Arbres arrachés, voitures emportées par les flots, routes et électricité coupées : l'île de La Réunion, « défigurée », selon le préfet, par le cyclone Garance, qui a provoqué la mort de quatre personnes, mesure depuis samedi la mesure des dégâts.
C'est dans l'est et le nord de l'île de l'océan Indien que les conditions cycloniques ont été les plus dévastatrices. « 55 ans que j'habite là, j'ai vécu plusieurs cyclones, je n'ai jamais vu ça ». A Bras-Panon (est), le toit de la maison de Krishna Cadivel a ainsi été emporté comme un fétu de paille. « Je suis sûr que ça a soufflé à plus de 200 km/h », glisse ce père de famille de 55 ans.
« Le toit s'est soulevé et a failli voler sur notre maison qui se trouve à l'arrière », décrit de son côté à l'AFP Jimmy Bortel, à propos de la maison de ses parents, à Saint-Benoît. « Je n'ai jamais eu aussi peur de ma vie ». L'alerte rouge, ordonnant le confinement de la population, a été levée samedi à 10h locales (07h à Paris). L'aéroport Roland-Garros, à l'est de Saint-Denis (nord), a lui rouvert en fin d'après-midi. Le bilan « nous montre combien il faut être prudent alors que le danger n'est pas terminé », a souligné vendredi soir le préfet de l'île, Patrice Latron.
Le passage de ce cyclone, « brutal et violent » selon les termes du représentant de l'État, s'est en effet soldé par le décès de quatre personnes. Une femme a été emportée par les eaux à Saint-Denis et un homme tué, également dans la commune chef-lieu de La Réunion, dans un incendie d'origine électrique. Une femme a été ensevelie par une coulée de boue à Trois Bassins, commune de l'ouest de l'île. La préfecture a annoncé samedi matin le décès d'une quatrième personne, « un homme coincé sous un arbre » à Saint-Denis.
« Pensées pour les familles des femmes et hommes à qui le cyclone Garance a arraché la vie. La Nation se tient à leurs côtés, aux côtés des blessés et de l'ensemble des Réunionnais », a écrit Emmanuel Macron sur X. « Forces de sécurité et de secours, élus, services de l'État : la mobilisation est totale », a-t-il ajouté.
A Saint-Gilles-les-Bains, une ville balnéaire de la côte ouest de l'île, la ravine est sortie de son lit. Les flots déchaînés ont submergé la route, la faisant s'effondrer sur plusieurs mètres. « Nous n'avons plus d'électricité depuis ce moment-là, les lignes à haute tension ont été déterrées par les flots, je ne sais pas quand ça va pouvoir être réparé », déplore Louis Fontaine, 66 ans, habitant de la commune. Une fois sorti de son lit, le cours d'eau boueux a envahi tout le centre-ville de Saint-Gilles.
« C'était méchant »
Samedi en début de soirée à La réunion, quelque 970 personnes étaient réparties dans des centres d'hébergement et 120 000 (37% des foyers) restaient privées d'électricité, selon un point de la préfecture.Plus de 310 000 habitants sont toujours privés d'eau potable. « Près de 32% des abonnés sont privés d'accès à internet et de téléphonie fixe (et) n'ont pas accès à leurs appareils, ainsi que 35 % des abonnés à la téléphonie mobile », ajoute la préfecture, en précisant qu'ils étaient « respectivement 43 et 47% au plus fort de l'évènement ».
« Il va y avoir beaucoup de travaux de remise en état : beaucoup de routes sont encombrées par des branchages, voire par des arbres en travers de la route, des routes sont inondées, des routes sont coupées, emportées, des ponts sont coupés », décrit le préfet de l'île. Le représentant de l'État continue d'appeler à la « prudence » et prévient les plus de 880 000 habitants de l'île que le « monde » que « nous redécouvrirons » sera « encore défiguré par Garance ».
« Ce phénomène a été plus violent que Belal », en 2024, selon lui. Le cyclone Belal, qui s'était abattu sur La Réunion le 15 janvier 2024, avait provoqué la mort de quatre personnes et fait 100 millions d'euros de dégâts, selon les chiffres de France assureurs. Pendant le passage du cyclone vendredi, Météo-France a relevé des rafales de vent soufflant à 214 km/h à l'aéroport situé au nord de l'île et de 230 km/h sur le piton Sainte-Rose à l'extrême est. De très fortes pluies orageuses ont également balayé l'île.
Dans un gymnase de Saint-Denis, où sont hébergés des habitants sinistrés, Marie-Pierrette Narsou confie sa peur : « Là c'était méchant, (...) moi ça m'a un peu traumatisée ». Le centre d'accueil se prépare à héberger plus de monde dans les prochaines heures.
Voitures emportées
Sur les réseaux sociaux, des vidéos montrent des rues totalement inondées avec parfois des torrents d'eau dévalant les pentes, notamment à Saint-Denis et à Saint-André (est de La Réunion). D'autres vidéos montrent des voitures emportées.
Le ministre des Outre-mer, Manuel Valls, « se rendra sur place dans les prochains jours pour être aux côtés des Réunionnais et pour définir, en concertation avec le préfet et les élus du territoire, les aides nécessaires pour faire face à l'ampleur des dégâts », a fait savoir son entourage samedi. « Deux vagues de renforts » de pompiers et de personnels de sécurité civile, en provenance de l’Hexagone et de Mayotte. La première vague est arrivée samedi matin, la seconde arrivera dans la nuit de dimanche à lundi.
« Près de 1000 policiers et gendarmes sont mobilisés, notamment pour prévenir les risques de pillage, ainsi que 600 sapeurs-pompiers et près de 20 personnels du SAMU » fait aussi savoir la préfecture, qui rappelle aussi que « 2 000 bâches et une centaine de lits picots ont été livrés au profit des arrondissements Nord et Est de l’île ». La baignade demeure interdite -rivières, lagon et autres sites- dans les 72 heures après le passage du cyclone, en raison des « matières polluantes » propagées par les fortes précipitations et coulées de boue.
Floris Carpaye de la FDSEA, syndicat agricole majoritaire à La Réunion, se désole : « Toutes les filières agricoles ont été impactées, mais le maraîchage est peut-être le secteur qui a été le plus touché, les serres ont volé, les plants de légumes ont été noyés, c'est une véritable catastrophe ». Garance est le deuxième cyclone de l’été austral 2024-2025 à durement toucher un territoire ultramarin, après Chido qui a ravagé Mayotte en décembre dernier.
Cette fin de semaine, pas moins de six cyclones et dépressions ont été observés dans l’Hémisphère sud : trois dans le Pacifique ouest et trois dans l’océan Indien. Parmi eux, le cyclone Honde a notamment concerné le sud de Madagascar, Seru a de son côté circulé à l’Est de la Nouvelle-Calédonie et concerné le Vanuatu, tandis que Rae a touché Wallis et Futuna au stade de dépression tropicale avant d’évacuer vers Fidji.
Correspondant à l’été austral, les mois d’octobre à avril sont propices à la formation de dépressions pouvant évoluer en cyclones dans l’hémisphère sud, avec un pic d’activité entre janvier et mars. On les observe, à cette période de l’année, dans le Pacifique sud-ouest et l’océan Indien.
Avec AFP