Dans la continuité de sa visite sur l’île de Mayotte, le ministre délégué chargé des Outre-mer, Philippe Vigier, est allé ce jeudi à la rencontre du détachement de traitement de l’eau des formations militaires de la Sécurité civile (Formisc) ce jeudi, à Ouangani. Il s’est également rendu sur une opération de détection de fuites sur le réseau d’eau à M’tsapéré. Annonçant « un mois d’octobre compliqué », il compte sur les travaux en cours sur les fuites, les rivières et les forages pour assurer une production de « 20.000 m3 par jour » en novembre, dès que les retenues de Dzoumogné et Combani seront entièrement vides. Détails de cette visite ministérielle avec notre partenaire Mayotte Hebdo.
« Franchement, le mois d’octobre va être compliqué », a admis Philippe Vigier, devant le comité de la ressource en eau, ce mercredi après-midi. Alors qu’il a salué « la résilience des Mahorais » à plusieurs reprises, le ministre délégué aux Outre-mer voulait faire preuve de « transparence » en invitant exceptionnellement la presse à l’une de ces réunions où les institutions (préfecture, Agence régionale de santé, syndicat des Eaux de Mayotte, SMAE, Dealm, Météo France) font le point régulièrement sur la crise de l’eau et y prennent les décisions comme les coupures d’eau supplémentaires. Le matin-même, il avait rencontré des bénéficiaires de la distribution gratuite de bouteilles d’eau dans le quartier M’gombani, à Mamoudzou. Alors qu’il y a 51.000 personnes vulnérables recensées auprès des CCAS (centre communal d’action sociale) de l’île, leur nombre pourrait « être élargi à 80.000 », a annoncé le ministre. Des commandes ont été faites pour assurer un ravitaillement hebdomadaire des foyers. « J’ai promis aux habitants qu’il n’y aurait pas de rupture », a-t-il poursuivi.
Lors de la réunion du comité, le niveau actuel des retenues collinaires à été rappelé. Celle de Dzoumogné est à 7,5% et Combani à 16%. Avec une consommation journalière de 27.000 m3, leur vidange complète est prévue « fin octobre », soit à quelques semaines de la saison des pluies annoncée comme « normale ». Un délai qui impose des alternatives pour la production d’eau potable que le préfet de Mayotte, Thierry Suquet, souhaiterait voir « à 20.000 m3/jour » en novembre, tandis qu’en attendant, il a été rapidement évoqué un passage à trente heures d’eau par semaine, contre soixante en ce moment. Ni de date ni de planning (2×15 heures ? 3×10 heures ?) n’ont été donnés. « Beaucoup de travaux sont en cours, il y a 35 millions d’euros, on fait des forages, on cherche les fuites. Et tout cela, ce sont des milliers de mètres-cube complémentaires qu’on aura d’ici la fin de l’année », a confirmé le ministre.
Il y a d’abord le prélèvement en rivière, qui représente 50% de la production à Mayotte (30% pour les retenues). Celles-ci ont moins de débit du fait de la sécheresse, mais 600 m3 supplémentaires venant de celle de la rivière de Soulou sont prévus « à la fin octobre » et iront en direction de l’unité de potabilisation de Miréréni (Chirongui). Les recherches de fuite sont faites quotidiennement afin de faire des travaux d’urgence. Le directeur général des services du syndicat des Eaux de Mayotte, Ibrahim Aboubacar, indique que « 75% de la production est assurée en temps normal ». Avec le système de coupures de 48 heures en Grande-Terre et les coupures nocturnes de Petite-Terre, ce taux a baissé à 65% en raison du réseau dégradé. Ainsi, lorsque la production quotidienne atteint 27.000 m3, 15.500 autres prennent littéralement la fuite. « On a un programme de six millions d’euros, c’est énorme », a rappelé Philippe Vigier.
Ô forages, ô derniers espoirs
Le ministre a également insisté sur les forages. Avec bien des années de retard, la sixième campagne a commencé le lundi 4 septembre à Coconi. L’eau trouvée à 140 mètres de profondeur pourrait être injectée dans le réseau à la mi-novembre. Ce sont 500m3/jour qui sont attendus. Pareil à Bandrélé, où des travaux d’urgence cette fois, avec de l’eau à 75 mètres, ont lieu. Les deux forages ont bénéficié d’un coup de pouce pour les analyses de l’eau en métropole, puisqu’elles ont pu être faites en priorité. Un troisième forage, d’urgence là aussi, devrait rapidement suivre une nouvelle fois à Coconi.
A Pamandzi, l’unité de dessalement, où le ministre s’est rendu en fin de journée, est actuellement en travaux pour passer d’une production de 3.500 m3 pour les bons jours à 4.700m3 début décembre. Des travaux d’interconnexion permettront d’envoyer le surplus en Grande-Terre (actuellement seule Grande-Terre peut envoyer de l’eau sur l’autre île).
