miser sur mon apparence. C’était une conviction profonde.
De retour à La Réunion en 2011, je m’engage. Je deviens présidente d’un syndicat d’experts-comptables et de commissaires aux comptes, je m’implique à la CPME, au MEDEF, puis préside la commission fiscale de l’Ordre des Experts-Comptables, avant d’accéder à la présidence de l’Ordre. Et c’est à ce moment-là que je réalise pleinement ce que signifie être une femme dans un univers encore très masculin. C’est en prenant des responsabilités publiques que j’ai mesuré l’ampleur du défi. Je n’oublierai jamais ce confrère qui m’a dit un jour : « Tu devrais en parler à ton père, il saura te conseiller. » J’avais 40 ans ! Pourquoi aurais-je eu besoin de demander l’avis de mon père ?
Je découvre aussi un certain biais dans les interactions professionnelles. Lorsque je parle à un chef d’entreprise, parfois, il ne m’écoute pas vraiment... mais si mon collègue masculin intervient, alors soudainement, le message passe. Ça m’a frappée : il y a encore beaucoup de chemin à parcourir.
En échangeant avec d’autres femmes, je remarque une tendance récurrente : une auto-exigence excessive. Lors d’une table ronde à la CCI, j’ai illustré cela avec une expression créole qui a fait sourire toute la salle : « Pas besoin que la case soit propre, propre, propre… Propre suffit déjà !" » Beaucoup de femmes se sont reconnues dans cette phrase.

Votre parcours est marqué par votre identité ultramarine. Comment cela influence-t-il votre manière d’aborder votre métier et vos responsabilités ?
Je suis originaire de La Réunion, de Saint-Denis. J’ai fréquenté l’école Bouvet, le collège des Deux-Canons et le lycée Leconte de Lisle. C’est important pour moi de le mentionner, car cela témoigne de mon attachement à mon île. J’ai toujours considéré que ma plus grande chance était d’être Réunionnaise. Depuis mon plus jeune âge, mon identité a été mon moteur. L’histoire que je porte est dure, parfois violente, mais elle est aussi magnifique. J’ai toujours eu conscience de la richesse de ce territoire et de la force qu’il m’a donnée tout au long de ma carrière. Quand les choses étaient difficiles, notamment en prépa, je me suis toujours dit : « Sois à la hauteur de ton île, sinon ne rentre pas. »
Quels sont vos prochains défis et projets au sein du Comité Outre-mer et Corse ?
Je me suis interrogée sur le sens de mon engagement au sein du comité Outre-mer. Ce qui m’anime, c’est l’idée de changer la posture dans les relations entre l’Hexagone et l’Outre-mer. Je rêve d’un rapport d’égal à égal, une relation adulte-adulte, au sens de l’analyse transactionnelle, plutôt qu’un schéma où l’Hexagone joue un rôle parental vis-à-vis des territoires ultramarins. Cela signifie, d’un côté, moins de condescendance de la part de l’Hexagone, et de l’autre, une prise de responsabilité accrue des acteurs ultramarins. Être responsable, c’est anticiper les risques avant d’agir, assumer les conséquences de ses choix, et agir avec la préservation du bien commun en ligne de mire. C’est une dynamique collective, et je pense que beaucoup d’ultramarins sont déjà dans cette démarche.
Ce qui me rend fière, c’est d’avoir contribué à inscrire l’Outre-mer dans les réflexions nationales. Lorsque j’étais présidente de la section IFEC Réunion, j’ai créé une section IFEC Outre-mer. Mon syndicat, l’IFEC, a été le premier à intégrer une ambition pour l’Outre-mer dans son programme lors des élections du Conseil national.
Parmi les actions en cours, nous organisons un job dating en Outre-mer et nous serons présents au prochain Congrès national de l’Ordre des experts-comptables avec un stand dédié. Nous lançons également une nouvelle initiative : les OutremerCités, un cycle d’universités thématiques destiné à faire monter en compétences les professionnels ultramarins, non pas en tant que vitrine touristique, mais en mettant en avant des success stories d’entreprises locales, des talents et des projets d’innovation. L’an dernier, nous avons découvert des initiatives incroyables, comme celle de Kora Bernabé en Martinique, qui relance la filière cacao. Elle incarne à elle seule l’innovation, la résilience et la richesse de nos territoires.
Ce que je veux, c’est faire connaître les Outre-mer sous un nouveau jour, montrer leur capacité d’adaptation, leur humilité face à l’environnement et leur diversité culturelle. Ces atouts ne sont pas seulement une richesse pour la France, mais aussi pour l’Europe.

