La Première ministre arrive à Mayotte ce vendredi matin pour une visite tournée vers la crise de l’eau, le logement, la sécurité et la santé. Un déplacement « bref et intense » d’une journée, mais avec un « paquet de mesures ». Pour les dérouler, elle y sera accompagnée du ministre délégué aux Outre-mer Philippe Vigier, et du ministre de la Santé, Aurélien Rousseau.
Sur l’eau d’abord. Élisabeth Borne est attendue dès vendredi matin sur le chantier d’extension de l’usine de dessalement puis dans la foulée, sur un point de distribution d'eau potable à la population. D’après Matignon, la cheffe du gouvernement doit annoncer la prolongation de la prise en charge des factures d’eau par l’État tant que l’île sera « en situation de crise ».
L’aide aux entreprises impactées par le manque d’eau sera aussi prolongée, par arrêté du ministre de l'Économie et des Finances, jusqu’à fin janvier. Toujours d’après Matignon, ce dispositif fonctionne bien : « Il y a déjà une centaine d'entreprises qui ont bénéficié pour un total d'un peu plus de 2 millions d'euros ». Une aide spécialement dédiée aux agriculteurs sera aussi annoncée. La situation des agriculteurs face à la pénurie d’eau faisait partie des inquiétudes relayées par le président du département, Ben Issa Ousseni, lors du bilan d’étape du CIOM, fin novembre à Paris.
« Au-delà de ça, l'idée, c'est aussi que la Première ministre parle de l'avenir » explique encore Matignon. Outre l’extension de l’actuelle usine de dessalement, « une deuxième usine de dessalement sera construite et devrait produire de l'eau environ 10 000 mètres cubes par jour à compter de début 2025 ». Sans compter les grands investissements pour la production en eau (forages, réseaux…), l’État a, selon Matignon, mis sur la table la somme de 100 millions d’euros en 2023, essentiellement pour répondre à l’urgence de la crise de l’eau sur l’île.
Après la séquence sur l’eau, la cheffe du gouvernement est attendue au bidonville de Koungou, pour une séquence sur le plan de résorption de l’habitat insalubre et une rencontre avec les habitants. L’objectif pour le gouvernement, dit-on, « c'est de pouvoir héberger puis de reloger de manière pérenne les habitants une fois qu'on a détruit ces bidonvilles » et « de pouvoir mener des opérations d'aménagement beaucoup plus rapides pour pouvoir reloger les habitants ».
Ainsi, sur une île où le l’habitat insalubre représente 30% du parc de logement, Élisabeth Borne va annoncer la création d'une grande opération d'intérêt national (OIN) à Mayotte, qui « permet de mobiliser la collectivité nationale en faveur d'une opération d'aménagement présentant des enjeux majeurs à l'échelle nationale ». Décrétée par le Conseil d’État, elle va concerner Mamoudzou, Koungou et Dembéni, et ce à partir de 2024. L’OIN permettra à l'État de reprendre la main sur les permis de construire.
Un temps avec les élus de l’île est aussi à l’agenda d’Élisabeth Borne qui signera aussi, avec le président du Département, une convention pour « financer trois grandes politiques publiques qui révèlent la compétence du Département : la protection maternelle et infantile, l'aide sociale à l'enfance et les transports scolaires ». L'État a dirigé ces derniers mois une mission inter-inspections qui a préconisé une aide financière importante : d’une part, 50 millions d'euros qui seront versés au Département avant la fin 2023, et d’autre part, 100 millions d'euros en 2024.
Plus de 200 millions pour l'extension du CHM
Sur la santé, la Première ministre annoncera une enveloppe de 242 millions d'euros « qui permettra de développer et de poursuivre la modernisation du centre hospitalier de Mayotte ». Les travaux débuteront début 2024, assure-t-on, et concerneront la modernisation du service des urgences, de la maternité, une évolution ou encore de l'organisation de la psychiatrie. Elle confirmera aussi que « le travail se poursuit avec beaucoup d'intensité pour la création d'un deuxième hôpital qui avait été déjà annoncé par le président de la République dans son déplacement en 2019 ».
