Les tensions internationales sur le fret maritime sont élevées, la reprise économique dans le monde occasionne de nombreuses ruptures dans les chaînes d’approvisionnement. Le transport maritime en fait les frais, Mayotte n’est pas épargnée. Trouverons-nous dans les rayons ce qu’il faut pour préparer les fêtes de fin d’année ? Les différents intervenants se montrent rassurants. Explications avec le dossier de notre partenaire France Mayotte Matin.
Les pénuries et les difficultés que nous avons connues ces derniers mois semblent être derrière nous, la fréquence et la régularité des bateaux arrivants au port de Longoni tendent à se normaliser ce qui devrait permettre aux commerçants de disposer des produits et donc aux clients de préparer les fêtes de fin d’année. D’autant qu’une grosse partie des produits frais consommés arrivent en avion.
Les capacités du port de Longoni augmentent au fil du temps
Le Port de Mayotte est un sous hub, du hub du Moyen Orient dont les bateaux descendent depuis Mogadiscio, Dar Es Salam, Les Seychelles ... et ils repartent ensuite vers les Comores ou Madagascar.
Le Port de Longoni s’est considérablement développé, il n’est plus rare de voir des bateaux de 250 à 280 mètres qui déchargent des conteneurs pour notre île mais aussi pour d’autres ports de la région qui seront ensuite rechargés sur des bateaux plus petits de 120 à 140 mètres qui disposent souvent de leur propre grue et qui repartent vers les ports de Moroni et de Majunga.
Les capacités de manipulation des conteneurs se sont accrues, Manuport sur une journée de 14h est capable de faire environ 600 mouvements de boîtes, auparavant le moyenne était de 500, cela donne une toute autre dimension au travail et permet aux bateaux de rester moins longtemps à quai, ce qui est un avantage non négligeable et qui confère le statut de sous hub. Au moment de la mise en place du projet gazier, ces nouvelles capacités permettent à Longoni d’offrir des modalités d’intervention conformes aux standards internationaux.
Vers un retour à la normale en termes de prix et d’approvisionnement ?
Ces derniers mois, les conteneurs se sont fait attendre, les bateaux sont arrivés à peu près tous en même temps ... ce qui a contraint le port à un effort de stockage, ainsi 2700 conteneurs étaient sur site compromettant les capacités de travail. Entre la fin de semaine dernière et le début de cette semaine, en 3 jours, 1 200 conteneurs ont pu être récupérés par leurs destinataires permettant ainsi d’accueillir les prochains bateaux avec sérénité.
Pour les principaux acteurs du port, le retour à la normale est prévu pour la fin du mois de novembre. La difficulté pour les distributeurs va être maintenant d’écouler les stocks et de gérer les dates de péremption, quelques promotions à venir ?
Elles seraient bien venues, l’augmentation des prix du fret maritime n’a pas contribué à réduire les prix. La compagnie CMA CGM s’est engagée à maintenir ses prix stables d’ici au début d’année prochaine, son contrat d’acconage avec Manuport garantit une stabilité des prix pour encore 5 ans. Ce sont donc les questions de fret maritime et sa complexité internationale qui pourraient rendre ardue la question, les experts prévoient un retour à la « normale » en milieu d’année prochaine, si les conditions sanitaires mondiales ne se dégradent pas de nouveau.

La compétition fait rage entre les deux principaux opérateurs
CMA-CGM et MSC sont aujourd’hui les deux principales compagnies maritimes qui interviennent à Mayotte. Leur rôle ? emmener les conteneurs de leurs clients à destination au départ de Mayotte et à l’arrivée sur Mayotte.
CMA-CGM est historiquement le plus gros des deux opérateurs, cependant la position dominante de l’entreprise française, par ailleurs leader mondial du transport maritime est en train de s’éroder, les difficultés rencontrées par le géant pour faire venir ses bateaux jusqu’à Mayotte au moment de la reprise économique a permis à MSC de prendre quelques parts de marché entre 20 et 40%...
Les principaux clients de MSC sont des commerçants qui font venir de l’Asie des marchandises quand les grosses entreprises utilisent les services de CMA-CGM. On ne peut que se réjouir de cette compétition entre les deux géants des mers, un impact sur les tarifs est à la clé.
Difficile de parler du port de Longoni sans parler de l’évolution de son statut : Ousseni Ben Issa clarifie la situation La Ministre de la Mer affirmait devant la commission sénatoriale OutreMer, la semaine dernière, que « le port de Mayotte avait vocation à devenir un port d’Etat dès que certains freins seraient levés ». De leur côté certaines entreprises de la place se disent prêtes à intervenir dès lors que l’on ferait appel à elles à la faveur d’un changement de gouvernance rapide. De son côté, le CD976 est le décisionnaire actuel des conditions de gestion du port. Il a conclu une délégation de service public avec Mayotte Channel Gateway, le contrat a encore une durée de 7 ans. Les relations entre le CD976 et MCG sont difficiles depuis le début de l’exécution du contrat, les autorités se questionnent sur l’avenir de cette infrastructure vitale pour Mayotte. Afin de guider la réflexion, Ousseni Ben Issa a confié à Mansour Kamardine la réalisation d’une étude complète juridique, financière et de gestion sur le port de Longoni. Le Président du CD976 explique « j’ai demandé de voir tous les impacts possibles des évolutions de gouvernance et notamment les impacts financiers de la transformation en grand port maritime. Nous devons réfléchir aussi à un échéancier. » Le Président rappelle son attachement à vouloir aller vite dans la prise de décisions. Ousseni Ben Issa le confirme, tous les champs sont ouverts, il est sûr d’une chose si les conséquences financières conduisent à mobiliser plusieurs dizaines de millions d’euros d’indemnités pour le délégataire, il ira au bout de la DSP ». Les discussions sont ouvertes avec l’Etat sur l’évolution vers un grand port maritime avec une question centrale : la compensation financière pour le CD976 en cas de transformation. Depuis le début de la DSP, il y a 7 ans, MCG a versé 39 millions d’euros soit 6,5 millions par an, c’est une somme conséquente qui abonde le budget du CD976 et qui participe au financement des projets. Les opérateurs du port ne croient pas en une évolution rapide du statut du port. La manne financière pour le CD976 que constitue les redevances portuaires va nécessiter des niveaux de garanties financières de la part de l’Etat qui sont considérables. Le port est en pleine évolution à la faveur du développement de la zone, les hydrocarbures vont générer encore plus d’activités, les redevances portuaires devraient augmenter dans les prochaines années. Ainsi, le port constitue une source de revenus dont il sera difficile de se départir. Pour l’Etat, le port de Mayotte constitue une escale de la route de la soie et du projet indo-pacifique du Président de la République. Tous s’accordent aussi à dire que MCG ne se laissera pas chasser facilement et la note pourrait être salée pour le CD976 : indemnités, pénalités, frais de justice … Les prochains mois seront donc cruciaux, les premières orientations issues de l’étude du Député et Conseiller départemental Kamardine seront connues d’ici décembre. |
Anne Constance Onghéna pour France Mayotte Matin