Selon vous, comment peut-on encourager davantage de femmes à s’engager dans cette profession et à accéder à des postes de leadership ?
Je ne veux pas tomber dans un clivage homme/femme. Si j’ai une mission, c’est bien de créer des passerelles entre les silos, de faire dialoguer les mondes. Je suis convaincue que la diversité est un moteur d’innovation et une promesse d’avenir. Quand des institutions comme l’Ordre encouragent la parité, c’est une vraie avancée, car c’est en confrontant des points de vue différents que l’on progresse, que l’on invente, que l’on crée. Ce qui compte, ce ne sont pas les étiquettes homme ou femme, c’est la richesse des perspectives qui permet de faire avancer les choses.
En tant que femme, c’est cette vision que je veux défendre. Bien sûr, il faut soutenir celles qui rencontrent plus de difficultés, parce que tout le monde n’a pas la même énergie, la même confiance en soi. J’ai eu la chance d’être portée par des parents aimants, mais ce n’est pas le cas de toutes. C’est pour ça que les institutions doivent s’organiser pour révéler les talents féminins. Concrètement, dans mon cabinet, j’ai des collaboratrices, des mamans qui veulent passer leur diplôme d’expert-comptable et qui font face à des injonctions contradictoires : être présente pour leurs enfants, mais aussi être indépendante financièrement. On attend d’elles qu’elles fassent tout, tout le temps. Moi, je ne suis pas là pour leur dicter leur chemin, mais je peux être une sentinelle, une personne qui observe, qui soutient et qui encourage.
Mon parcours peut aussi être une source d’inspiration. Je le dis avec beaucoup d’humilité, mais partager son expérience, c’est aussi aider. C’est pour cela que nous avons mis en place des « déjeuners de consœurs » à l’Ordre. Je fais également partie de plusieurs groupes engagés pour la cause des femmes : les Femmes du Medef, Les Audacieuses, Run the World. Mon objectif est simple : révéler les talents féminins.
Mais ce combat ne concerne pas que les femmes. Côté hommes, j’essaie aussi de leur montrer qu’on peut être à la fois féminine, bienveillante… et très ferme quand il le faut. Certains me trouvent « mignonne »… jusqu’au moment où ils comprennent que je suis parfaitement à ma place et que je ne me laisserai pas marcher sur les pieds. J’aime aussi les challenger, leur faire prendre conscience des biais inconscients. Certains sont déroutés, d’autres trouvent cela amusant et jouent le jeu, et puis il y a ceux qui sont complètement ouverts et pour qui la question ne se pose même pas.

Si vous deviez donner un conseil aux jeunes femmes qui souhaitent suivre une carrière dans la comptabilité et la finance, quel serait-il ?
En réalité, on a besoin d'elles. Ce que je veux vraiment dire, c’est que c’est bien que des organisations comme la mienne promeuvent la parité, encouragent les femmes, etc. Mais ce n’est pas juste une question de valoriser les femmes ou de révéler des talents, c’est qu'on a réellement besoin de leur présence dans ces métiers. On a besoin de leur approche et de leur réflexion. Elles apportent une perspective différente, quelque chose de nouveau. C’est pour ça qu’elles sont nécessaires dans ces secteurs. Ce n’est pas une question de les convaincre de venir, c’est simplement de leur dire : On a besoin de vous !
Enfin, si je devais donner un conseil aux jeunes femmes, ce serait celui-ci : n’ayez pas peur d’être à votre place et n’ayez pas à vous excuser d’y être. Osez !
Dans les métiers de la comptabilité et de la finance, qui restent encore très masculins, il est essentiel de ne pas se laisser enfermer dans des stéréotypes. Les femmes ont toute leur légitimité dans ces carrières, et c’est en occupant ces postes avec confiance que nous continuerons à faire bouger les lignes.
EG