Un rapport provisoire de la chambre régionale des comptes (CRC), qui a fuité dans la presse locale et que l'AFP a pu consulter mercredi, accable la gestion de l'eau dans le territoire, connu pour sa crise chronique en la matière depuis des décennies.
Le constat des magistrats de la CRC entérine celui formulé depuis la création du syndicat mixte de gestion des eaux et de l'assainissement de la Guadeloupe par la loi: la "faillite" est "collective" et le syndicat reste "incapable" de "remédier aux dysfonctionnements".
"Le comité syndical n'est pas parvenu à prendre la mesure des chantiers à réaliser", synthétisent les magistrats. Cette instance, composée d'élus du territoire, est l'organe décisionnel du syndicat, où l'absentéisme, lors des réunions, est majeur.
Sur le volet opérationnel, "le taux d'impayé de factures entre 2021 et 2023 s'élève à 36%", créant un problème de trésorerie à peine masqué par des comptes "non fiables".
Les comptes sont aussi grevés par des "achats externes qui augmentent de 157%" depuis 2021, une dette "non soutenable", "des charges de personnels qui augmentent de 20% en deux ans", avec des niveaux de salaire qui "représentent 172% du salaire net moyen national", l'ensemble projetant un niveau de déficit de "130 millions d'euros" à échéance 2028.C
Conséquence: lors des grosses crises, comme après la tempête Fiona en 2022 ou lors du sabotage du réseau d'adduction d'eau en mars 2024, l'intervention directe de l'Etat est requise.
L'ensemble de ces problèmes, ainsi que l'absence d'une régie pour l'exploitation, pourtant prévue dans les statuts, ont conduit à la mise en place d'une "instance informelle, dénommée gouvernance à 4"", réunissant Etat, syndicat, Région et Département.
Cette instance établit plans d'investissements et financements, mais reste impuissante dans l'application des décisions du syndicat, explique la Chambre. Et ce, malgré la présence d'une "assistance technique", composée d'ingénieurs, imposée par l'Etat mais mal acceptée par les directions du syndicat.
Toutefois, les magistrats de la CRC notent certaines améliorations : une "légère réduction des tours d'eau", le "remplacement de 18.000 compteurs", des "réparations de fuites"...
Mais, conclut la chambre, "à cette cadence, il faudra cependant 10 ans pour renouveler tout le parc" de compteurs, et au rythme de "15 km par an de remplacement de canalisation, il faudrait 160 ans" pour tout remplacer.