Sur ce second hôpital, « le terrain a été repéré et sécurisé. Une déclaration d'utilité publique a été déposée et le projet sera déposé nationalement au Conseil national de l'investissement comme tout projet d'investissement classique, pour travailler avec toutes les parties prenantes à la fois au défi, à son financement, à son cadrage, … ». La Première ministre annoncera la nomination à venir d'un directeur de projet qui sera placé aux côtés du directeur général de l'ARS, et dont la mission sera de surveiller et piloter les travaux, à la fois du Centre hospitalier actuel, et de veiller à la bonne avancée du second hôpital, ajoute-t-on.
Autres annonces sur la santé : la formation. « L'État souhaite investir pour consolider l'offre de formation des professionnels de santé, afin de les former sur place, répondre aux besoins de développement et accompagner le développement du système de santé » de l’île, explique Matignon. Élisabeth Borne confirmera l'ouverture d'un Institut de Formation de soins infirmiers qui devrait accueillir 16 premiers étudiants en 2024, « plutôt avec un profil de demandeurs d'emplois », puis 60 en 2025. Deuxième confirmation : l’ouverture à la rentrée 2024 de plusieurs formations spécialisées, pour former des infirmiers de bloc opératoire et d'anesthésie- réanimation.
Toujours sur la santé, plusieurs mesures sont prévues pour renforcer l’attractivité et la fidélisation des soignants sur l’île. « Une série de primes et de majorations » seront dévoilées. « Une première prime qui sera allouée à tout le monde, tous les professionnels de l'hôpital de Mayotte, sans exception, médecins, infirmiers et toutes les catégories, qui sera une prime de 1 800 euros annuels » versée dès janvier 2024 pour « remercier et tenir compte de la difficulté très importante des conditions d'exercice à Mayotte ». Cette prime qui existe déjà est actuellement de 1 200 euros par an.
En matière d'attractivité et de fidélisation, Matignon annonce une augmentation de 50% du montant de l'indemnité particulière d'exercice qui concerne les médecins hospitaliers. « Elle sera versée à la fois aux médecins qui sont déjà en poste, mais également à ceux qui prendraient leur poste, là encore une fois, avec l'objectif d'attirer de nouvelles compétences sur l'île et de les de les garder », assure-t-on. Pour un médecin en début de carrière, cette augmentation représente un gain supplémentaire de l'ordre de 22 000 euros. Une troisième mesure « un petit peu plus technique » : la réduction des durées d'exercice « pour obtenir une bonification d'ancienneté, c'est-à-dire que le déroulement de carrière se fera plus rapidement pour les professionnels de santé qui choisissent d'exercer, et surtout de rester à Mayotte ».
Toujours selon Matignon, des textes sont en cours aujourd'hui à l'Assemblée, et devraient permettre de soutenir l'offre de soins de ville ambulatoire avec notamment un certain nombre de mesures de simplification. « L’idée étant de pouvoir créer plus facilement de l'offre libérale, des maisons de santé, des centres de santé et de faire en sorte qu'à côté de la prise en charge hospitalière, il y ait une offre de prise en charge en ville de consultation qui puisse se développer ».
Opération Shikandra 2 en 2024
Sur le volet sécurité, et notamment sur la sécurité des transports scolaires, la Première ministre annoncera la sécurisation des vitres des bus scolaires qui sera prise en charge par l’État, ainsi que l’engagement de la police et la gendarmerie sur les points d’embarquement. Elle confirmera aussi la construction d'une seconde prison qui comprendra 400 places, avant de s’exprimer sur l’immigration illégale. Depuis une entreprise de recyclage de kwassa kwassa, la cheffe du gouvernement va faire le point sur les différents dispositifs en place sur l’île et annoncera le lancement en 2024 d'un plan Shikandra 2. Lancée en 2019, la première mouture de ce plan ministériel mobilise la police, la gendarmerie, les forces armées et les douanes de manière coordonnée pour à la fois lutter contre l’immigration irrégulière par voie maritime, tout en interpellant sur le territoire les étrangers en situation irrégulière et les reconduire à la frontière.
La Première ministre doit aussi confirmer la transformation du Centre universitaire de formation et de recherche, le CUFR, qui existe depuis dix ans, en université de plein exercice. Une transformation qui devrait être effective dès l’année prochaine. Matignon précise aussi que le prochain Contrat de Convergence et de Transformation pour l’île, qui couvrira la période 2024-2027, s’élèvera à 800 millions d’euros. Il concerna la construction d’établissements scolaires du second degré, de routes et autres équipements publics.