Chikungunya : Face à une épidémie qui prend de l’ampleur à La Réunion, une expérimentation bientôt mise en œuvre

Chikungunya : Face à une épidémie qui prend de l’ampleur à La Réunion, une expérimentation bientôt mise en œuvre

Plus de 1 000 nouveaux cas de chikungunya ont été recensés en un mois à La Réunion. Face à cette propagation rapide, l'Agence régionale de santé (ARS) multiplie les opérations de démoustication pour freiner l'épidémie, qui touche déjà 19 des 24 communes de l'île.

Près du centre-ville du Tampon, l'une des zones les plus touchées dans le sud de l'île, Yolant Galibert fait du porte-à-porte pour sensibiliser les habitants et repérer d'éventuels foyers de contamination. « Vous savez que le chikungunya circule ? », demande-t-il à Martine Thienlock Sen, avant d'énumérer les symptômes : fièvre, douleurs articulaires, courbatures, voire des plaques rouges sur le corps. 

Réceptive, elle autorise les agents sanitaires à inspecter son jardin. « C'est une mesure de prévention, c'est indispensable », dit-elle à l'AFP. Rapidement, un pneu caché dans un fourré rempli d'eau stagnante, propice à la prolifération des moustiques, est repéré. « Nous allons repasser pour démoustiquer », assure l'agent. En combinaison et masque panoramique, il revient quelques minutes plus tard, pulvérisateur en main.

Depuis août 2024, 1 069 cas de cet arbovirose, transmis par le moustique tigre -comme la dengue et le zika-, ont été comptabilisés sur l'île de près de 900 000 habitants. « La démoustication permet d'éliminer les moustiques adultes et de limiter la transmission du virus », explique Nicolas Odon, ingénieur coordinateur à l'ARS de La Réunion, qui évoque une flambée des cas depuis un mois.

Au total, 19 communes sur les 24 que compte le territoire sont touchées, particulièrement dans le sud de La Réunion. Si l'impact sanitaire reste limité avec huit passages aux urgences et sept hospitalisations, selon la préfecture, les autorités appellent à la vigilance. « Plus nous aurons de cas, plus le risque de formes graves augmentera », prévient Nicolas Odon. D'autant que l'été austral et les pluies récentes favorisent la propagation des arboviroses, comme la dengue et le chikungunya. 

Mâles stériles et biocide 

Jusqu'à cette flambée récente, aucun cas n'avait été signalé à La Réunion depuis 2010. « Il est probable qu'un habitant ou un touriste ait amené la maladie, puis qu'un moustique soit lui-même devenu contaminant », analyse Nicolas Odon. Le moustique tigre avait été à l'origine de la grande épidémie de chikungunya qui, entre 2005 et 2006, a touché 260 000 personnes dans l'île, dont 225 mortellement.

« Certains patients ne pouvaient même pas être touchés : ils présentaient de très fortes douleurs articulaires. Et les établissements de santé étaient saturés », se remémore Xavier Deparis, directeur de la veille sanitaire à l'ARS. Il estime que l'épidémie 2025 devrait être « de moindre ampleur qu'il y a 20 ans », notamment parce qu'elle est pour l'instant concentrée dans l'ouest et le sud de l'île, mais reste « vigilant ». 

Cette fois, les autorités misent en outre sur une expérimentation pour contrer l'épidémie. A partir d'avril, 10 millions de moustiques tigres stériles seront relâchés dans le sud de l'île, notamment à Saint-Joseph. Ces mâles irradiés seront recouverts d'un biocide qu’ils transmettront aux femelles et aux gîtes larvaires, bloquant ainsi l'éclosion des œufs. Un procédé similaire à la bactérie Wolbachia, expérimentée en Nouvelle-Calédonie depuis 2019, et qui a fait ses preuves contre la transmission des arboviroses. 

« L'objectif est de réduire la population de 90% », explique Jérémy Bouyer, chercheur, spécialiste de la lutte génétique au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement. Les moustiques restent les animaux les plus mortels au monde, responsables d'environ 800 000 décès par an, rappelle l'Institut de recherche pour le développement.

Avec AFP