Jimawéni, c’est fini
C’était l’un des projets phares du ministre il y a trois semaines, sur le site de Jimawéni, au sud de Sada, un osmoseur capable de dessaliniser l’eau de mer d’une capacité de 1.000 m3 par jour devait voir le jour. Il n’en sera rien. Le sujet a été abordé en réunion du comité, le coût (passé de quatre à huit, puis à douze ou treize millions d’euros) et « les incertitudes » sur les résultats font que le projet tombe à l’eau. Le président du syndicat, Fahardine Ahamada, acquiesce. Il a alerté le ministre sur les difficultés du projet et demandé à ce que les crédits alloués soient basculés sur d’autres projets.
Pour le directeur général du syndicat, le site reste cependant candidat à l’installation d’une autre usine de dessalement de 10.000 m3/jour qui viendra en complément de celle d’Ironi Bé, de la même capacité et annoncée « fin 2024 ».
Unité de potabilisation à Ouangani
Dans la continuité de sa visite sur l’île de Mayotte, le ministre délégué chargé des Outre- mer, Philippe Vigier, est allé à la rencontre du détachement de traitement de l’eau des formations militaires de la Sécurité civile (Formisc) ce jeudi, à Ouangani.
Les sapeurs-sauveteurs s’étaient tous réunis à l’unité pour expliquer leur mission, ainsi que le processus de potabilisation, de la rivière à la distribution. Dépêchée à Mayotte depuis la mi-septembre, la Formation militaire de la Sécurité civile potabilise de l’eau douce depuis la rivière Coconi. Sans annoncer de planning, le commandant Luc, chef de détachement a expliqué que ses équipes resteront « tant que le besoin est là ».
Possédant une autonomie complète de fonctionnement, l’unité de traitement de l’eau peut produire jusqu’à 200 m3 d’eau par jour. S’adressant aux Formisc, Philippe Vigier a reconnu que « ce qui n’existait pas il y a un mois est désormais concret par la capacité que vous avez à produire de l’eau potable, avec des process et des étapes qui ont été validés avec de la rigueur scientifique ». En sus des opérations de potabilisation, des analyses sont effectuées directement par les sapeurs-sauveteurs. Ces dernières portent notamment sur la turbidité de l’eau, mais aussi sur des paramètres physico-chimiques et microbiologiques. Une fois traitée, analysée et potabilisée, l’eau est ainsi stockée sur place pour pouvoir remplacer en cas de défaillance, le réseau. Afin de prendre en compte les spécificités du territoire, l’installation de rampes mobiles a été adaptée sur les conteneurs-cuves, pour une meilleure distribution à la population. Outre le stockage et la distribution d’eau potable par conteneur-cuves et citernes, le Formisc peut produire des contenants individuels, allant de 300 ml à un litre. Selon le ministre délégué, cette décision « totalement innovante » aurait été prise il y a cinq jours.
Presque 3 millions d'euros pour la recherche de fuite
Philippe Vigier s’est rendu sur une opération de détection de fuites d’eau sur le réseau. Cette opération de recherche et de réparation, menée par le syndicat Les Eaux de Mayotte, représente un budget de 2.844.000 euros, dont 844.000 euros uniquement
Ibrahim Aboubacar, directeur général des services du syndicat des Eaux de Mayotte, accompagne le ministre lors d’une opération de détection de fuites sur le réseau d’eau, à M’tsapéré.
pour la recherche. Sur ce chantier, l’État finance à hauteur de 2,5 millions d’euros. A Mayotte, le volume des fuites d’eau s’élève à 35.000 m3 par jours, ce qui représente 35 % de pertes, « d’où l'absolue nécessité d’avoir une bonne stratégie pour cibler les zones, afin d’avoir les meilleurs résultats », explique Ibrahim Aboubacar, le directeur général des services du syndicat. Les zones où les fuites sont les plus nombreuses se concentrent à Mamoudzou et dans sa périphérie, à Petite-Terre, mais aussi dans l’extrémité nord de l’île.
Afin de réaliser cette opération de détection, l’entre- prise spécialisée Ax’eau a été missionnée, pendant six mois. Une équipe de quatre techniciens sillonne l’île. « On épluche au peigne fin les réseaux, chaque mètreestvérifié»,explique Loïc Estevan,coordinateur du projet à Ax’eau. La recherche est réalisée par acoustique principalement, avec un amplificateur. Sur les six mois, différents moyens de recherche seront déployés. « On sectorise de nuit et on va là où les secteurs sont les plus fuyards pour orienter la stratégie et pour être le plus efficace possible en peu de temps », ajoute le coordinateur. En dix jours, une trentaine de fuites a d’ores et déjà été trouvée. « Chaque fois qu’il y a une fuite, il y a réparation », précise le préfet, Thierry Suquet.
Afin de visualiser concrètement ce chantier d’ur-gence, le ministre délégué en charge des Outre- mer a pu découvrir par lui-même la découverte d’une fuite au cœur de M’tsapéré, grâce au système acoustique.
Par Mayotte Hebdo