Des divergences politiques naissent autour du projet de loi Mayotte

Des divergences politiques naissent autour du projet de loi Mayotte

L’association des maires et les parlementaires LAREM viennent de prendre une posture conjointe pour soutenir la Loi Mayotte. Après le désaveu du Conseil départemental qui a repoussé à l’unanimité le texte du gouvernement dans sa forme actuelle, faut-il voir dans ce revirement la fin de l’unité des élus mahorais ou un coup de génie politique ? Éléments de réponse avec notre partenaire France Mayotte Matin.

Trois des quatre parlementaires de Mayotte siègent à l’Assemblée Nationale et au Sénat dans les rangs de la République en Marche, seul Mansour Kamardine continue de soutenir sa famille politique historique : Les Républicains.

Les maires de Mayotte sont, quant à eux, plutôt favorables au Président de la République. Dix d’entre eux avait d’ailleurs en novembre cosigné une tribune de soutien à l’action gouvernementale. Le vote de jeudi dernier du Conseil départemental qui a émis un avis défavorable sur le texte du gouvernement quant à la loi Mayotte a jeté un pavé dans la marre. Si le gouvernement s’attendait à des critiques, il ne s’attendait surement pas à un rejet du texte tant espéré, par les représentants des mahorais eux-mêmes...

L’embarras est à ce point perceptible que les proches du gouvernement ont pris leur plume pour assurer une nouvelle fois leur soutien au Gouvernement. Ils ont aussi rappelé : « ce projet de loi a fait l’objet d’une co-construction avec l'ensemble des parties prenantes. Élus locaux et parlementaires, chefs d'entreprises, responsables associatifs et citoyens ont ainsi été largement associés à sa préparation, par l’intermédiaire d’une large concertation organisée par le préfet de Mayotte pendant plus de deux mois sur l’ensemble du territoire. Plusieurs milliers de personnes y ont participé et ont formulé plus de 700 propositions qui ont constitué la matrice de ce texte ».

Les signataires se disent conscients qu’« un certain nombre de points du texte restent à approfondir pour amplifier sa portée. Nous regrettons, aussi, que des propositions pertinentes pour le territoire, comme l’alignement des droits sociaux, le déplafonnement de la retraite, de nouveaux moyens en fonctionnement et en investissements pour les policiers municipaux Mahorais, ou la suppression des titres de séjour d’exception, n’aient pas été retenues. Cependant, nous saluons l’intention du Gouvernement de vouloir accélérer le développement de notre île par l’action et par une loi programme ».

Ils demandent au Gouvernement de détailler les « 85 solutions opérationnelles pour Mayotte » adressées au Président Ben Issa à quelques heures du vote des élus départementaux. Un texte qui tente d’adoucir le vote de l’assemblée plénière. D’ailleurs les signataires demandent aux élus du CD : « de réexaminer ce projet de loi au regard de ces nouveaux éléments que sont la perspective de renouvellement du contrat de convergence et des mesures opérationnelles détaillées depuis ».

Pour Madi Souf, le président de l’association des maires et signataire à ce titre du courrier, il s’agit de ne pas perdre le bénéfice de la loi en montrant un signal au Gouvernement. Il s’agirait donc de souffler le chaud et le froid ? D’un côté on repousse le texte en le critiquant mais de l’autre on laisse la porte entrouverte au Gouvernement pour reprendre la main et continuer à travailler le texte ?

Pour Madi Souf, l’unité des élus n’a pas volé en éclat. Une réunion de l’association des maires est prévue pour ce mardi, le seul point à l’ordre du jour est cette position. Le président de l’association des maires a échangé au téléphone avec tous les maires, certains n’étaient pas favorables au texte et souhaitaient un soutien au Conseil départemental, c’est le cas de Mohamed Bacar le Maire de Tsingoni. A quelques semaines des élections présidentielles, il est légitime de penser que la campagne fait rage entre les marcheurs, les soutiens de Valérie Pécresse et ceux de Marine Le Pen ... 

Pour Estelle Youssouffa, de coup de génie politique il n’en est pas question, la candidate aux législatives et présidente du collectif des citoyens de Mayotte dit : « Les Marcheurs de Mayotte persistent et signent en demandant au Conseil Départemental de voter à nouveau : nos conseillers départementaux ont fermé la porte au gouvernement qui envoie ses sbires ouvrir la fenêtre ! C'est vraiment le mépris ultime de Mayotte, piétiner nos institutions pour nous faire avaler leur infâme bouillie politicienne ».

En attendant, au travers de cette démarche le Gouvernement ne perd pas la face. De plus, pour certains experts de la vie politique mahoraise, il faut toujours être ferme vis-à-vis du Gouvernement si on veut obtenir quelque chose, le « oui mais » n’aboutit à rien. Nos élus ont donc adopté le « non, mais ». La balle semble désormais dans le camp du Gouvernement avec un main tendue.

Anne Constance Onghéna pour France Mayotte Matin.